Hardcore Henry


Hardcore Henry est un film que l’on pourrait aisément mettre dans la catégorie d’OVNI cinématographique de par son parti-pris de livrer aux spectateurs un film d’action entièrement en vue subjective (ou POV). Mais hélas, trop d’action tue l’action.

hardcore-henry

First-Person Error

L’idée de Hardcore Henry trouve son origine dans deux clips du groupe Biting Elbows The Stampede et Bad Motherfucker. Le réalisateur Ilya Naishuller nous montrait déjà sa passion pour l’action subjective et un bon goût dans ces deux premiers galops d’essai. Et c’est sous la houlette de Timur Bekmambetov – à qui l’on doit le dyptique Night Watch (2004)/Day Watch (2005) ou encore Wanted (2008) – que le jeune réalisateur signe son premier long-métrage retraçant la journée mouvementée de Henry, fraîchement sauvé des griffes de la mort par son épouse Estelle qui fait de lui un cyborg. Cette dernière est enlevée par Akan, un mégalo psychotique albinos aux pouvoirs télékinétiques, et va pousser Henry à hardcore-henry-002-1280x663partir la sauver avec l’aide du mystérieux et barré Jimmy. Bon, le film force le respect d’un point de vue technique. Entièrement tourné avec des Go Pro, le film enchaîne les scènes d’actions et de tueries sanglantes sans laisser aux spectateurs une seconde de répit. L’objectif affiché est clair, à savoir rendre le plus immersif possible cet objet filmique.

Oui mais voilà, il ne suffit pas de filmer à la première personne des scènes d’actions parfois grotesques, flirtant dangereusement avec le grand n’importe quoi, pour faire un bon film. Si le procédé semble avoir fait ses preuves dans le monde du clip vidéo, il faut lui donner une substance pour qu’il puisse fonctionner dans un film… Ce dont Hardcore Henry est dépourvu. Une histoire bateau qui, reliée au visuel, nous donne à voir un mélange entre un scénario de jeu vidéo tout ce qu’il y a de plus cliché – la princesse enlevée par le “méchant pas beau”, bon Dieu on ne peut pas être plus cliché que ça ! – et une partie d’un FPS (First-Person Shooter ou jeu de tir en vue subjective) où le mot “subtilité” est inexistant dans le vocabulaire des développeurs. Prenons par exemple Maniac (Franck Khalfoun – 2012), autre film basant son esthétique sur la prise de vue subjective. La mise en scène est appuyée par des personnages plus ou moins développés comme le personnage principal. Si la POV fonctionne dans ce remake du film culte de William Lustig, c’est parce que le spectateur est projeté dans le monde à travers les yeux de Frank Zito. Mais le personnage est assez développé pour pouvoir créer une certaine08409112-photo-hardcore-henry empathie envers lui, pour vouloir le suivre et cela rend fait du visuel du film un choix intéressant. Dans Hardcore Henry, on a rien de tout cela. En fait, à l’exception de Jimmy – incarné par le toujours très fou Sharlto Copley – aucun personnage n’a de réel développement – Qui est Henry ? D’où viennent les pouvoirs de Akan ? Et j’en passe – créant un manque d’enjeu et faisant sombrer le film dans une imbécillité pure.

En fait, j’ai la même sensation que lorsque j’ai vu Doom (Andrzej Bartkowiak – 2005) et son plan-séquence en vue subjective : je me suis ennuyé. C’est comme si on nous montrait une séquence d’un jeu de tir… Sauf qu’on ne joue pas. Ce qui fait la force de ces jeux – quand ils sont réussis mais ça c’est une autre histoire – est que la vue subjective dans le sens d’outil d’immersion fonctionne car on joue. On est actifs dans le monde dépeint et on a, du coup, l’impression d’impacter l’histoire. Dans le film, on est plutôt passifs, on regarde quelque chose et du coup on ne parvient pas à cette catharsis, on sort de la narration au lieu d’être impliqué. On a besoin de beaucoup plus de choses pour s’attacher au personnage comme une voix, un visage dans un film – ce que Maniac fait – sans quoi on ne peut profiter de ce que l’on veut nous raconter…Hardcore Henry c’est comme regarder quelqu’un jouer à un mauvais FPS. Un film qui ensevelit le spectateur sous une avalanche de scènes d’action techniquement intéressante mais putain qu’est-ce que c’est con !


A propos de Mathieu Pluquet

C'est après avoir découvert Le Voyage de Chihiro, Blade Runner et L'Exorciste que Mathieu se passionne pour le cinéma; depuis cette passion ne l'a pas quitté. Sinon il aime les comics, le café et est persuadé qu'un jour il volera dans le TARDIS et rencontrera le Docteur (et qu'il pourra lui piquer son tournevis sonique). Ses spécialités sont la filmographie de Guillermo Del Toro, les adaptations de comics et le cinéma de science-fiction.

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.