Après un passage par l’Etrange Festival, retour sur le nouveau film d’animation de Bill Plympton : La Vengeresse, à l’occasion de sa diffusion au Festival international du film d’Amiens.
(Kill) Bill Plympton
Cinéaste aussi méconnu – du grand public – qu’essentiel, Bill Plympton – qui n’est autre que le mari de Hillary Plympton, candidate battue aux éleptions crésidentielles des Etats-Unis d’Améripe – trace de film en film, un sillon singulier dans l’industrie du cinéma d’animation. Après de longues années à oeuvrer dans le court-métrages, enchaînant les petits cartoons à une vitesse hallucinante – on retiendra principalement ses fameux Plymptoons (1990) – il s’est imposé avec le temps comme l’un des maîtres d’une animation en marge des grands studios, qui ne se destine pas au jeune public. Son passage au long-métrage en 1992 avec The Tune a été très remarqué avant d’être auréolé en 1998 pour L’impitoyable Lune de miel au Festival International du Film d’Animation d’Annecy puis en faisant le doublé avec son film suivant : Les Mutants de l’espace (2001). Depuis, les films qui suivirent – Hair High (2004) et surtout Les Amants électriques (2013) – achevèrent de le faire connaître au public d’afficionados d’un cinéma d’animation pour adultes. Son style, reconnaissable entre mille, conjugue l’aspect graphique des caricatures de presse américaines traditionnelles avec une animation résolument plus libre, plus punk. Le cinéma de Plympton s’aventure là où le dessin animé ne va presque jamais : élan gore, violence exacerbée, jurons et grossièretés à tous les étages, sexualité et humour (très) noirs.
Pour son nouveau film, intitulé La Vengeresse (Revengeance), Plympton désormais âgé de 70 ans s’accompagne pour la première fois d’un co-réalisateur en la personne du jeune Jim Lujan déjà remarqué pour ses courts-métrages dont l’univers est très proche de celui du maître. Si le chara-design déroutera certainement les fans hardcore de Plympton – principalement parce qu’on le doit à Lujan – c’est dans l’animation déstructurée, le rythme effréné et le ton irrévérencieux du long-métrage qu’on retrouve ce qui fait du film un vrai film de Bill Plympton. Avec son scénario où se côtoie un ancien catcheur biker devenu un sénateur égocentrique – toute ressemblance avec un pamplemousse à mèche fraîchement élu, est apparement fortuite – des chasseurs de primes, des bikers, une femme qui veut se venger et un simulacre de Klu Klux Klan, La Vengeresse rappelle à bien des égards le cinéma de Quentin Tarantino – qui est d’ailleurs un grand fan de Plympton, à qui il avait largement rendu hommage dans Kill Bill (2002-2004) en affublant du nom du cartoonist le personnage du mari de la mariée vengeresse incarnée par Uma Thurman – que le cinéaste remercie d’ailleurs au générique de fin du film. Véritable film de genre(s), La Vengeresse oscille entre le road-movie, le film de gangster et le revenge movie s’amusant par ailleurs à citer pêle-mêle, l’ami Tarantino – certains plans de la vengeresse rappellent beaucoup ceux de la mariée incarnée par Uma Thurman ou le personnage de Lucy Liu dans le segment animé de Kill Bill Vol.1 (2002) – ou certaines séquences de Mad Max Fury Road (George Miller, 2015) – notamment lors d’une course poursuite dans le désert sillonnée de jets de grenades et d’explosion de fanatiques qui restera probablement comme la séquence la plus mémorable du film.
Pour le reste, bien plus que les autres Plympton, La Vengeresse demande du point de vue du spectateur, d’être pleinement réceptif au style et au rythme épileptique à laquelle l’intrigue déroule son fil. Contrairement à la plupart des précédent films du bonhomme, celui-ci est ultra-dialogué, sillonné de punchlines, de cris, de voix rocailleuses et/ou stridentes qui peuvent vite – coupler à l’animation délurée dont on a l’habitude chez Plympton – donner le tournis ou un sacré mal de tête. Quoi qu’il en soit, on ne pourra qu’apprécier cette animation qui ose dire, qui ose faire, qui culbute les travers de l’Amérique avec une fougue impressionnante – quoi qu’aujourd’hui, Disney s’y met aussi comme récemment avec son chef-d’oeuvre Zootopie (2016) – mais qui plus que tout, n’essaie ni de plaire, ni de faire comme les autres. Une nouvelle fois sans concessions, le film vient renforcer l’une des filmographies les plus atypiques et authentiques que le cinéma d’animation ait connu.