Après Vivarium (2020) qui avait ravi les amateurs de genre en 2019, Lorcan Finnegan revient en Blu-Ray chez The Jokers avec The Nocebo Effect accompagné d’Eva Green en tyran de la mode qui va en prendre pour son grade.
L’effet fast fashion
Christine (Eva Green) est créatrice de mode pour enfants. Lors d’un défilé pour sa nouvelle collection, elle reçoit un appel téléphonique de mauvais augure sans qu’aucun détail ne soit dévoilé. Elle voit alors momentanément apparaître un chien errant infesté de tiques et se fait elle-même piquer. Avance rapide, huit mois plus tard, Christine est gravement malade. Ayant perdu tous ses contrats professionnels, elle peine à garder la tête hors de l’eau. Shootée aux médicaments, elle enchaîne pertes de mémoire et sautes d’humeur, au grand dam de son mari qui commence à croire que cette soi-disant maladie relève peut-être davantage du champ psychologique. Loin d’être un simple titre, l’effet nocebo est un vrai diagnostic où un patient, persuadé que son traitement est nocif, développe des symptômes graves bien réels ; en d’autres mots, c’est l’inverse du placebo. Quand Diana, une nounou philippine, arrive chez Christine sans que cette dernière se souvienne l’avoir engagée, elle prétend pouvoir l’aider à se débarrasser de sa maladie grâce à ses dons de guérisseuse. Si Christine mord à l’hameçon, son mari reste perplexe face à cette nouvelle venue qui menace de chambouler l’équilibre familial déjà précaire.
Fort de Vivarium qui avait enchaîné les nominations et les prix lors de ses passages en festivals en 2019, Lorcan Finnegan revient avec ce troisième long-métrage, certes moins ingénieux (il faut dire que cette histoire de couple prisonnier d’une banlieue labyrinthique était particulièrement bien ficelée), mais qui recèle quand même de bonnes idées. Toujours accompagné par son acolyte scénariste Garret Shanley, le réalisateur irlandais plonge les spectateurs dans les rituels shamaniques des Philippines, et notamment le concept de « umu », une personne aux pouvoirs surnaturels qui peut autant guérir que détruire. Grâce à une narration parallèle – pas toujours bien amenée malheureusement –, on en apprend davantage sur l’enfance de Diana, son héritage, sa relation à la nature et ses dons de guérisseuse, puis sur sa vie de famille mouvementée qui finira par une tragédie insurmontable. L’intérêt principal de The Nocebo Effect est incontestablement la présence du folklore philippin par le biais de l’opposition médecine occidentale/rituel ancestral et bien évidemment l’antagonisme entre le confort bourgeois du couple Christine/Félix et la nounou venue d’un pays pauvre. Cette dynamique de la migration forcée n’est pas sans rappeler des films récents comme The Nanny (Nikyata Jusu, 2022) et His House (Remi Weekes, 2020). Par-delà les similitudes bien huilées du choc des cultures et du mépris déguisé des bourgeois pour leur personnel, la grande différence réside dans le fait que Diana n’a pas choisi ce foyer au hasard. Ici c’est bel et bien la nounou qui tient les rênes et qui renverse les codes du duo victime-bourreau.
Très librement inspiré d’une tragédie humaine qui s’est déroulée aux Philippines en 2015 – pas de détails pour éviter les spoilers –, le film ne manque pas de critiquer les habituels méfaits du capitalisme et de l’individualisme, en s’attaquant plus précisément à la fast-fashion et aux Occidentaux qui ferment les yeux sur l’origine de leurs derniers caprices matérialistes. Sans révolutionner le genre et sans faire dans la dentelle, The Nocebo Effect promet ça et là quelques surprises efficaces notamment grâce à l’excellente performance de Chai Fonacier, actrice philippine qui porte le film sur ses épaules face à une Eva Green en petite forme (sans mauvais jeu de mots). Sorti en DVD/Blu-Ray chez The Jokers dans une édition sans bonus, le long-métrage décevra peut-être les spectateurs qui espéraient un Vivarium bis, mais pourra potentiellement convaincre ceux qui préfèrent éviter les prises de tête.