Le Roi (David Michôd, 2019) nouveau drame historique Netflix mené par la coqueluche franco-américaine Timothée Chalamet, revient sur l’épisode meurtrier de la bataille d’Azincourt pendant la Guerre de Cent ans.
Pacifisme en pleine guerre
Disponible sur Netflix depuis début novembre, on revient enfin sur Le Roi, drame historique distribué par Netflix après une première au Festival de Venise et une distribution limitée dans les salles américaines. Réalisé par David Michôd – Australien à qui on doit les peu connus Animal Kingdom (2010) et The Rover (2014) – et co-écrit avec Joel Edgerton qui campe aussi le personnage de Falstaff, le film affiche une durée de 140 minutes qui se fait bien sentir. Au casting, on retrouve la sensation Timothée Chalamet, l’amoureux transi de Call Me by Your Name (Luca Guadagnino, 2017), ainsi que Robert Pattinson qui a largement fait ses preuves depuis la saga Twilight (2008-2012). Il est intéressant de remarquer que les rôles sont presque inversés : le français Chalamet incarne Henri V d’Angleterre pendant que l’anglais Pattinson fait le pitre dans le rôle du Dauphin français. Lily-Rose Depp (Catherine de Valois) et Thibault de Montalembert (Charles VI de France) complètent le casting côté français mais n’apparaissent malheureusement qu’à la fin du récit dans des rôles plutôt fades.
Adapté des Henri IV et Henri V de Shakespeare, Le Roi s’inspire donc à la base d’œuvres de fiction, ce qui laisse déjà présager une véracité historique en demi-teinte. Les critiques s’acharnent toutes en effet sur les nombreuses inexactitudes qui peuplent les deux heures de narration, reprochant aux scénaristes Michôd et Edgerton d’avoir uniquement sélectionné les aspects de l’Histoire qui leur semblaient divertissants. N’est-ce pas le cas de la plupart des productions historiques qui sont souvent lourdement romancées pour plaire à un vaste public ? Le Roi n’échappe pas à la règle et inutile de s’en étonner, même si certaines altérations font quand même grincer des dents. Si les circonstances de la bataille d’Azincourt de 1415 sont rapportées de manière plus ou moins correcte – des combats dans la boue qui valent le coup d’œil – ce qui déplait à une majorité c’est le pacifisme sans queue ni tête du roi Henri V. Un roi qui ne veut ni succéder à son père, ni régner, ni se battre. Il évite le conflit au maximum en se sacrifiant et en réclamant des duels seul à seul plutôt que de condamner ses hommes à une mort certaine. Que c’est beau et que ça sonne faux : les historiens doivent certainement s’arracher les cheveux devant une telle représentation peace and love du roi anglais qui était en réalité aussi belliqueux que les autres. Dans les faits Henri V aurait même poussé son père à abdiquer pour s’emparer de la couronne. Même sans connaître parfaitement l’Histoire, le pacifisme du roi n’est pas crédible, encore moins dans une époque aussi guerrière. Si certains y verront peut-être une volonté directoriale et scénaristique de dénoncer la résolution de conflit par la violence, d’autres ne pourront que sourire face à ce Timothée Chalamet encore une fois coincé dans un rôle très crédule et juvénile.
En parlant de rôles qui n’en imposent pas des masses, autant dire que les Français en prennent pour leur grade. Les clichés des Français fourbes et lâches qu’on retrouve dans toute bonne production anglo-saxonne qui se respecte sont ici servis par Charles VI et sa prétendue tentative d’assassinat d’Henri V, mais surtout par le Dauphin, un Pattinson aux cheveux longs et crasseux et au faux accent français qui enchaîne les situations ridicules jusqu’à sa mort tout aussi pathétique. Au final, niveau scénario le film ne vaut pas grand-chose et l’excellent casting ne parvient pas à sauver la mise tant les acteurs et actrices se retrouvent tous enfermés dans des rôles peu convaincants. Le seul qui sort un peu du lot est le compagnon du roi, Falstaff, qui aura valu à Edgerton d’être récompensé pour un meilleur second rôle aux équivalents des Césars en Australie (Australian Academy of Cinema and Television Arts Awards), où le long-métrage remportera aussi le prix des meilleurs costumes. Si beaucoup de critiques se concentrent sur la véracité, c’est bien entendu à cause du genre même du drame historique, mais c’est peut-être aussi parce que Le Roi ne propose rien de transcendant qui permettrait de détourner l’attention. Certes la mise en scène est élégante et on retrouve quelques plans soignés – notamment la scène de guillotine – mais cela ne suffit malheureusement pas à rendre l’objet mémorable. De la part de noms comme Michôd et Edgerton, autant dire qu’on s’attendait à mieux qu’un produit juste regardable et appréciable.
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