Après avoir chauffé à blanc le public du Festival d’Annecy, Promare débarque enfin en salles chez nous le 31 Juillet prochain. Le dernier né du studio Trigger, réalisé par Hiroyuki Imaishi (Gurren Lagann, 2007 ; Kill la Kill, 2014) peut facilement se targuer d’être l’un des grands films d’animation de cette année déjà bien remplie en la matière. Proposer des affrontements de robots c’est bien, mais est-ce suffisant ?
Go Go Fire Rangers !
Aux quatre coins du monde, pour des individus face à des sociétés modernes de plus en plus stressantes et violentes, des feux intérieurs s’animent. Ces embrasements soudains et incontrôlés plongent le monde dans le chaos. Baptisés les « Burnish », ces individus pyrokinésistes sont mis au ban de la société à cause de leur dangerosité. Face à la ségrégation, ces mutants s’organisent, et certains d’entre eux, les « Mad Burnish » n’hésitent plus à répondre à ces politiques de confinement par la violence. La persécution des Burnish entraînant des combustions de plus en plus violentes, le conflit est inévitable. Trente ans que ce Grand Incendie Mondial s’est achevé, une paix fragile règne alors sur le monde. Galo Thymos, membre de la Burning Rescue, des « super mecha-pompiers » du futur font face à des dissidents Mad Burnish. Dans ses trois premières minutes, Promare pose avec brio les composantes de son univers. A la manière de l’introduction de Pacific Rim (Guillermo del Toro, 2013), on saisit la mythologie, l’esthétique, les enjeux dramatiques, et l’objet laisse entrevoir un sous-texte social non dénué d’intérêt. Le spectateur est alors pris à contrepied. Là où un récit d’action plus lambda se serait concentré sur l’apparition de la menace, jusqu’à la résolution du conflit dans son climax, il n’en est rien. Ici, cette exposition au rythme effréné finit par nous faire plonger à pieds joints dans un univers unique.
Plusieurs aspects de Promare fracassent immédiatement la rétine. Il y a d’abord son esthétique ultra-colorée. Les plans ne lésinent jamais sur les couleurs vives, les rayons de lumières dans tous les sens ou l’utilisation de diverses formes géométriques pour garnir son imagerie. Mais le plus frappant réside dans la fluidité de son animation et de ses scènes d’actions. Si l’on est familier avec le travail d’Hiroyuki Imaishi, on connait son talent pour l’action. Il s’est démarqué en tant qu’animateur sur des animes comme Neon Genesis Evangelion (1996) ou Full Metal Alchemist (2003). Mais c’est surtout sur la réalisation de Gurren Lagann (à laquelle de petits clins d’œil sont ici faits) ou Kill la Kill que l’on se rend compte de la nervosité, l’inventivité, et de la fluidité des scènes d’actions qu’Imaishi peut offrir. Les différentes scènes d’actions scotchent au siège et ne cessent de devenir de plus en plus épiques et opulentes. La fluidité de mouvements et la distorsion des corps aux profits des mouvements les plus fous possibles. Cette animation est telle qu’il est presque cruel de ne vous proposer ici que des images fixes de Promare, à défaut de GIFs. Ce sont de loin ces scènes d’actions qui font la maestria du long-métrage, dont la mise en scène met à l’amende la quasi-totalité des films d’actions sortis cette année. Le fait que le film soit animé y joue pour beaucoup. Dans un film d’animation, surtout avec les moyens d’un studio comme Trigger, la seule limite en termes de scènes d’action ne dépend que de l’imagination de son réalisateur. Hiroyuki Imaishi déborde d’imagination, il brûle d’une volonté de souffler son public, accompagné d’une bande-son tantôt pop, tantôt électro, mais toujours juste. Promare est une vraie montagne russe, qui laisse tantôt bouche bée, tantôt surexcité.
Mais l’action ne fait pas tout. Alors qu’en est-il de l’écriture de Promare ? Le récit hérite directement des codes narratifs du shonen nekketsu : un héros naïf, avec un rêve existentiel, un rival qui deviendra son allié, un surpassement spectaculaire devant chaque adversité, par exemple. Pour les afficionados d’animes, ces codes sont connus et les lacunes de ces structures narratives ne sont peut-être pas si importantes. Pour le grand public c’est une autre paire de manches. Le film se lance à corps perdu dans ces codes, mais cherche à les pousser encore plus loin. Dans la plupart des shonen nekketsu, on s’affranchit volontairement de la cohérence narrative au profit de la recherche d’émotions les plus pures possibles. Des personnages deviennent subitement beaucoup plus puissants, de nouvelles menaces apparaissent de nulle part, les retournements de situations pleuvent, etc. Ce sacrifice est opéré en contrepartie d’atteindre des émotions toujours plus intenses : les scènes sont plus tristes, plus braves, plus comiques. La rupture de la vraisemblance du scénario est parfois si brutale dans Promare qu’elle créé naturellement un effet comique. En jouant à fond la carte du « on n’a pas le temps le scénario avance et devient de plus en plus fou, voir absurde » le film dégage sa plus grande qualité : une immense sensation d’adrénaline. Les spectateurs les plus sensibles à cette adrénaline sont certainement ceux qui connaissent les codes du genre, qui savent passer outre la clarté ou la faisabilité du scénario au profit de la mise en scène.
Devant une production qui semble mettre davantage en avant ses scènes d’actions que son scénario, on pourrait penser que Promare est une œuvre creuse. Il n’en est rien. S’il parait simple, il n’est jamais simpliste. A travers son opposition entre les « gens normaux » et les Burnish, le long-métrage parle sans détour de ségrégation et de cohabitation entre des cultures qu’a priori tout oppose. La défiance de la population envers ces mutants permet de souligner la paranoïa inhérente aux sociétés modernes envers des choses qu’elles ne connaissent pas, et qu’on nous a inculqués à craindre. Difficile de ne pas penser aux crises migratoires ou plus généralement à la ségrégation économique et culturelle de certaines populations lorsque les Burnish se cachent et forme des camps. Une vie à la marge certes, mais une vie en paix. Outre ce sous-texte politique, et sans trop en dévoiler, le film se permet de jouer sur certains clichés du shonen. En particulier l’androgynie de certains personnages, mais qui n’est plus perçue comme un signe distinctif, et permet de livrer une vision plus progressiste de ce que doit être un héros de shonen. Dense, épique, et plus fin qu’il n’y parait, Promare est une œuvre d’une grande générosité, devant laquelle on écarquille grand les yeux. Il peut prétendre au titre de film d’action le plus jouissif de l’année, pour peu qu’on fasse l’effort de se laisser emporter dans ce tourbillon de couleurs, de flammes et de robots.