Présenté en compétition au festival de Gérardmer et sorti en vidéo ce 14 avril, The Other Side (Tord Danielsson et Oskar Mellander, 2020) fait monter l’angoisse dans cette histoire de maison hantée pourtant convenue.
Toc toc, qui est là ?
Quand on pense film d’horreur suédois, Morse (Tomas Alfredson, 2008) revient forcément en tête. Raflant tous les prix, cette histoire d’amitié surprenante entre un garçon humain et une fille vampire avait conquis la scène internationale, donnant bien évidemment lieu à un remake américain Laisse-moi entrer (Matt Reeves, 2010) : difficile de mettre autant tout le monde d’accord. Sélectionné en compétition officielle au festival de Gérardmer 2021, The Other Side n’aura lui pas vraiment marqué les esprits, repartant bredouille et avec des critiques en dents de scie. Il est vrai que de prime abord le pitch ne donne pas très envie : ayant fraîchement emménagé dans une nouvelle demeure, une famille recomposée assiste rapidement à des phénomènes étranges émanant de la maison mitoyenne d’à côté. Le père devant s’absenter pour le travail, le récit se concentre principalement sur la belle-mère Shirin et le petit garçon Lucas qui entretiennent une relation à fleur de peau après le décès de la mère naturelle du garçon suite à un cancer. Essayant tant bien que mal de trouver sa place sans s’imposer, Shirin est prise au dépourvu quand Lucas prétend communiquer avec le petit garçon d’à côté. D’abord dubitative, Shirin découvre alors le sort malheureux réservé aux propriétaires qui les ont précédés dans la maison et bien décidée à protéger Lucas qu’elle considère comme son propre fils, Shirin n’hésite pas à affronter le « croque-mitaine » (tel qu’il est appelé dans la version française). Fait étonnant, les deux réalisateurs affirment que The Other Side est inspirée de l’histoire vraie d’une famille terrorisée par une entité et forcée de déménager. Tord Danielsson avoue que lui aussi a vécu une expérience paranormale en entendant des bruits à heure fixe venant du duplex inoccupé à côté du sien…
Le duo de scénaristes-réalisateurs n’en est pas à son coup d’essai en matière d’horreur, même si The Other Side est leur premier long-métrage sur grand écran. Ils ont notamment écrit et réalisé une mini-série d’horreur The Last Reality Show (2012) diffusée à la télé suédoise et relatant une apocalypse zombie vue par le prisme d’une émission de téléréalité. En ce qui le concerne, le scénario très convenu de ce premier long ne donne pas moins lieu à une vraie montée d’angoisse où Danielsson et Mellander parviennent à créer une ambiance inquiétante en ayant recours à divers procédés : une bande-son minimaliste qui rend les silences extrêmement pesants, ainsi qu’un traitement de l’image hyper soigné avec un grain épais, des tons sombres et des lumières froides aux teintes bleutées qui s’associent parfaitement à la météo automnale suédoise. Les mouvements de caméra ne sont jamais laissés au hasard que ce soit en travelling, plongée ou contre-plongée, la caméra arpente les couloirs et escaliers de la maison souvent en vue subjective. Le spectateur alterne ainsi entre l’angoisse que ressentent Shirin et Lucas face à une présence inexplicable, et le point de vue d’un potentiel intrus qui épierait les faits et gestes de la petite famille.
Ainsi, malgré les tropes archi-connus et l’enchaînement d’actions couru d’avance, The Other Side crée quand même de bons moments de surprise jusqu’à la confrontation finale avec une créature qui rappellera certainement de mauvais souvenirs aux traumatisés de The Descent (Neil Marshall, 2005). Si le film s’arrêtait après 1h15, la critique serait donc franchement positive, mais malheureusement les dix dernières minutes existent. Et quel gâchis…. Les enjeux affectifs de la famille recomposée refont surface au pire des moments pour transformer une vraie culmination horrifique en dénouement niais et mélodramatique. Certes on peut comprendre la valeur symbolique de la femme qui se bat pour un enfant qui n’est pas biologiquement le sien, mais l’idée que la force des liens puisse combattre à elle seule un monstre de cette ampleur tombe à plat. Entre film d’horreur et mélodrame, il n’est pas nécessairement utile de faire un choix – Hérédité (Ari Aster, 2018) en était une excellente preuve –, mais il est néanmoins important de rester cohérent dans sa ligne directrice, ce que The Other Side ne fait pas. On sort du visionnage avec un goût amer dans la bouche, et le DVD/Blu-ray n’offre de surcroît aucun bonus pour remonter le niveau. Bien dommage.