Rimini Editions nous propose de découvrir Les Griffes de la Peur un thriller lorgnant du côté d’Alfred Hitchcock, réalisé par David Lowell Rich en 1969, soit l’une des premières incursions du réalisateur dans le domaine de l’horreur.

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Matou vu

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Qu’il soit animal de compagnie ou héros de comédie musicale, le chat a toujours fasciné l’être humain, et ce depuis les débuts de l’humanité. En effet, on retrouve trace de nos félins adorés auprès des pharaons d’Egypte, mais aussi dans les peintures de la renaissance. Par les symboles qu’il transporte, son aspect mystérieux et inquiétant, le chat s’est d’abord imposé comme l’une des grandes figures de la littérature fantastique, notamment chez Edgar Allan Poe avec sa nouvelle fantastique Le Chat noir publiée en 1843. Très tôt dans son histoire, le septième art notamment via le biais du cinéma d’horreur, va s’intéresser aux felidae. On pense notamment au segment Le chat noir de Cauchemars et hallucinations (Richard Oswald, 1919) que revisitera par ailleurs Lucio Fulci en 1981, mais aussi à de nombreux autres exemples comme La Tombe de Ligeia (Roger Corman, 1964) adapté aussi de Poe, L’adorable voisine (Richard Quine, 1958), L’Homme qui rétrécit (Jack Arnold, 1957) mais encore L’Espion aux pattes de velours (Robert Stevenson, 1965) et Le Chat qui vient de l’espace des studios Disney (Norman Tokar, 1978) entre bien d’autres illustres métrages qu’on évitera de tous citer pour ne pas tomber dans une énumération sans fin. Le film de David Lowell Rich qui nous intéresse ici, appartient à cette sous-catégorie de films félins, utilisant la figure du chat pour susciter la terreur chez le spectateur. Remplaçant le réalisateur Alex Seagal qui s’était blessé lors du tournage, David Lowell Rich, habitué de ces productions à petits budgets, a dû faire face à un obstacle de taille lors de son arrivés sur le plateau : les chats eux-mêmes, réputés pour être imprévisibles et compliqués à dresser. S’il y avait bien un dresseur lors du tournage, le faible budget ne permettait pas d’avoir une équipe qui pouvait gérer la dizaine de chats présents à l’écran. Ainsi, le réalisateur dut faire appel à différentes stratagèmes pour “diriger” tant bien que mal les chats filmés. Malgré cette contrainte féline et d’autres davantage budgétaires, Rich parvient à livrer un long métrage plus que solide, qui ne laisse jamais apparaître la maigreur de son budget.
Dans ces prémisses, le canevas scénaristique des Griffes de la Peur – narrant les tentatives de Wilye, un ailourophobe (peur des chats) qui tente, en vain, de se débarrasser de sa tante, qui vit entourée de félins, afin de toucher un joli héritage – n’est pas sans rappeler ces productions à suspense très en vogue au début des années 1960 . Une sensation d’autant plus accentuée par la première heure du métrage. On y suit les déambulations des personnages tout en prenant connaissance des conflits qui les animent, en eux mais surtout entre eux. Le récit se démarque toutefois de ses modèles en faisant attention à développer la psychologie des dits personnages. Répondant par ailleurs aux canons esthétiques de l’époque, Les Griffes de la Peur est très marqué par l’esprit et les mœurs de la fin des années 1960, notamment dans la manière dont il dépeint les relations entre les différents personnages et dans la célébration d’une sexualité alternative. Loin de rebuter le spectateur (bien au contraire) cela donne un charme désuet au métrage qui s’impose comme un brillant témoin de la société des sixties. En plus de ce parti pris, le réalisateur convoque autant dans sa direction artistique que dans sa mise en scène le style dit-on inimitable (mais pourtant tant de fois imité) du maître Alfred Hitchcock. En effet, que ce soit par l’introduction de cinq minutes, quasi-muettes et descriptive, nous présentant tour à tour les chats et les différentes pièces de la maison de la tante – qui est assumée comme étant un personnage à part entière – tout dans cette mise en place chirurgicale et ultra-codifiée nous rappelle le style Hitchcock. Cette sensation est d’autant plus accentuée que la structure du récit comporte des similitudes avec des films du maître du suspense notamment Rebecca (1941), les deux films partageant des personnages ambigus dont les rapports de domination/soumission évoluent au fil du récit.
Du coté des bonus, fidèles à leur réputation de produire des supports de qualités, les éditions Rimini proposent un livret d’une dizaine de pages rédigés par Marc Toullec revenant sur la place des chats dans la fiction, une interview d’une vingtaine de minutes de Gilles Gressard écrivain et historien du cinéma qui revient sur le film et une fin alternative destinée jadis à la télévision. Le tout, comme à son habitude, est proposé dans un coffret fort bien ouvragé qui ne fera pas tâche dans votre dvdthèque.