Faire un film de science-fiction avec des dinosaures sans ressembler à Jurassic Park , tel était le défi de 65 : La Terre d’avant. Manque de scénario, le film de Scott Beck et Bryan Woods tombe complètement à plat : critique.
Jurassic Crap
« Alors on va faire un film de dinosaures, mais il ne faut surtout pas que ça ressemble à la saga Jurassic Park (1993-2022), donc on va mettre en place un contexte totalement bidon, et inventer des nouvelles espèces de dinosaures bien moches.» Oui c’est un peu méchant, mais que dire d’autre après l’immense déception de ce film soit-disant high-concept qui est en réalité totalement creux ? Sorti en même temps que Scream VI (Bettinelli-Olpin, 2023), 65 : La Terre d’avant (Beck et Woods, 2023) passe relativement inaperçu comparé à la campagne marketing monstre de la franchise. La sortie du film ayant été repoussée cinq fois par Sony, on imagine déjà que la firme ne nourrissait pas de grands espoirs quant à son succès. Pourtant, le genre a le vent en poupe, et tous les éléments étaient en apparence réunis pour faire vendre : Adam Driver en tête d’affiche, la jeune actrice montante Ariana Greenblatt, et… Des dinosaures.
Le gros problème, c’est que rien n’est développé de manière crédible. La séquence d’ouverture n’introduit aucun élément concret : le pilote Mills (Driver) profite de la plage avec sa femme et sa fille. On comprend qu’ils sont sur une autre planète (laquelle ? En quelle année ?), que sa fille est malade (de quoi ?) et que la mission de deux ans dans l’espace (pour faire quoi ?) qu’il vient d’accepter permettra de financer un éventuel traitement. En cinq minutes de récit, on se pose déjà une multitude de questions qui, autant l’annoncer tout de suite, ne trouveront aucune réponse. Seul membre éveillé alors que le reste de l’équipage est en hibernation, Mills doit gérer seul une pluie de météorites qui endommage le vaisseau et l’amène à s’écraser sur une planète inconnue qui n’est autre que la Terre… Il y a 65 millions d’années. Le pilote ne semble pas reconnaître la Terre, ni comprendre qu’il a affaire à des dinosaures, donc le spectateur est encore une fois amené à se demander d’où il peut bien venir. Seule une jeune fille, Koa (Greenblatt), est sortie indemne du crash. Que faisait-elle dans le vaisseau ? D’où venait-elle pour parler une autre langue ? Ajoutons cela à notre liste interminable de questions logiques mais apparemment superflues pour les scénaristes. Les deux rescapés entreprennent alors de traverser une forêt peuplée de dinosaures pour rejoindre la capsule de survie du vaisseau qui s’est écrasée plus loin et leur permettrait de quitter la planète.
Scott Beck et Bryan Woods, les co-réalisateurs et co-scénaristes du film, signent ici leur plus grand projet côté réalisation, mais ne sont pas pour autant des novices à l’écriture, ayant notamment co-scénarisé les deux Sans un bruit (John Krasinski, 2018-2020). Certes les films de Krasinski n’ont rien de révolutionnaire, mais ils ont néanmoins le mérite de ne pas laisser des trous scénaristiques béants pendant 1h30. Si on émet l’hypothèse que la contextualisation n’avait qu’une moindre importance aux yeux du duo, alors il aurait au moins fallu que les personnages, et en particulier leur communication basée sur les gestes et les émotions plutôt que la langue, prennent le relais. Or, ce semblant de relation père-fille, où Koa viendrait en quelque sorte « remplacer » la fille que Mills a perdue, ne parvient que péniblement à émouvoir, faute de développement suffisant. Si le ton oscille assez agréablement entre scènes d’actions bien rodées et intervalles plus légers, voire comiques, c’est surtout la tension qui devient centrale face à l’approche du fameux astéroïde qui décimera les dinosaures pour de bon (65 millions d’années n’étant pas une date choisie au hasard). Les effets spéciaux relèvent heureusement le niveau, avec des dinosaures inventés de toutes pièces mais au design particulièrement effrayant. La durée plutôt courte d’1h30 vient vite nous libérer d’un film divertissant si on choisit de ne poser aucune question, mais qui, dans tous les cas, ne marquera aucun esprit.