Monsterland


Salto a tiré le gros lot en acquérant la série américaine Monsterland, une pépite horrifique créée par Mary Laws dont les épisodes percutants ne laisseront personne indemne.

Mike Colter, en pleine rue, porte dans ses bras une étrange créature humanoide chauve, à la peau nue et aux très longs doigts, scène de la série Monsterland.

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L’homme est un loup pour l’homme

Un homme et une femme sont assis nus dans une salle de cinéma déserte, scène de la série Monsterland.

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À son lancement, Salto promettait des inédits autant français qu’internationaux. Ils Étaient Dix, la série réalisée par Pascal Laugier, avait immédiatement attiré l’œil sur le catalogue au départ assez peu fourni en contenu horrifico-fantastique. Déception totale, la mauvaise écriture de cette adaptation libre d’Agatha Christie nous avait laissés sur le carreau, malgré les efforts de réalisation de Laugier… Depuis quelques semaines, la plateforme offre à la pelle des séries et des films de genre plus vieux comme plus récents (l’immanquable Labyrinthe de Pan de Guillermo Del Toro par exemple). Pour promouvoir Monsterland, Salto a mis les petits plats dans les grands en envoyant des boxs de maquillage à des influenceurs et artistes pour qu’ils créent des looks et révèlent leur « démon intérieur ». Une campagne marketing bienvenue qui aura permis à la série de faire parler d’elle, mais attention le titre est quelque peu trompeur : ne vous attendez pas à voir des monstres en pagaille dans les huit épisodes de cette anthologie. Le « pays des monstres » est en réalité les États-Unis, et les monstres sont donc des Américains qui commettent d’horribles actes. Pourtant, la monstruosité humaine est symbolisée dans chaque épisode par des créatures fantastiques mais de manière plus ou moins subtile. Ces créatures personnifient les péchés et les crimes, commis souvent dans le plus profond des désespoirs, par des citoyens de toute classe sociale et en proie à un mal-être physique ou mental qui ne semble trouver aucun remède. Monsterland bénéficie d’une écriture incisive en détournant les codes du genre horrifique pour les appliquer à des scénarios profondément dramatiques qui touchent en plein cœur.

Justement à l’écriture on retrouve Mary Laws qui avait également écrit le scénario de The Neon Demon (Nicolas Winding Refn, 2016) et des séries Succession (2018 – en production) et Preacher (2016-2019). Monsterland est en fait l’adaptation libre du recueil de nouvelles de Nathan Ballingrud North American Lake Monsters (2013) – en français littéral « les monstres des lacs nord-américains » car toutes les actions se situent près de plans d’eau (lacs, rivières, océans, etc.) mais dans des États différents. Une autre nouvelle de Ballingrud (Visible Filth) avait soit dit en passant déjà été adaptée par Babak Anvari dans le médiocre Wounds (2019) dont on retrouve d’ailleurs le réalisateur aux commandes du dernier épisode un peu plus loufoque que les autres. Nicolas Pesce – qui avait réalisé une énième suite un peu bancale mais riche en frissons de The Grudge (2020) – est aussi de la partie pour un épisode particulièrement marquant sur la pollution des océans avec en prime…. Des sirènes ! Il y a également pas mal de têtes connues au casting, notamment Taylor Schilling alias Piper de Orange Is The New Black (2013-2019), en morte-vivante prisonnière de sa propre maison… Si les huit épisodes parviennent tous à surprendre à leur manière, le premier est de loin le plus percutant, et le choix de le mettre justement en première position ne peut être anodin. Du départ, la série veut frapper fort, et ça marche.

Une mariée avance dans une forêt angoissante et brumeuse dans la série Monsterland.

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Ce premier acte se déroule à Port Fourchon en Louisiane, où une jeune mère célibataire (jouée par Kaitlyn Dever qui tenait le rôle principal dans l’excellente mini-série Unbelievable en 2019), fatiguée par le comportement colérique d’une petite fille qu’elle n’a jamais désirée, croise le chemin d’un serial-killer et décide de changer de vie. Entre scènes dramatiques et scènes de violence et de gore qui empruntent directement à l’imagerie de John Carpenter ou David Cronenberg, le spectateur va de surprise en surprise. L’épisode 1 prend tellement à la gorge que les sept autres paraissent inévitablement plus ternes même s’ils méritent absolument tous d’être visionnés. Avec des thèmes qui vont de la pauvreté à la maladie mentale, de la pédophilie à la corruption, ou de la jalousie au deuil, Monsterland s’empare des pires travers de l’être humain pour prouver que les hommes sont de bien pires monstres que tout ce que la fiction ne pourra jamais inventer.

Monsterland est sorti aux États-Unis en octobre dernier sur la plateforme de streaming Hulu (dont Salto semble récupérer pas mal de contenus), et une deuxième saison pourrait bien sortir en octobre prochain pour les réjouissances d’Halloween. Salto a donc eu du flair en récupérant l’une des meilleures anthologies récentes du genre qui vaut à elle seule la peine de donner sa chance à la plateforme française.


A propos de Emma Ben Hadj

Étudiante de doctorat et enseignante à l’université de Pittsburgh, Emma commence actuellement l’écriture de sa thèse sur l’industrie des films d’horreur en France. Étrangement fascinée par les femmes cannibales au cinéma, elle n’a pourtant aucune intention de reproduire ces méfaits dans la vraie vie. Enfin, il ne faut jamais dire jamais.

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