Prey


Dernier rejeton de la très inégale franchise Predator et sortie exclusive de la plateforme Disney +, Prey (Dan Trachtenberg, 2022) réussit enfin à relever le niveau de ses prédécesseurs. En nous proposant de suivre une jeune héroïne téméraire dans sa traque du célèbre chasseur aux mandibules, Dan Trachtenberg fait le pari de s’éloigner de l’ambiance hyper-masculine des premiers opus, et nous offre un personnage principal digne des plus grandes badass du cinéma. 

Gros plan sur le visage concentré, peint en noir, d'Amber Midthunder, visant avec son arc dans le film Prey.

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Chasser ou être chassé(e)

Naru et son chien Sarii se cachent dans la jungle, à ras du sol, le regard au loin, dans le film Prey.

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La franchise Predator a connu une trajectoire en dents de scie, après un premier opus remarquable en 1987, suivi d’une (trop) longue lignée de suites qui n’ont pas récolté les faveurs du public, certaines considérées comme “moyennes”, et d’autres comme “catastrophiques”. On se souviendra entre autres, pour le pire, des crossovers : Alien vs Predator (Paul W. S. Anderson, 2004) et Alien vs Predator : Requiem (Greg et Colin Strause, 2007), qui ont probablement contribué à renforcer la comparaison entre les deux univers, et à enterrer la saga Predator un peu plus dans l’ombre de sa grande sœur Alien. C’est pourquoi ajouter un énième film à cette franchise pouvait s’avérer une tâche particulièrement ardue, à entreprendre avec une certaine délicatesse afin de ne pas répéter les erreurs du passé. Ce gage n’a pas semblé effrayer le jeune réalisateur américain Dan Trachtenberg. Sa carrière jusque-là n’a été ni très longue, ni très marquante, même si on lui doit tout de même un épisode de Black Mirror (2016) et l’inattendu 10 Cloverfield Lane (2016). Peu de faits d’armes donc pour qu’on ose miser sur le bonhomme et ses capacités à marcher dans les pas du génial John McTiernan. Et pourtant, ce pari est réussi tant le cinéaste a su s’entourer d’un casting d’acteurs et d’actrices aussi jeunes que lui. Tout ce petit monde apporte un réel vent de fraîcheur à l’univers Predator, si bien qu’alors que l’action se situe en l’an 1719 – puisqu’il s’agit d’un préquel aux autres films – son récit s’inscrit dans l’ère du temps.

Car la vraie grande innovation de Prey, c’est qu’il met à l’honneur une héroïne, remplaçant les habituels gros badass musclés qui servaient jadis de gibier au super-prédateur intergalactique. On s’attache donc au personnage de Naru – jouée par Amber Midthunder, dont on a hâte de suivre la carrière – une jeune chasseuse qui préfère écouter son instinct plutôt que les conseils des hommes qui l’invitent à rentrer sagement à la maison. Elle rappelle ainsi la mythique Ellen Ripley dans Alien, le huitième passager (Ridley Scott, 1979) par sa ténacité tout autant que par ses qualités de stratège. De plus, tout comme Ripley avait son chat Jonesy, Naru est aussi accompagnée d’un fidèle compagnon à quatre pattes, son chien Sarii – un dingo américain pour les curieux.ses et les ami.es des animaux ici présent.es – qui vient apporter une touche de mignonnerie salvatrice, entre deux bains de sang. Cela dit, Prey n’est pas un film violent du début à la fin. En réalité, le premier acte est très lent et il se passe un long moment avant que le fameux predator n’apparaisse à l’écran et que l’action commence enfin. Durant cette phase initiale, on suit simplement la progression de Naru, qui veut prouver à son grand frère Taabe (Dakota Beavers) qu’elle est prête à suivre son exemple et devenir à son tour une grande chasseuse. Un public non-averti pourrait même ne pas du tout se rendre compte qu’il s’agit d’un énième épisode de la saga Predator avant le milieu du film, et la (bonne) surprise n’en serait alors que plus grande : finalement, Naru va se rendre compte que la créature qu’elle a décidé de prendre en chasse a en réalité la même intention à son égard. Le prédateur en est réduit au rang de proie.

Le Predator du film Prey, avec un masque fait en squelette animal, vu en contre-plongée.

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Prey prend donc bien le temps de planter son cadre avant de plonger les spectateur.trices dans le vif de son sujet, ce qui n’est pas sans rappeler le Predator originel (McTiernan, 1987). D’ailleurs, les références au premier opus sont multiples, et ce sont peut-être ces similitudes qui confèrent à Prey cette saveur si particulière qui manquait aux autres volets. Mais cela ne fait pas tout, le long-métrage ne se contentant pas seulement de rendre hommage à son illustre prédécesseur et possédant également d’autres atouts à commencer par le sérieux et l’inventivité de la mise en scène de Trachtenberg. On pense notamment à la place qu’elle accorde au silence, qui nous permet tantôt d’apprécier la beauté de paysages majestueux, tantôt de peser la gravité de l’instant. Ce sentiment de majesté est davantage renforcé par un recours exclusif à la lumière naturelle. En effet, Trachtenberg et son équipe ont tout fait pour respecter la beauté naturelle des décors. L’esthétique du film est très soignée, voire peut-être un peu trop soignée pour un film d’action… On a presque parfois l’impression – en tout cas dans la première moitié – de regarder les séquences cinématiques d’un jeu vidéo. Cela dit, quand on sait que le réalisateur s’est inspiré du 10e art, plus précisément de God of War (Cory Barlog, 2018), notamment dans le design des armes, cela n’est peut-être pas si étonnant. Et surtout, ce n’est absolument pas désagréable. Du point de vue narratif, l’intrigue surprend avec l’entrée d’une seconde espèce de prédateur dans l’arène : le trappeur, un ennemi naturel des peuples natifs américains. Le film offre d’ailleurs une certaine visibilité à la culture comanche – à noter qu’il a aussi été doublé dans la langue de ce peuple amérindien – de manière respectueuse et sans jamais tomber dans les clichés.

Prey a l’intelligence de revenir aux racines de ce qui a toujours fait le sel d’un bon film de survival horror : un cadre simple, une survivante qui utilise intelligemment tout ce qui est à sa disposition, des répliques marquantes – “If it bleeds, we can kill it” – des moments de tension, et un “monstre” qui invite à faire des cauchemars. Ajoutez à cela, peut-être l’une de ses qualités principales : réussir à redonner l’envie de (re)découvrir l’ensemble de la franchise, le meilleur comme le pire. Une expédition qui aura certainement le mérite de conforter l’idée que cette dernière itération sort véritablement du lot.


A propos de Andie

Pur produit de la génération Z, Andie a du mal à passer plus d'une journée sans regarder un écran. Ses préférés sont ceux du cinéma et de la télévision, sur lesquels elle a pu visionner toutes sortes d'œuvres plus étranges et insolites les unes que les autres. En effet, elle est invariablement attirée par le bizarre, le kitsch, l'absurde, et le surréaliste (cela dit, pas étonnant lorsque l'on vient du plat pays...). Elle apprécie particulièrement les univers cinématographiques de Michel Gondry, Jaco Van Dormael, et Guillermo Del Toro. Ses spécialités sont le cinéma fantastique et les documentaires. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/riobs

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