Le festival Grindhouse Paradise nous a offert une jolie séance de trouille nocturne avec The Queen of black magic (Kimo Stamboel, 2019) possédant tous les éléments du film d’horreur parfait d’après minuit. Remake du long-métrage éponyme de 1981, cette production nous entraîne sur les terres indonésiennes pour une petite initiation à la magie noire.
1001 pattes
Dans tout bon festival qui se respecte, il faut toujours un peu d’exotisme, un long métrage venu d’ailleurs qui n’aurait pas eu la chance d’arriver jusqu’à nous en temps normal. Si en plus il peut cocher la case « films de fantômes », c’est le jackpot. La structure de Queen of black magic (Kimo Stamboel, 2019) est plutôt classique, si bien que le spectateur aguerri à ce genre horrifique rira déjà doucement à la vue de cette petite famille parfaite qui rentre innocemment au bercail sans se douter une seconde de toutes les horreurs qui vont lui tomber dessus. Il va cependant falloir attendre pas mal de temps avant d’avoir le moindre frisson, le réalisateur Kimo Stamboel – grand habitué des productions d’horreur avec son ancien partenaire, Timo Tjahjanto – préférant mettre en place son intrigue par le biais de scènes de retrouvailles somme toute assez banales. N’espérez donc pas le moindre jumpscare avant d’avoir fait le tour de l’orphelinat et la rencontre de ses actuels et anciens habitants. C’est un choix qui pourrait sembler plutôt judicieux car il permet de nous immerger dans le quotidien de l’orphelinat, en connaitre ses moindres recoins et surtout, son histoire. Néanmoins si nous nous attachons très vite à certains personnages, d’autres restent, hélas, totalement transparents, n’entraînant pas beaucoup d’empathie lorsque les choses commencent à dégénérer, la faute probablement à un trop grand nombre de protagonistes dont certains manquent cruellement d’épaisseur. Cela dit étant un public plutôt habitué aux productions occidentales et notamment américaines, il est possible que nous ne possédions pas forcément tous les codes pour apprécier pleinement les subtilités des personnages et des relations qui les unissent dans ce contexte précis : la minceur a-t-elle la même place qu’en Occident ? Comment comprendre les relations hommes/femmes ? Les adolescents draguent-ils de la même façon ? Autant de questions qui, si elles nous permettent malgré tout de poser les enjeux, restent trop en suspens pour nous, Cccidentaux, afin de véritablement accéder au sens plus complexe de The Queen of black magic.
Si cet aspect peut paraître frustrant lors des séquences de dialogue et des scènes du quotidien, il l’est beaucoup moins lors des passages de trouille qui finissent par se déverser généreusement lors de la seconde partie du film. Les évènements s’enchaînent très vite, si bien que nous avons à peine le temps de comprendre l’histoire que la violence se déchaine déjà sur les personnages jusqu’à finir sur un climax digne de la pire succursale de l’Enfer. Cette surenchère à tendance à amoindrir l’effroi suscité, même si on ne peut pas nier que les maquillages gores sont particulièrement réussis. Pour maximiser la terreur et le dégout chez le spectateur, le réalisateur a en effet décidé de faire appel à ses peurs les plus primitives. Et quoi de plus universel que cette angoisse face à des insectes grouillants, à cette chair suppliciée… Certains plans vont rester gravés longtemps dans nos mémoires, en particulier un qui promet d’être une véritable torture psychologique pour les trypophobes. Si les images sont crues, nous n’avons pas cette angoisse croissante et mystérieuse que l’on peut retrouver habituellement dans les films de fantômes, cette figure surnaturelle – qui bien que typiquement asiatique, nous est maintenant familière grâce aux remakes américains de chefs-d’oeuvres du genre, tel que The Ring (Gore Verbinski, 2002) ou The Grudge (Takashi Shimizu, 2006) – étant plus ou moins rendue discrète au profit du gore et de ses effets.
Même si c’est plutôt rare il n’est pas impossible de tomber un soir de chill sur ce genre de productions d’horreur indonésienne dans les tréfonds de Netflix, tel que le long métrage The Doll (Rocky Soraya, 2016). Toutes ont ce même défaut de comporter pas mal d’effets cheap, notamment au niveau des images de synthèse assez peu crédibles qui peuvent faire sourire le spectateur blasé du numérique. Les ficelles scénaristiques sont toujours suffisamment grosses pour que l’on comprenne vite ou le film veut en venir, ce qui peut conduire assez rapidement à un ennui profond. The Queen of black magic évite néanmoins assez ces écueils, car même si certains ressorts scénaristiques un peu tordus ne sont là que pour faire verser encore plus de sang et que le final est assez vite expédié, on ne peut nier que ce secret nous tient en haleine jusqu’à son twist final qui fait vaciller toutes nos certitudes. Sans être d’une originalité folle, ce long-métrage est généreux et tient ses promesses, ce qui est, avouons-le, deux qualités non négligeables.