De saison en saison, BoJack Horseman, série d’animation produite par Netflix, grossit les rangs de ses fans inconditionnels. Après deux premières salves d’épisodes de très haute volée, la troisième saison vient de débarquer cet été. Verdict.
Mon Royaume pour un cheval
2014. Netflix n’en était alors qu’à ses balbutiements francophones, son catalogue de production originale restait encore assez limité, mais déjà la première saison de BoJack Horseman, série d’animation dite « pour adultes » – parce qu’abordant des thématiques aussi peu enfantines que l’alcoolisme, la dépression et les ravages du star system – nous avait interpellés par son intelligence, son humour trash et sa singularité. On vous incite d’ailleurs à aller lire notre article sur cette première saison avant celui-ci, parce qu’elle présente un peu l’univers et ses personnages, ce que nous ne referons pas cette fois. Pour ceux qui ne connaissent pas encore l’étalon le plus célèbre d’Hollywoo(d) osons une petite piqûre de rappel des saisons précédentes. Lors de la première saison nous faisions la découverte de BoJack Horseman, un cheval comme son nom l’indique, ancienne star de la télévision ayant joué durant neuf saisons triomphales dans une sitcom du nom de Galipettes en famille (Horsin’Around) un mélange entre Sept à la Maison (1996-2007) et Arnold et Willy (1978-1986) si l’on veut, ce genre de sitcoms avec des punchlines, des bons sentiments, des leçons de morale, des enfants insupportables et des rires enregistrés. Revenu au rang d’illustre inconnu ou presque, la carrière de BoJack trainait alors des sabots et la saison tournait autour de la rédaction de ses mémoires par Diane, une journaliste chargée de lui servir de nègre. Dans la seconde saison, BoJack, remis sous les lumières par le succès de son autobiographie, se retrouve à réaliser son rêve de gosse de jouer dans le biopic de Secretariat, un illustre cheval de course. La saison étonnait parce qu’elle réussissait à aborder à la fois le sujet de la renaissance d’un comédien déchu à Hollywood, s’autorisait par ailleurs quelques épisodes digressifs, d’errances ou de flashbacks (l’une des marques de la série) tout en continuant de traiter le sujet principal de la série : le portrait d’un personnage contraint à un mal-être maladif. Après avoir atteint des sommets d’émotion en fin de deuxième saison – car en plus d’être souvent d’une drôlerie cocasse, la série est aussi très profonde et souvent mélancolique – la troisième saison était particulièrement attendue au tournant.
Dans cette troisième saison, on retrouve notre ami équidé projeté dans le grand bain de la tournée de promotion de Secretariat et dans la fameuse course aux Oscars, son nom étant régulièrement cité pour prétendre à une nomination pour la prestigieuse statuette. Si vous suivez mon activité de dessinateur parallèle sur un autre site – sachez déjà que vous êtes une belle personne comme l’aurait dit Marion Cotillard – vous devez savoir sûrement que la course aux Oscars est personnellement quelque chose qui me passionne. Autant dire alors que j’en attendais beaucoup de cette troisième saison dont j’espérais qu’elle tirerait encore plus à boulet rouge sur l’industrie hollywoodienne en abordant les manigances, courbettes et stratégies marketing qui font de la course aux Oscars une véritable campagne politique à part entière. L’idée de propulser l’acteur le plus malheureux de l’histoire du cinéma dans cette tornade médiatique, trop grande, trop brusque pour lui, revêtait un potentiel évident. L’épaisseur du personnage, son mal-être profond, se ressent d’autant plus dans ce contexte, où tout le monde autour de lui s’obstine à lui rappeler qu’il doit être heureux de ce qui lui arrive et surtout ne pas montrer qu’il se sent épuisé, ou pas à sa place. Aborder ainsi les marasmes de la célébrité – sous toute ses facettes, d’abord la peur d’être oublié, ensuite celle d’être trop célèbre – est assez inédit, en cela, la troisième saison s’inscrit parfaitement dans la continuité des deux précédentes : il ne s’agit pas moins de faire une satire d’Hollywood et du star-system que de décortiquer la personnalité d’un comédien prototype, en proie aux doutes et aux excès. Alors bien sûr, les scénaristes ne se privent jamais au passage d’épingler quelques stars, qu’elles soient directement nommées – Daniel Radcliffe, Bradley Cooper ou Jessica Alba entre autres – ou transformées en ersatz animalier comme le homard David Pincher ou l’araignée Quentin Tarantulo dont la spécialité, dans la deuxième saison, dit-on, est de relancer la carrière des acteurs oubliés.
Mais voilà, là où les deux premières saisons parvenaient admirablement à osciller entre une trame scénaristique principale et des à côtés chargés d’en dévoiler d’avantage sur le personnage et les raisons de son mal-être, cette troisième saison part un peu dans tous les sens, nous faisant regretter de ne pas s’être davantage épancher sur cette fameuse course aux Oscars et sur la manière dont BoJack gère cette pression inattendue de passer en quelques mois du rang de star has-been à star la plus hype d’Hollywoo(d). Au final, seul trois des douze épisodes s’intéressent aux dîners de galas, réceptions et avant-premières qui propulsent souvent les comédiens qui visent la statuette dorée dans un marathon promotionnel démentiel – voir pour s’en convaincre le très bon documentaire Mon Clown (Bastien Duval, 2008) qui suit Marion Cotillard, encore elle décidément, dans les mois précédant sa consécration aux Oscars pour son interprétation dans La Môme (Olivier Dahan, 2007). Le sujet est donc à peine traité, laissant BoJack à des pérégrinations parallèles qui l’entraineront à revoir de vieux amis ou à se remémorer son année 2007 dans des flashbacks laborieux où l’on découvre qu’après le succès de Galipettes en famille, il avait tenté un premier come-back échoué en revenant avec une série-télé particulièrement subversive dans laquelle il incarnait son propre rôle. Plus encore, et je vous arrête immédiatement si vous ne voulez pas être spoilé, alors qu’on s’attendait tous bien évidemment à ce que BoJack remporte son Oscar et devienne enfin le comédien le plus en vue d’Hollywood, mais néanmoins le plus malheureux quand même, la série botte en touche en allant pas plus loin que les nominations – d’abord nominé, il apprend qu’il ne l’est finalement pas des suites d’un affreux malentendu – nous laissant alors sur le bord de la route avec une fin de saison en forme de retour à la case départ, ou au choix, la continuité logique d’une descente aux enfers du personnage principal. Dommage, parce que le potentiel d’une quatrième saison traitant d’un acteur qui n’arrive pas à se réjouir d’avoir gagné un Oscar avait quand même pas mal de potentiel. Déjà annoncée par Netflix, la prochaine saison n’a pas encore de pitch, mais passée la déception de cette troisième saison, on ne peut pas nier qu’on attend avec impatience l’été prochain.
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