Auteur de l’affreux Abraham Lincoln chasseur de vampire adapté au cinéma en 2012, par Timur Bekmambetov (a qui l’on doit ce mois-ci le tout aussi affreux remake de Ben-Hur) Seth Grahame-Smith récidive en trahissant Jane Austen et transformant la jolie Elizabeth Bennet, en tueuse de zombies dans Orgueil et préjugés et Zombie, adapté à son tour en film pour, curieusement, notre plus grand plaisir.
Raisons et sang-timents
Qui ne connait pas l’histoire de la fière Elizabeth Bennet, grande héroïne anglaise, tombant amoureuse du prétentieux Marc, non pardon, Fitzwilliam Darcy ? Adapté de nombreuses fois au cinéma avec le film de Joe Wright en 2005 et voir même l’adaptation du livre de Helen Fielding, Le journal de Bridget Jones (Sharon Maguire, 2001) qui en est une adaptation libre et moderne, ainsi qu’à la télévision (la plus célèbre adaptation étant celle de Sue Birtwistle et Simon Langton pour la BBC révélant Colin Firth au public) et même de nombreuses fois au théâtre : le livre le plus célèbre de la romancière Jane Austen subit cette fois l’affront du détournement de zombies, pour, je l’avoue, mon plus grand plaisir. Mais pour celles et ceux qui vivent dans une grotte ou dans un monde où le romantisme n’existe pas, voici le rapide résumé de l’ouvrage : la famille Bennet, classe moyenne, mais un peu bourgeoise quand même, vit dans l’Angleterre du XIXe siècle et est composée de cinq filles que cherche à marier par tous les moyens et avec toute l’exubérance possible Mrs Bennet, sous l’oeil fatigué de son mari. Elizabeth et Jane, les deux ainées rencontrent à un bal un riche jeune homme Mr Bingley et son ami, le fier et agaçant Mr Darcy. Elizabeth n’aimant pas Darcy elle tombe sous le charme d’un soldat qui épousera finalement la petite sœur d’Elizabeth, cette dernière refusant de se marier avec son cousin. Darcy a une méchante tante qui ne veut pas qu’Elizabeth l’épouse et comme Élizabeth fait toujours le contraire de ce qu’on lui dit elle décidera de tomber dans les bras du prétentieux noble après que ce dernier lui ait fait sa cour par deux fois. Tout le monde est heureux et riche et ça se termine bien. Vous avez suivi ? Rajoutez maintenant un univers parallèle composé d’une bonne dose de zombies en redingote et d’un clan Bennet formé aux arts martiaux et vous obtenez Orgueil et préjugés et Zombies. Ca en jette non ? Sur le papier, ça n’avait strictement rien pour me plaire, je n’avais pas encore digéré le si prétentieux Abraham Lincoln chasseur de vampire. Et pourtant je ne fus pas déçue, respectueux de l’écriture austenienne, l’auteur copie-colle la quasi-intégralité du roman, en y insérant quand l’intrigue devient barbante, une belle bataille de zombie. Si le procédé ressemble quelque peu à une arnaque, on y trouve pourtant son plaisir.
Produit par Natalie Portman (oui oui), qui devait à l’origine jouer Elizabeth Bennet le film est réalisé par Burr Steers (un mec qui réalise des films avec Zac Efron dedans) avec Lily James plus crédible en Liz Bennet qu’en Cendrillon (Kenneth Branagh, 2015), mais surtout l’étonnante Lena Headey – la cultissime Cersei Lannister dans la série Game of Thrones – incroyable dans son rôle de Lady Catherine, borgne et bagarreuse. Seul, Sam Riley (Le copain-corbeau dans Maléfique de Robert Stromberg, 2014), ne s’en tire pas avec prestance, mais il est difficile de faire mieux que Colin Firth, alors on lui pardonne un peu. Loin d’être un chef-d’oeuvre et n’étant ni un film d’horreur ni un film d’époque, Orgueils et préjugés et Zombies assume ce qu’il est : un teen-movie de genre absolument délectable ! La photographie du film est agréable et ne vire jamais dans le JJPJ – Le Jaune Jean-Pierre Jeunet – et nous plonge dans une atmosphère digne d’un radeau de la Méduse, et ce dès le générique sous forme de théâtre de carton, qui nous explique l’histoire et l’arrivée incroyable des zombies – la faute aux Français apparemment. Nous prenons également un malin plaisir de voir ces subtils mashups entre costumes d’époque et autres katanas japonais. Petit bémol cependant pour le manque de rythme passé la quarante-cinquième minute mais qui ne réussit cependant en rien à entacher mon enthousiasme pour le film tant celui-ci ne se prend pas au sérieux et nous offre un divertissement honnête et réjouissant.
Jane Austen doit probablement se retourner dans sa tombe et grand bien lui en fasse car, aujourd’hui, les filles ne cherchent plus l’amour, mais plutôt à éclater des zombies – ce qu’il est désormais possible de faire grâce à Left for dead soit dit en passant – et rien que pour cette ôde au Girl Power, Seth, je te pardonne ton chasseur de vampires !