Schizophrenia 2


Schizophrenia est l’unique long métrage de Gerald Kargl, qui ressortit totalement fauché de cette grande (més)aventure sabotée par la censure. Redécouvert avec le temps, Schizophrenia est devenu l’un des films de genre les plus cultes des années 80. A l’occasion de sa présentation au Festival International du Film d’Amiens, dont l’une des rétrospectives était cette année consacrée à l’œuvre unique, retour sur ce film violent mais brillant.

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Dans la tête du tueur

Au rayon des films instantanément cultes mais pourtant assez peu connus et/ou reconnus, Schizophrenia tient le haut du panier. Unique film de son réalisateur Gerald Kargl – et pour cause, il ressortit totalement ruiné de cette expérience, la censure ayant eu raison de son film et de sa carrière commerciale. Ce n’est que des années plus tard, et notamment via le marché de la VHS, que le film fut redécouvert, profitant du déferlement des ressorties vidéo de tous ces films maudits longtemps interdits tels que Massacre à la Tronçonneuse (Tobe Hooper, 1974) ou Cannibal Holocaust (Ruggero Deodato, 1980). Ce petit film autrichien s’immisça dans cette vague de films étranges et fut remarqué pour sa mise en scène étonnante, qui inspirera nombreux jeunes réalisateurs en devenir dont un certain… Gaspar Noé.

Le film commence par un prologue – tourné après-coup pour donner au film quelques minutes supplémentaires à la demande du distributeur – d’une précision chirurgicale, qui nous présente le protagoniste et son parcours chaotique de jeune psychopathe. Du gamin qui décapite les cygnes et boit leur sang au jeune adolescent vivant d’étranges relations sado-masochistes avec des femmes cougars, les faits nous sont livrés brutalement, comme si l’on nous lisait un dossier d’instruction. L’âpreté de ce prologue, ultra explicatif, projette d’emblée le spectateur dans un malaiseschizophrenia2 profond qu’il ne quittera plus. Le film démarre quand ce même individu sort de prison, et sera narré par le personnage lui-même, décrivant les sensations qui le traversent avec une froideur terrifiante. Il est catégorique, l’excitation est trop éprouvante pour ne pas être éprouvée, aussi, il est décidé à ne pas perdre de temps pour assouvir ses pulsions meurtrières et perverses. Il trouve de nouvelles victimes potentielles en s’introduisant par effraction dans une maison…

Au delà du talent de ce réalisateur unique, il faut noter les prouesses techniques du chef-opérateur Zbigniew Rybczynski (non non, vous lisez bien, aucune faute de frappe à l’horizon) qui parvint à inventer des tonnes de dispositifs bricolés pour donner à l’image son caractère si singulier. Pour faire au plus simple, Rybczynski fut un peu l’inventeur avant l’heure de l’effet de caméra embarquée sur un individu, un effet qu’il est très simple d’obtenir aujourd’hui avec n’importe quelle caméra GoPro. Ici, la caméra accompagne le corps du psychopathe, filme son visage en gros plan sans se détacher du buste, et par extension, du corps en mouvement. Ce dispositif – bien aidé par la voix-off – fabrique le malaise. Nous, spectateurs, n’avons jamais été aussi proches du mal et de la folie. C’est cette façon de mettre le spectateur à la fois en face des horreurs que commet le meurtrier – les scènes de meurtres sont d’une grande brutalité – mais aussi, presque du côté de celui qui tue – nous sommes au plus près de son corps, et en tout point dans sa tête – qui créé ce profond sentiment d’inconfort. Qui plus est, l’heure vingt-deux du film déroule telle une locomotive, intraitable, en quasi temps réel et sans temps mort, c’est une plongée vertigineuse dans l’esprit d’un fou, dans la angst-killer-car-film-achespirale infernale qui étreint cet homme rongé par ses démons et qui le force à commettre l’irréparable. L’efficacité, motrice du scénario, déteint sur la mise en scène : les longs plans séquences à la grue lient les déflagrations de violence en gros plan, et donnent au film son rythme de lente descente aux enfers, de lente marche funèbre.

La cruauté du film, sa violence malsaine et frontale, et la proportion qu’a le réalisateur à manipuler le spectateur pour le confronter à une position de voyeur inconfortable peut, à bien des égards, faire penser au cinéma de Michael Haneke. Difficile de croire que cet autrichien n’a pas vu l’un des films les plus étonnants produits dans son pays, et que Schizophrenia n’a pas eu une influence, qu’importe l’échelle, sur le tout aussi controversé Funny Games (1997) – on y retrouve par ailleurs des figures similaires, l’intrusion brutale dans une maison et le massacre sans vergogne des membres de la famille – y’a pas à chier, il semblerait qu’être Autrichien a tendance à rendre particulièrement sadique.


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY


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2 commentaires sur “Schizophrenia