The Boys • Saison 4


Alors que le public et la critique s’accordent pour pointer cette quatrième saison comme le maillon faible de la série The Boys (Eric Kripke, depuis 2019), estampillée Amazon Prime, ici, nous préférons voir le verre à moitié plein et nous dire que c’est probablement une étape nécessaire avant le grand final !

Le Protecteur, en costume et cape de super-héros, marche dans la rue en tenant un enfant méfiant sous son bras, tandis que lui est tout sourire, dans The boys saison 4.

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Maga Gaga

 

Plan rapproché-épaule sur le visage interrogateur de Tomer Kapon, un pansement sur le front, dans The boys saison 4.

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Sortie quasiment de nulle part – à part pour les connaisseurs du comics originel – la série The Boys a su, à coups de geysers de sang et de punchlines bien senties, conquérir le cœur d’un public avide de spectacle intelligemment régressif. Car The Boys ne se contente pas d’aligner les morceaux de bravoure pleins de tripes et d’épidermes arrachés, non, elle dresse un miroir à peine déformant sur notre société. Dans la première saison, c’était surtout l’industrie du spectacle, et plus particulièrement Disney, qui était dans le viseur d’Eric Kripke mais, peu à peu l’angle s’est élargi pour parler finalement d’une Amérique et d’un monde malades. À ce titre, la troisième saison venait éclaircir sans détour la démarche, et ce n’est pas ce cru 2024 qui risque d’emporter l’adhésion des anti-wokes de tous poils. Cette fois, le discours est direct et, parce que cette année aura vu une campagne présidentielle où tous les coups étaient permis aux États-Unis, la frontière entre notre réalité et celle de la série devient de plus en plus poreuse… La saison 4 raconte donc la prise de pouvoir imminente de la société Vought sur les institutions politiques américaines. Les Sept, le groupe de super-héros, continuent d’installer leur main mise sous l’impulsion du Protecteur tandis que les Boys cherchent par tous les moyens à compromettre un futur apocalyptique.

On a eu peur en voyant que The Boys se déclinait en différentes séries tant cela s’inscrivait dans une démarche qu’Eric Kripke adore moquer, en se demandant si la dureté et l’irrévérence du show n’allait pas s’en voir diminuées. Il n’en est rien. The Boys : Diaboliques (E. Kripke, depuis 2022) et Gen V (Michele Fazekas & Tara Butters, depuis 2023) ont plutôt contribué à rendre le discours de la désormais saga encore plus imparable, et son univers encore plus riche. Si l’on a pas vu Gen V le plaisir et la lisibilité de la série mère n’en sont pas amoindries, au contraire cela étoffe indéniablement le lore. Alors on aborde cette quatrième fournée avec gourmandise, se demandant jusqu’où iront les auteurs pour à la fois se moquer d’une société toujours plus folle et à la fois pour commencer à conclure les différents arcs narratifs de nos anti(supers) héros. Comme à chaque fois, vu le temps passé depuis la saison précédente, il faut un petit délai d’adaptation pour s’y retrouver devant la multitude de personnages et de sous-intrigues. Et, alors que l’on finit par raccorder tous les tenants et aboutissants dans nos petits cerveaux, on se rend vite compte que, sur le storytelling, Eric Kripke a de plus en plus de mal à dissimuler un sentiment de surplace. C’est bien simple, l’esbroufe – sur laquelle nous reviendrons – mise à part, il est assez triste de constater que les personnages et les situations n’ont quasiment pas bougé entre le premier et le huitième épisode de cette saison 4.

L’heure est à la mise en place des derniers pions avant le grand final annoncé avec la cinquième saison qui devrait être la dernière, mais cela suffit-il à ne pas lasser le spectateur ? Ce sentiment de ne plus avancer est en effet toujours contrebalancé par les aspects les plus jouissifs de The Boys, à savoir une violence débridée, un absurde bien dosé et un reflet misanthrope de nos sociétés. On l’a dit, en pleine période où Trump fait son grand retour, les auteurs n’ont qu’à se pencher pour ramasser les idées. Comme South Park (Trey Parker & Matt Stone, depuis 1997), la série de Kripke agit en réaction à l’actualité et c’est l’un de ses visages qui fonctionne le mieux. Ainsi, les hommes politiques et les influençeurs complotistes d’extrême-droite sont rhabillés pour l’hiver, l’obscurantisme catholique est à peine exagéré et la caricature de Fox News – que l’on peut aisément décalquer sur notre CNews national – fait sourire jaune. En cela, et bien que l’on puisse toujours douter d’un certain cynisme vu qu’elle est produite par Amazon, la série n’a pas son pareil pour comprendre son époque et ses pires côtés. De même, The Boys continue, malgré un ton nettement plus axé sur le drame de chacun – si cette saison raconte quelque chose des personnages, c’est davantage leur passé que pourrait éclairer la saison finale – de multiplier les séquences absurdes et versant le comique outrancier. Par exemple une séquence de patinage où un faux Jésus finit par égorger tout le monde avec ses patins à glace est un modèle d’écriture comique.

Jack Quaid et Erin Moriarty en échange soucieux devant une foule de manifestants contre les super-héros de la série the boys saison 4.

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Cette scène fait le lien avec la signature la plus évidente de The Boys : la violence graphique. Elle est incontestablement toujours conçue formellement et intégrée aux péripéties de nos personnages, mais toute réjouissante qu’elle puisse être, elle résonne différemment dans cette saison. On rit de bon cœur devant des jambes arrachées ou des bouts de peau qui se détachent, cependant, là où la violence était toujours logique et presque nécessaire jusqu’alors, ici elle semble combler l’attente et les trous d’une intrigue piétinante. Une sorte de compensation en attendant de vraies avancées scénaristiques. C’est toutefois ce qui la rendra moins acceptable pour ceux qui ne supporteraient la viande fraîche qu’à condition qu’elle ne soit pas gratuite. On doit reconnaître, bien que l’on fasse partie de ceux qui ne crachent pas sur un peu de boucherie gratos, qu’Eric Kripke sort volontiers cette carte pour pallier plus que pour raconter. Ceci dit, au visionnage de cette quatrième saison, impossible de ne pas voir que l’auteur prépare la conclusion et que, si cela aurait pu être raccourci ou fait autrement, cette étape est nécessaire pour envisager un dernier acte où chaque personnage est dos au mur, où tous ont perdu en chemin – très belle scène d’adieu entre père et fils – et où la folie guette plus que jamais tous les protagonistes. C’est donc pour ces raisons que, malgré un sentiment mitigé au sortir de ces épisodes, nous restons impatients de voir la finalité des trajectoires de Butcher, Kimiko et Frenchie – deux des personnages les plus touchants – Hughie ou du Protecteur.


A propos de Kévin Robic

Kevin a décidé de ne plus se laver la main depuis qu’il lui a serré celle de son idole Martin Scorsese, un beau matin d’août 2010. Spectateur compulsif de nouveautés comme de vieux films, sa vie est rythmée autour de ces sessions de visionnage. Et de ses enfants, accessoirement. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/rNJuC

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