Spider-Man : Far From Home


Après la décevante « apogée » que fut pour nous Avengers : Endgame (Joe & Anthony Russo, 2019), charge à Spider-Man : Far From Home (Jon Watts, 2019) de conclure la Phase III du Marvel Cinematic Universe. Une tâche difficile que le film ne réussit qu’à moitié. Attention, comme à chaque fois, on ne peut que vous dire de faire attention aux divulgâchis présents dans ce texte.

Tom Holland et Jake Gyllenhaal en couverture de notre critique de Spider-Man Far From Home

                                               © Marvel Studios

La Grande Illusion

Après plusieurs adaptations cinématographiques plus ou moins réussies – les deux premiers volets signés Sam Raimi dans le peloton de tête, le premier volet de The Amazing Spider-Man (Marc Webb, 2012) en poursuivant et les autres loin derrière – le transfert du tisseur dans l’écurie mère s’était plutôt bien passé, grâce à un Spider-Man : Homecoming (Jon Watts, 2017) non exempt de défauts, mais qui revigorait le personnage (campé par Tom Holland) en l’abordant sous un prisme plus adolescent. Récit d’affiliation et d’apprentissage – le jeune Peter Parker était pris sous son aile par Tony Stark alias Iron Man – ce premier volet avait surpris son monde en réussissant à mélanger les codes du teen movie avec ceux du film de super-héros. Le pitch de ce second volet promettait sur le papier de tirer encore plus sur la corde du film de campus, suivant Peter Parker et sa classe en voyage scolaire. Pourtant – et c’est principalement le défaut majeur – le scénario ne sait que faire de ces vacances en Europe totalement prétextes, pas plus qu’il n’arrive à s’amuser – aussi bien qu’il ne su le faire dans le premier volet – des codes du teen movie. En résulte un premier tiers aussi laborieux que grossier, pour ne pas dire pénible, durant lequel les camarades de classe de Peter, tout comme ses deux idiots de professeurs – des personnages apparemment écrits pour être des sidekicks comiques mais qui exaspèrent plus qu’ils ne font rire – peinent à exister – exception faite du personnage de MJ, love interest de Peter, campée par une Zendaya qui parvient admirablement à donner un ton malicieux et une nonchalance délicieuse à son personnage.

Tom Holland face à Iron Man dans Spider-Man Far From Home

                                            © Marvel Studios

Ce constat fait, il convient donc d’admettre que des deux heures dix du métrage, près des deux tiers relèvent de l’ennui, voire de la consternation. Reste, qu’heureusement, le derniers tiers, plus riche en scènes d’action, rebondissements et inventions, permet au long-métrage de relever subitement la tête. Sa principale réussite est sa redéfinition moderne d’un des méchants les plus emblématiques des comics originaux – Mysterio, incarné ici par un Jake Gyllenhaal plus investi qu’on ne le dit – et permet aux scénaristes de développer de belles idées méta. Maître illusionniste et spécialiste en effets-spéciaux – une caractéristique du personnage qui n’est pas neuve puisque présente dès ses origines dans les comics – le super-vilain Mysterio est un personnage entièrement construit autour d’un jeu de (fausse) piste. Savamment alimenté par des bandes-annonces aussi malignes que mensongères, la ré-invention de cet antagoniste historique de l’homme-araignée a été habilement manipulée par la campagne de marketing qui l’a présenté comme un nouvel allié de poids pour le tisseur, venu d’une dimension parallèle pour affronter des monstres mythiques : Les Elementaux. La malice du studio de Kevin Feige, toujours très habile quand il s’agit de faire monter la sauce, étant, en plus de faire croire à la redéfinition d’un personnage culte, d’enjoliver sur l’existence, et l’exploration prochaine, d’un multiverse au sein du MCU. Se jouant des fans par d’astucieuses d’illusions – vous voyez et croyez ce que l’on veut bien vous montrer – Feige et sa bande s’apparentent en cela à ce Mysterio, tout en faux-semblant, qui façonne la réalité à sa façon.

Jake Gyllenhaal alias Mysterio dans Spider-Man Far From Home

                                          © Marvel Studios

Si Spider-Man : Far From Home confine au vertige et finit par intéresser, c’est moins de par son inscription au sein du MCU – en dehors de sa très étonnante scène post-générique, l’objet  est assez anecdotique quant à la timeline générale qui unit toutes les productions Marvel – que pour des considérations plus théoriques. Car si belle idée il y a, au sein de ce divertissement balisé, c’est de voir le héros d’un film blindé de numérique – si beaucoup des effets sont assez en dessous du tout venant, on admettra que la révélation quant à leur véritable nature puisse nous permettre d’accepter ce manque d’application – forcé de se battre, contre une forme d’extension méta de lui-même que sont les illusions numériques orchestrées par Quentin Beck, affublé d’une combinaison de motion-capture dans son super studio de tournage. L’orgie numérique méta offerte par Jon Watts dans le dernier sprint offre très certainement l’un des moments les plus inventifs des trois phases, non loin de la subjuguante séquence de la dimension subatomique de Ant-Man (Peyton Reed, 2015) et les expérimentations psychédéliques de Doctor Strange (Scott Derickson, 2016). Reste qu’hormis ces trouvailles remarquables, l’ensemble de ce Spider-Man : Far From Home nous laissera certainement moins de séquelles qu’une petite piqûre d’araignée.


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY

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