Alex, Le Destin d’un Roi



Huit ans après un premier film qui nous avait particulièrement enjôlé – Attack the Block (2011) – le réalisateur Joe Cornish revient aux affaires avec une relecture moderne de la légende du Roi Arthur : Alex, le destin d’un roi (2019).

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God Save the King

En marge de la rétrospective que le Festival International du Film d’Amiens avait consacrée au renouveau du cinéma d’horreur britannique en 2013 nous avions publié un grand dossier thématique, dans lequel, entre bien d’autres films, nous avions pu dire tout le bien que l’on pensait de Attack the Block (2011) première réalisation du britannique Joe Cornish. Ce dernier s’imposait alors comme l’un des cinéastes anglais sur lesquels il faudrait compter à l’avenir, s’incrustant dans la voie de la comédie d’horreur cool et pop, déjà toute tracée, avant lui, par Edgar Wright. Il faut dire que s’il faut se forcer à lui assigner une famille de cinéma, Cornish est l’un des plus proches collaborateurs et amis de Wright depuis des années. Après des caméos dans la Blood and Ice Cream Trilogy de son copain, il avait déjà pu réaliser son premier long grâce au concours financier de Wright lui-même. Entre 2011 et aujourd’hui, Joe Cornish n’a jamais vraiment quitté le sillage du réalisateur de Shaun of the Dead (2004) puisqu’il a notamment co-écrit avec lui le génial Les Aventures de Tintin : Le Secret de la Licorne (Steven Spielberg, 2011) puis le scénario de la version finalement avortée de Ant-Man (Peyton Reed, 2015) que devait initialement réaliser Edgar Wright. Considéré unanimement comme l’un des scénaristes les plus doués de sa génération, on s’inquiétait toutefois de ne pas revoir Cornish derrière la caméra, jusqu’à l’annonce de la mise en production d’un projet de film familial comme on en fait plus, ou plus assez.

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Avec Alex, le Destin d’un Roi (2019) – ou The Kid Who Would Be King pour citer son titre original, plus inspiré et inspirant – Joe Cornish revisite la légende arthurienne en la trempant dans le vernis d’un récit d’aventures so-british pour toute la famille. Alex Elliot (incarné par Louis Serkis, fils de Andy Serkis) est un jeune garçon de douze ans comme les autres, ou pas tout à fait. Orphelin d’un père qui a disparu du jour au lendemain, il vit seul avec sa mère et se réfugie dans son monde peuplé de chevaliers et aventures. Au collège, sa petite tête de nerd lui vaut d’être la cible privilégiée des « grands ». Un jour, alors qu’il fuit ses bourreaux dans les décombres d’un chantier, il tombe sur une épée qu’il parvient à libérer d’un bloc de pierre : il ne le sait pas encore qu’il vient de mettre la main sur la mythique Excalibur et qu’en sa possession, il devient l’héritier direct d’une lignée d’élus, dont le fameux Roi Arthur est le plus illustre des représentants. Interpellé par le pouvoir déployé de l’épée, l’enchanteur Merlin débarque alors au collège d’Alex, grimé sous les traits d’un adolescent fantasque – excellent Angus Imrie – et va aider Alex à mener à bien son destin, ni plus ni moins que sauver l’Angleterre. Car au cœur de la terre, la terrible fée Morgane, emprisonnée jadis par Arthur himself, s’apprête à faire déferler fureur et vengeance sur cette grande île, tant en proie au doute et à la division, qu’il ne lui faudrait pas longtemps pour sombrer dans les ténèbres.

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L’une des forces vives du film réside dans sa faculté à faire d’un divertissement familial en apparence calibré et lisse, une fable humaniste et politique totalement en phase avec son temps. C’est l’une des grandes spécificités du nouveau cinéma de genre britannique – et un point que le grand dossier que nous lui avions consacré à l’époque avait largement mis en exergue – que de nouer ensemble les héritages d’un cinéma social et “conscient” – hérité des cinémas de Frears ou Loach – avec la descendance fantastique du cinéma anglais de la Hammer aux productions Amicus. En cela, Alex, le Destin d’un Roi (2019) est un objet qui revendique constamment s’inscrire dans une Angleterre post-Brexit, totalement perdue, désunie, en quête d’une nouvelle génération de dirigeants éclairés. La belle prouesse est de faire de son message naïf – les enfants d’aujourd’hui, formeront la génération salvatrice de demain – une vraie source d’analyse et de relecture d’un scénario pourtant en apparences cadenassé de lieux communs du film d’aventure fantastique pour enfants. En pur produit de la culture britannique, le long-métrage voit dans l’héritage séculaire du sang royal – Alex découvre au fil de ses aventures que son destin, comme celui de son père absent, est lié directement à la légende du Roi Arthur – la solution absolue pour soigner les maux d’une société anglaise qui confine vers une implosion programmée. A travers le parcours de ce jeune ado sans histoire, vivant dans une banlieue typique de la classe moyenne anglaise, Cornish allégorise et prophétise l’ascension d’un « Roi du peuple » sur le trône d’Angleterre. Faisant de ce jeune héros d’apparence insipide et trop « normal » (il n’est ni beau, ni particulièrement plus vaillant que les autres) un phare, une source d’inspiration et d’espoir, pour soigner l’Angleterre de ses vieux démons de la discorde interne, et réunir ce peuple si fier, sous une seule et même bannière. Serais-ce le premier biopic non-officiel et prophétique du règne du futur Roi William ? L’avenir nous le dira. En attendant : God Save the King !


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY

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