Ayant l’honneur d’ouvrir cette vingt deuxième édition de l’Etrange festival, The Darkness est un film qui donne la couleur. Fais Pas Genre se penche sur ce film efficace, à la croisée des genres.
La Cabane au fond des Bois
Daniel Castro Zimbrón signe avec The Darkness son deuxième long-métrage après le solaire Tàu (2012). L’histoire est celle du jeune Argel, qui vit reclus dans une cabane perdue au plus profond d’une forêt inquiétante plongée dans le brouillard avec son père, sa jeune sœur Luciana et son grand frère Marcos. Lors d’une sortie dans le monde extérieur, ce dernier disparaît ; Argel décide donc de le chercher et commence à avoir des doutes sur les histoires que son père lui a racontées à propos des dangers qui tapissent les ténèbres.
Le film commence par une citation issue du poème écrit en 1816 par Lord Byron Darkness. Contant l’histoire du dernier Homme sur Terre, l’extrait du poème couplé aux premières images du film plante le décor post-apocalyptique. On comprend que, hormis le cadet de la famille, aucun des enfants n’ont vu le monde extérieur ou l’ont connu. Leur réalité s’arrête à la porte de leur habitation. Le monde qui se dévoile est une d’une beauté saisissante avec cette nature fantasmagorique et inquiétante dans laquelle on va suivre notre jeune héros dans sa quête de vérité mais aussi d’émancipation. The Darkness prend la forme d’un récit initiatique où la folie protectrice d’un père – ici incarné de façon magistrale par Brontis Jodorowsky – sur la brèche et qui a de nombreux secrets. Le cocon qu’il crée pour ses enfants va peu à peu s’étioler dès lors que Argel tente de comprendre et veut explorer un monde qu’il a appris à craindre au travers des fenêtres de la forteresse familiale. Très proche, dans un sens, de La Route (John Hillcoat, 2009), Zimbrón pose les bases d’une cellule familiale malade et nimbée de secrets obscurs renvoyant à la nature même de la menace extérieure qui les guette. C’est à travers un récit minimaliste qui lorgne parfois du côté du fantastique que le réalisateur pose des bases solides avant de basculer dans le thriller psychologique ténu et maitrisé.
Visuellement, le film s’appuie sur une photographie somptueuse donnant cette nature à la façon d’un paysage onirique à l’abandon et captant les scènes en lumière naturelle. Avec des mouvements de caméra simples et fluides qui ne lâchent à aucun moment les personnages et un travail magistral sur le son, l’immersion est absolue et le ravissement total. Tout cela participe à créer une ambiance des plus oppressantes qui n’est pas sans rappeler The Fog (John Carpenter, 1980) ou encore une ballade dans les environs boisés de Silent Hill (Christophe Gans, 2006) avec le choix de Zimbrón d’en montrer le moins possible. Si la créature est toujours hors-champ, la menace de cette dernière renvoie aux propres ténèbres de la maison mais aussi au parcours de Argel, ce qui donne lieu à de beaux moments de tension. Mais à force de ne rien montrer, de nous garder dans le flou, Zimbrón se perd lui-même et finit par ne plus rien dire. Quoique très maitrisé, le film souffre aussi de quelques coquilles qui rendent le récit confus comme les scènes de rêves de Argel. D’une beauté sans pareil – oui le film est très beau, je le répète – ces scènes n’apportent au final que peu de chose au récit et sont sans relatif intérêt. Nos yeux sont ravis de voir ça mais le récit s’en retrouve alourdi ainsi que le rythme du film. Zimbrón signe avec The Darkness un film efficace qui parvient à captiver à condition que l’on plonge dedans sans retenue. Une bien belle ouverture des hostilités, très encourageante pour la suite.