BoJack Horseman – Saison 1 1


Nouvelle série d’animation fraîchement débarquée en France grâce à l’arrivée de Netflix, BoJack Horseman est une bombe discrète qui atteint des sommets de comédie, redéfinissant par la même occasion dans un style novateur la série d’animation pour adultes.

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Animal Kingdom

C’est le sujet du moment : l’arrivée de Netflix en France. Voilà quelques jours maintenant que le géant américain du streaming légal est venu conquérir nos terres, ce qui continue de déclencher des avis radicalement différents. Mais le mois d’essai gratuit, dont tout le monde profite un peu, est l’occasion de se rattraper sur les épisodes qu’on a loupé de Doctor Who ou prendre son pied à se refaire une aventure de Sherlock. Une quarantaine de séries, en tout, qui suffisent à séduire pour le lancement du site. Et parmi elles, une perle. LA perle. Dissimulée parmi les écrasants Breaking Bad, Gossip Girl, The Walking Dead et autres Sons of Anarchy, cachée là, tout au fond de Netflix, la vignette de BoJack Horseman : un cheval en peignoir et maillot de bain assis au bord d’une piscine sur les hauteurs d’Hollywood, des bouteilles de bière traînant un peu partout. Il n’en faut pas plus pour attirer mon œil (ceci est un conseil qui vaut aussi si bojackvous souhaitez m’inviter à une soirée). Sortie le 22 août aux USA et disponible depuis le 15 septembre chez nous, jour de l’inauguration de Netflix en France, BoJack Horseman est le petit oublié du catalogue. Mais pas question de le mettre de côté, puisque la série est tout bonnement ce que l’on a vu de mieux en termes de sitcom d’animation depuis fort longtemps.

Star de la sitcom des années ’90 Horsin’ Around, BoJack Horseman (Will Arnett) est devenu, vingt ans après, une espèce de loque alcoolique et dépressive. Vivant presque reclus dans sa résidence d’Hollywood, ce cheval anthropomorphe égocentrique vit une histoire d’amour un peu hasardeuse avec son agent artistique Princess Carolyn (Amy Sedaris) et doit supporter Todd (Aaron Paul), chômeur/branleur/gamer qui s’est autoproclamé colocataire de BoJack et qui rêve d’opéras rock. La vie morne de BoJack est parfois saupoudrée de haine envers son rival à tête de chien Mr. Peanutbutter (Paul F. Tompkins), héros d’une sitcom de l’époque de Horsin’ Around dont elle reprenait le postulat de départ, qui eut néanmoins nettement plus de succès. Pour sortir de l’impasse, BoJack se décide à écrire une autobiographie en engageant un nègre, la journaliste Diane Nguyen (Alison Brie). Mais la rencontre entre ces deux personnalités diamétralement opposées va chambouler la vie de BoJack.

BoJack Horseman ajoute une pierre à l’édifice de ce que l’on pourrait considérer comme un sous-genre du cinéma et de la série télé : la chronique d’Hollywood. Il n’est en effet pas rare de voir des cinéastes, souvent jeunes, parfois plus expérimentés, s’attaquer à l’usine à rêves, ce monde à part qui est à la fois grandeur et décadence. Swimming With Sharks, Maps to the Stars, I’m Still Here, Tonnerre sous les tropiques, Mulholland Drive et autres Hollywood Sunrise, autant de films qui prennent, non sans humour, une position défavorable envers la ville des stars. On pourrait en citer dix, vingt, cinquante de plus, mais il est intéressant de noter que cette tendance n’existe pas, ou alors très peu, dans le monde de la série télé. Et encore moins dans celui de la série d’animation – à l’exception, bien sûr, des blagues et des railleries que l’on peut entendre çà et là au détour d’un épisode de South Park, des Simpson ou de n’importe quelle série signée Seth MacFarlane. BoJack Horseman réussit alors le pari de nous emmener à la fois sur un terrain connu et d’offrir quelque chose de nouveau. Si vous vous attendez à vous tordre de rire toutes les deux minutes pour des gags un peu débiles, passez votre chemin : la sériebojack de Raphael Bob-Waksberg est en réalité très grave, puisque son principal sujet est la solitude et la dépression. On se focalise, tout au long des douze épisodes, sur la volonté du protagoniste à refaire surface tout en restant enfermé dans un monde à part, voué à l’échec : la consommation excessive de cigarettes, d’alcool et de substances pas tout à fait claires le maintient à l’écart de la réalité, une réalité qu’il ne veut pas accepter : pour tout le monde, BoJack est un élément du passé.

