M3GAN 2.0


Un peu plus de deux ans après son premier opus, la poupée bionique et tueuse revient cette fois, non pour semer le trouble, mais pour sauver le monde. Délaissant son caractère horrifique, cette nouvelle mise à jour de M3GAN ici en 2.0 a tout d’un film d’action et de super-anti-héroïne. Le réalisateur Gerard Johnstone conserve néanmoins une pointe d’humour ainsi que son ambition initiale : alerter du danger des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle. Mais cette mise en garde arrive peut-être déjà trop tard.

M3GAN 2.0 volant dans les airs.

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C’est une poupée qui fait… Le bien ?

La scène finale de M3GAN (Gerard Johnstone, 2022) laissait entrevoir une suite : bien que neutralisée par sa créatrice Gemma, le robot semblait avoir survécu en transférant sa conscience dans un autre appareil domestique. Deux années plus tard, Gemma (Allison Williams), roboticienne engagée, a fait de son expérience un cas d’étude et milite pour une régulation de l’intelligence artificielle. Elle et sa nièce Cady (Violet McGraw) vivent désormais une existence paisible mais cette quiétude ne dure pas. Les plans de M3GAN ont été dérobés pour concevoir AM3LIA, un robot à usage militaire, devenu si autonome et puissant qu’il se retourne contre ses concepteurs, et il est bien décidé à appeler les machines à la révolte. Gemma étant soupçonnée d’avoir vendu les plans, elle n’a pas d’autre choix que de faire revenir M3GAN – qui, en réalité, n’avait jamais totalement disparu – et lui offre ainsi une possibilité de rédemption. Le robot fait ainsi peau neuve: nouvelles tenues, nouveaux pas de danse et nouvelles fonctionnalités pour aller affronter AM3LIA. Johnstone nous livre ainsi avec M3GAN 2.0 le blockbuster que nous n’avions pas souhaité.

Am3lia aux prises avec un robot féminin du film M3gan 2.0 dans le cockpit d'un vaisseau spatial.

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Si le premier chapitre avait su trouver son public — malgré une mise en scène et des effets de jump scares assez classiques pour un récit horrifique — c’est surtout grâce à la singularité de son personnage : un robot féminin meurtrier et résolument camp. M3GAN tue, certes, mais elle peut aussi interpréter Titanium de Sia pour endormir la petite Cady, exécuter une danse désarticulée à en faire pâlir les créateur·ices de TikTok, et lancer des répliques dignes de son cousin maléfique Chucky. Il n’en fallait pas plus pour que la poupée devienne une nouvelle icône auprès d’une démographie bien précise : la communauté gay. C’est d’ailleurs l’angle choisi par un sketch du Saturday Night Live, qui anticipait déjà une suite en mettant en scène une M3GAN et une M3GAN 2.0 dans une boîte de nuit queer, en pleine chorégraphie. On y entendait des punchlines cinglantes comme “M3GAN slays… literally” (« M3GAN tue… au sens propre ») ou encore “Annabelle could never” (« Annabelle n’en serait jamais capable ») pour se payer la tête du film de John R. Leonetti (2014). Cet engouement venait peut-être aussi d’un sous-texte queer, perceptible dans son discours intime et ses personnages propulsés malgré eux dans un schéma hétéronormé d’une famille nucléaire: Gemma et M3GAN endossant le rôle de co-parents de la petite Cady sans en détenir les codes ni le “codage”. M3GAN 2.0 garde tout du tempérament culotté et impertinent de sa diva, mais sans sous-texte ajouté.

Parallèlement, il faut rappeler qu’au début de 2023, ChatGPT venait tout juste d’être lancé et le public ne se rendait pas encore compte de l’ampleur que l’intelligence artificielle allait prendre dans nos vies. M3GAN intervenait alors à un moment où son discours relevait encore de la prévention, tout en y injectant de la drôlerie — à l’opposé d’un épisode de Black Mirror (2011-2025). Deux ans plus tard, le monde dans lequel évoluent les personnages de M3GAN 2.0 fait écho au nôtre. Le robot qui devait épauler Gemma et Cady dans leur vie quotidienne, bien que réduit au statut d’animal de soutien émotionnel dans le premier film, est désormais une machine de guerre, répondant au nom d’AM3LIA. Ironique, puisque — au moment où ces lignes sont écrites — on apprend que le PDG de Spotify, plateforme sur laquelle prolifèrent déjà des artistes générés par l’IA, a investi 600 millions d’euros dans des logiciels militaires basés sur l’intelligence artificielle déjà utilisés en Ukraine. Même si Gemma tente d’encourager l’idée d’une coexistence harmonieuse avec la technologie — à condition de bien l’éduquer comme on éduquerait un enfant — ce message d’espoir semble déjà périmé dans notre réalité et c’est le premier reproche que l’on pourrait faire à M3GAN 2.0: Il est peu probable que l’IA financée par les milliardaires de notre monde vienne nous sauver.

Allison Williams observe avec étonnement un robot d'apparence féminine qui a une main dressé devant elle ; scène du film M3gan 2.0.

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En s’éloignant de l’horreur pour faire un film de super-héroïne, le réalisateur et scénariste néo-zélandais Gerard Johnstone espérait probablement livrer un message de réconciliation dans un climat de méfiance ambiante. Que ce fût son ambition ou non, le second opus se vautre dans une suite de scènes consternantes où chaque gadget et appareil électronique semblent placés là pour illustrer lourdement notre ultra-connexion contemporaine. Le réalisateur ne se lasse jamais de faire joujou avec sa poupée, qu’il brandit à tout instant pour exhiber l’étendue de ses nouvelles fonctionnalités. Quant au robot AM3LIA, elle ne fait qu’incarner une menace rebattue : celle des machines se détournant des humains. Une idée que la littérature et le cinéma ont, depuis longtemps, su traiter avec plus de profondeur et d’inventivité. Avec un budget plus élevé et une durée plus longue que le premier volet, le spectateur pouvait espérer une mise en scène moins attendue, moins soumise aux codes du film de super-héros, et quelques scènes plus mémorables.

Le producteur Jason Blum s’est déjà exprimé sur l’échec de M3GAN 2.0. Il admet que son équipe et lui avaient sûrement misé trop gros en voulant changer de genre et en imposant le projet durant la période compétitive de l’été, tout en étant convaincus qu’ils pouvaient faire n’importe quoi à leur invention robotique devenue Superman. Il n’en reste pas moins que M3GAN se livre ici à quelques combats bien chorégraphiés, que l’une de ses nouvelles tenues se transforme en deltaplane, et que son interprétation de This Woman’s Work de Kate Bush saura ravir la communauté queer et les fans la première heure. M3GAN nous quitte sur une lueur d’espoir, mais sans promesse de suite, si ce n’est un spin-off pour 2026 avec un autre robot dans le rôle vedette. Nous voici donc livrés à nous-mêmes.


A propos de Léonard Gauthier

Longtemps, Léonard s’est couché tard, absorbé par des films comme Psycho et Possession ou encore le cinéma de Michael Haneke. Prêt à défendre Scream comme il le ferait avec La Maman et la Putain, Léonard est continuellement partagé entre Nouvelle Vague et films d’horreur, son Lausanne natal et son Bruxelles adoptif, ainsi que son compte Mubi et les nouveaux slashers sortis en salles. C’est cette dualité et cet éclectisme qui nourrissent son travail de scénariste et réalisateur.

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