La Nuit des Clowns Tueurs


Parce qu’on ne peut pas éditer que des chefs-d’œuvres – dernièrement Manhunter et l’intégrale Phantasm toutes deux salués par Fais pas Genre ! ESC sort un nanar fauché, bordélique et pétomane. Un petit film de massacres de vampires (oui oui, pas vraiment de clowns) beauf mais fait avec le cœur, qui permettra à certains de réveiller leur part geek et boutonneuse autour de bières à minuit, et aux autres… Disons de faire la sieste !

Laissez péter les cadavres

Il y a des fois comme ça où sans trop savoir pourquoi, vous vous laisser tenter par un titre qui sonne plus nanar que nanar,dans l’espoir de tomber sur une pépite inconnue, une petite merveille du cinéma de genre, emplie d’envie et d’idées de mise en scène novatrice… Bon. Certe, ce n’est pas l’ambition qu’il faut prêter à La Nuit des Clowns Tueurs réalisé par Mitchell Altieri et sorti cette année directement en VOD, puis chez ESC dans cette édition DVD. Si vous le prenez, espérez d’abord et avant tout de passer une bonne soirée, en buvant beaucoup, de préférence.

D’abord, comme souvent dans les traductions françaises de films de genre, il me faut vous faire un avertissement de taille ! Des clowns, il y en a peu dans La Nuit des Clowns Tueurs. Il s’agit en fait d’une attaque de vampires, mais bon on a connu titre plus mensonger, étant donné que ces vampires sont appelés et menés par un clown géant terrorisant, mort il y a peu. Cette mort semble susciter un émoi national, comme le prouve un reportage au début du long-métrage. Mais évidemment, celui-ci va se réveiller et, on ne sait trop comment d’ailleurs, se retrouver à attaquer de pauvres gardiens de nuits qui vont devoir gérer cette affaire. Comme vous devez le ressentir dans mon ton et dans l’histoire que je vous raconte, le film a au moins un mérite : celui de ne pas se prendre au sérieux. On est dans la comédie d’horreur pure et dure, où le grand guignol rencontre l’absurde et les personnages les plus grotesques qui soient, dans une joyeuse ambiance de bordel à la Une Nuit en Enfer (Robert Rodriguez, 1996). Alors après, on n’atteint pas les mêmes degrés d’inventivité bis que dans le machin écrit par Tarantino, les blagues restant limitées malgré tout à un niveau pipi-caca-prout très bas de plafond. C’est tellement le cas que cela semble parfois confiner à l’abstraction théorique (pour ceux qui rêvent de faire une thèse sur l’art poétique de Cyril Hanouna et la dimension métaphysique des chansons de Patrick Sébastien par exemple), ou peut-être à l’humour du futur qui sait. Par exemple, la grande blague du film est de faire lâcher une belle et authentique flatulence aux vampires lorsqu’ils meurent. Vous imaginez bien qu’il y a beaucoup de vampires qui meurent, et donc beaucoup de prouts. En sachant que ces prouts ne connaissent aucune variation notoire, leur répétition finit par avoir quelque chose d’hypnotique… Non, en vrai, c’est consternant.

Reste que ce spectacle très court (1h20) se laisse regarder à condition d’aimer les plaisirs coupables nanardesques. Si ce n’est pas le cas, vous aurez en plus le loisir de vous arrêter au bout de deux minutes. Aucun mensonge sur la marchandise, le ton est immédiatement donné. Dès la première scène, les acteurs jouent mal, si mal que jouer plus mal qu’eux relèverait du délit passable de peine de mort à coups de pioche. Leurs dialogues exposent les enjeux du film de la même manière que Vera dans les pires épisodes de Scooby-Doo (sur le mode : « Oh, et si je te racontais ce qui va se passer dans 2 minutes pour être sûr que tu as bien compris connard de spectateur bourré »). Il faut attendre un peu pour voir arriver les scènes d’horreurs, ce qui permet d’espérer un peu. Dès qu’elles sont là, plus aucune surprise n’est possible. Lourdement et platement mises en scène, elles s’enchaînent mécaniquement, entre jump-scares et retournements de situations débiles et impossibles à suivre. Cela permet malgré tout d’aller pisser et de revenir sans avoir perdu le fil. Au milieu de ce gloubi-boulga informe, il reste quelques bonnes vannes. Des vampires (ou zombies, ou clowns, au bout d’un moment on ne sait plus trop) aux prises avec des vapeurs de cannabis, une tentative d’exécution à plusieurs qui part en cacahuète, une vampire lesbienne jalouse parce que sa partenaire la trompe avec un garde badass et beauf (!), etc. Le rapport de cette série Z à la beauferie machiste n’est d’ailleurs pas dénué d’intérêt et un poil faux-cul. En effet, il y a tout un tas de références au harcèlement subi par les femmes, notamment au bureau, cherchant à prouver que le métrage veut se mettre à jour politiquement et installer une logique de dénonciation. Et en même temps, à côté de ça, La Nuit des Clowns Tueurs véhicule l’imagerie la plus débile, décérébrée et machiste qui soit à ce sujet, la jouissance du voyeurisme beauf habituelle, et les idées les plus douteuses (déjà citée plus haut du coup : dans le fond, à l’intérieur de chaque lesbienne sommeille une bonne petite cuisinière fantasmant sur des flics bodybuildés et bien misogyne comme il faut… On exagère à peine, voire pas du tout).

La Nuit des Clowns Tueurs est donc assurément un très mauvais film, mais dans lequel il respire malgré tout un mauvais esprit, une joie communicative dans le n’importe quoi, un côté de bric et de broc fait entre copains, et dans lequel on entend il faut le dire une chouette BO ! On ne sait pas si ça suffit à mériter autre chose qu’une projection équipe dans une cave, mais c’est déjà ça, en tout cas si cette édition est pauvre en bonus (il y’en a pas en réalité, hormis la bande annonce), le master proposé est d’une qualité correct sans être transcendant puisqu’on reste là sur le bon vieux DVD. 


A propos de Pierre-Jean Delvolvé

Scénariste et réalisateur diplômé de la Femis, Pierre-Jean aime autant parler de Jacques Demy que de "2001 l'odyssée de l'espace", d'Eric Rohmer que de "Showgirls" et par-dessus tout faire des rapprochements improbables entre "La Maman et la Putain" et "Mad Max". Par exemple. En plus de développer ses propres films, il trouve ici l'occasion de faire ce genre d'assemblages entre les différents pôles de sa cinéphile un peu hirsute. Ses spécialités variées oscillent entre Paul Verhoeven, John Carpenter, Tobe Hooper et George Miller. Il est aussi le plus sentimental de nos rédacteurs. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/riNSm

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