The Wiz


Relecture afro-américaine de l’œuvre Le magicien d’Oz de L.Franck Baum, Elephant Films nous propose de redécouvrir The Wiz (Sidney Lumet, 1978) l’une des premières incursions du mythique label Motown dans le domaine du cinéma : critique.

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C’est pas sorcier

Michael Jackson déguisé en Lion peureux dans le film The Wiz, l'air affligé, il a les bras tenus écartés par une large barre de fer collée au dos, comme un prisonnier.

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D’abord une comédie musicale produite en 1974 par un Ken Harper inspiré par les succès de la Motown, The Wiz fait partie de ces comédies musicales, à l’instar de The Chorus Line, qui ont donné un nouveau souffle au Broadway du début des années 70, alors que ce quartier en manque de nouveauté depuis la fin de la décennie précédente. Dès sa première, The Wiz remportera un énorme succès qui, il faut le reconnaître, doit beaucoup à la chanson Ease down the road énormément jouée dans les discothèques de la new-yorkaises. Si ce n’est pas la première production de Broadway avec un casting 100% afro-américain – cet honneur revient à Purple produit huit ans plus tôt – elle est, toutefois, la première qui dispose d’un budget aussi conséquent, ce qui pour l’époque était un énorme prise de risque avéré finalement plus que rentable sur les plans financiers et critiques puisque la pièce remportera le Tony Awards de la meilleure comédie musicale en 1975. Bien entendu, un tel succès allait forcément attirer Hollywood. Curieusement, l’idée d’adapter au cinéma The Wiz ne viendra pas directement des studios hollywoodiens, mais du mythique label musical fondé par Berry Gordy, la Motown. Sur le papier, The Wiz avait tout pour être l’un des gros succès du cinéma des années 1970s : une adaptation d’une comédie musicale à succès et un contexte favorable, Hollywood voyant déferler une vague de films afro-américains, ce qu’on nommera la Blaxploitation. Avant sa sortie, le film disposait déjà d’un public entièrement acquis à sa cause. Pourtant, il sera un échec critique et public qui, pour beaucoup, s’explique du fait qu’il est sorti en plein essoufflement de la Blaxploitation.

Plan rapproché-épaule sur Diana Ross, les cheveux courts, en bonne mère de famille américaine sur un fond de mur jaune bien 70's, elle porte un chien dans ses bras ; plan issu du film The Wiz.

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Réalisé par le prolifique Sidney Lumet et scénarisé par le futur réalisateur Joel Shumacher, The Wiz reprend l’intrigue du classique de la littérature américaine, à savoir une fille prénommée Dorothy et son petit chien Toto, qui sont emportés avec leur maison par une tornade et transportés dans un pays merveilleux du nom d’Oz, mais en le re-mixant à la sauce afro-américaine. Si le film reste fidèle à la trame de la pièce, il en a oublié ce qui en faisait a priori le sel : l’exploration de la condition noire aux États-Unis. En effet, bien plus qu’une simple relecture noire-américaine du magicien d’Oz, la comédie musicale The Wiz se sert du voyage de Dorothy dans le monde d’Oz pour parler des mythes fondateurs de la culture afro-américaine (l’esclavage, l’émancipation, la grande migration vers le nord). En plus de cela, la pièce originale possède des éléments chorégraphiques propre à la culture noire comme le modern jazz et des scènes de ballet inspirées de Alvin Ailey. Malheureusement, le réalisateur n’a pas compris que ces éléments étaient importants et se contente du strict minimum classique dans la mise en scène de ces scènes musicales. Les chorégraphies, pourtant l’une des choses les plus intéressantes de l’œuvre de Broadway, sont mollassonnes et filmées sans éclat. C’est notamment visible avec la chanson Ease on down the road, pourtant l’une des chansons phares de la pièce, où aucun effort de mise en scène n’a été fait par un Lumet se contentant d’une vue en plongée tout en filmant les acteurs de dos. Et c’est bien là le principal problème de cette adaptation aussi coûteuse que pauvre, l’intégralité de The Wiz donnant l’impression qu’aucun effort n’a été fait pour transcender le matériau de base. Même la production design, qui aurait pu donner des visuels intéressants, est d’une pauvreté abyssale. Il est peu probable qu’il s’agisse d’un choix artistique de représenter le monde de Oz comme un Harlem en ruine, surtout lorsque que l’on comprend la symbolique de cet univers : le monde d’Oz est censé être une allégorie du rêve américain noir, inspiré de l’afro-futurisme alors naissant. Le fait que le réalisateur n’ait pas daigné donné vie à cela donne laisse à penser qu’il n’a pas compris ce qu’il adaptait. Même si on juge l’œuvre de Sidney Lumet sans connaître la pièce originale, son long-métrage apparaît fade et maladroit jusque dans son écriture.

Coffret Blu-Ray du film The Wiz édité par Elephant Films.On peut reconnaître une qualité à The Wiz, son casting prestigieux puisqu’on y retrouve les grandes stars afro-américaines de l’époque. Néanmoins, cette qualité indéniable est aussi l’un des éléments les plus problématiques du film. Certes, c’est vraiment un plaisir de voir Diana Ross, Michael Jackson, Mabel King, Lena Horne et Richard Pryor dans une même production, mais on a l’impression qu’ils sont ici très mal employés. À commencer par l’actrice principale, Diana Ross, qui est censée jouer une jeune ingénue d’une vingtaine d’années et qui en avait trente-quatre au moment du film. S’il était courant à l’époque de prendre des acteurs plus âgée pour jouer des rôles d’adolescents – rappelons que les personnages de Grease (Randall Kleiser, 1978) étaient joués par des trentenaires – c’est quand cela se voit que ca devient problématique. Et pour Diana Ross, cela se voit beaucoup. À aucun moment dans le film, elle n’est crédible. Michael Jackson, lui aussi, n’est pas en reste. Pourtant réputé, même à l’époque, pour ses talents de danseurs bien qu’il n’ait pas encore sorti la bombe du clip Thriller, il effectue son seul numéro musical du film en étant attaché. Passé la curiosité de cette réunion de talents cultes de la musique noire-américaine, le film est donc plus que dispensable.

Du côté des bonus, pour sa première sortie en Blu-ray en France, The Wiz nous est proposé avec un documentaire d’une dizaine de minutes par Jean-Pierre Dionnet intitulé Mon Michael Jackson ainsi qu’une présentation du film par Olivier Cachin. Une édition qui a le mérite de rendre visible dans un beau master ce film malgré tout assez rare et difficile à voir dans l’hexagone dans une telle qualité. 


A propos de Freddy Fiack

Passionné d’histoire et de série B Freddy aime bien passer ses samedis à mater l’intégrale des films de Max Pécas. En plus, de ces activités sur le site, il adore écrire des nouvelles horrifiques. Grand admirateur des œuvres de Lloyd Kauffman, il considère le cinéma d’exploitation des années 1970 et 1980 comme l’âge d’or du cinéma. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/rZYkQ

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