Les personnages, tous merveilleusement bien écrits, sont tous très révélateurs de ce que Raphael Bob-Waksberg cherche à démontrer et à dénoncer. Il prend un malin plaisir à taper sur tout le monde du show-business, des acteurs aux producteurs, en passant par les agents. Le choix du casting ne semble d’ailleurs pas anodin puisqu’il consiste lui aussi à conforter la prise de position du créateur, avec des acteurs de télévision qui jouent beaucoup (indirectement) sur l’autodérision. Prenons l’exemple de Will Arnett, qui prête sa voix à BoJack : l’une des stars de cette géniale sitcom qu’était Arrested Development, dans le rôle de Gob, le frère jaloux, seul et arrogant du personnage principal (Michael, interprété par Jason Bateman), constamment en quête de reconnaissance artistique, un personnage auquel BoJack Horseman est souvent renvoyé. Même chose pour Aaron Paul, dont le Todd hérite de nombreux liens avec le Jesse Pinkman qu’il incarnait dans Breaking Bad, et notamment celui qui le lie à BoJack (son Walter White à lui, en quelque sorte : comme Jesse avec Walt, Todd est une cible facile pour BoJack, qui le mène en bateau par pour ne pas être abandonné). On pourrait s’amuser à dénombrer les similitudes entre les autres personnages emblématiques interprétés par le casting de BoJack Horseman, mais laissons ça à ceux qui aiment jouer à ce petit jeu, puisqu’il y a également toute une série de renvois à des personnalités de la vie réelle (Miley Cyrus, Quentin Tarantino…).

Cette nouvelle perle de Netflix n’est pas ta sitcom habituelle, que tu peux prendre en cours de route sans que cela gêne la continuité de l’histoire. Plus qu’une intrigue, c’est un thème qui est développé à travers les douze épisodes, mais chaque épisode démarre là où le précédent s’est terminé. Il y a donc une réelle continuité qui est l’essence même de la série, puisque l’humour y est intimement lié : les blagues fonctionnent généralement sur un système d’écho, entre les épisodes, jouant ainsi beaucoup sur les détails et les touches d’humour lancées nonchalamment ici et là. En cela, BoJack Horseman ne s’adresse pas forcément à tous les publics, mais chacun saura y trouver son bojackcompte. L’un des éléments les plus intéressants reste le mélange entre humains et animaux anthropomorphes dans un monde totalement réel, et similaire au nôtre en tous points. Bob-Waksberg se plaît à jouer sur ce terrain sans pour autant chercher à lui donner un sens allégorique comme le faisait, à son époque, La Planète des Singes. Ici, notre monde est devenu une sorte de ménagerie où les comportements humains sont incarnés par l’apparence animale, et la chanson du générique de fin le dit très bien elle-même (« I’m more horse than a man, or I’m more man than a horse ») : Princess Carolyn, en bon chat qu’elle est, change facilement et rapidement d’attitude face à son entourage. Parfois, l’apparence animale est un simple prétexte pour une bonne blague (le patron de la maison d’édition Penguin Books est un pingouin, le flic-anguille qui sert de taser…).

BoJack Horseman est une petite bombe au style visuel commun mais efficace, qui n’a pas encore été totalement remarquée, y compris dans les pays anglo-saxons (alors en France, vous pensez bien…). Mais cette critique acide d’Hollywood, portée par une galerie de personnages à la fois pittoresques et réels (un vrai pari lorsque l’on parle de personnages aux apparences animales), réussit complètement son coup ! Au-delà du rire, la série révèle, au fil des épisodes, une vraie profondeur, dans un cadre totalement inédit, portant instantanément le show au firmament du culte. Sans aucun doute la plus mature (la plus adulte, en fait) des séries d’animation pour adultes, que vous vous devez de conseiller à tous vos amis (surtout ceux qui sont alcooliques et dépressifs). En mettant de l’argent sur son outsider BoJack Horseman, Netflix nous confirme une chose : le cheval, c’est génial !


A propos de Valentin Maniglia

Amoureux du bis qui tâche, du gore qui fâche, de James Bond et des comédies musicales et romantiques. Parle 8 langues mortes. A bu le sang du Christ dans la Coupe de Feu. Idoles : Nicolas Cage, Jason Statham et Michel Delpech. Ennemis jurés : Luc Besson, Christophe Honoré et Sofia Coppola.


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