Dans le cadre des projections Aux Frontières du Méliès au cinéma Le Méliès de Montreuil dont Fais Pas Genre est partenaire, nous avons le plaisir de présenter la séance offrant le mythique et furieux Battle Royale (Kinji Fukasaku, 2000), ce samedi 14 mai 2022 à 20h30 : l’opportunité était trop belle d’évoquer entre nos lignes un des longs-métrages les plus puissants, certainement, sur la question de la jeunesse.

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Ça sent l’esprit jeune

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Préparant l’article que vous avez sous les yeux et l’intervention de samedi, je me suis plongé dans les arcanes hasardeuses de ma mémoire : comment, au juste, ai-je découvert Battle Royale ? L’hypothèse Takeshi Kitano pourrait être un indice, mais le doute persiste. Ai-je connu Battle Royale grâce à la présence de Beat Takeshi, ou grâce à Battle Royale que j’ai pu mettre la main sur son cinéma ? Le mystère demeurant insoluble, il faut se lancer dans ce qui peut presque paraître une enquête, visant à définir, au-delà de l’exemple individuel, comment ce long-métrage sorti de nulle part – ou pas justement – a pu atteindre un statut d’oeuvre culte qui a fait de nombreux petits depuis, jusqu’à lancer voire une sorte de sous-genre cinématographique – les dollars engrangés par les sagas Hunger Games (2012-2015) et Divergente (2014-2016) l’illustrent. Battle Royale sort en France le 21 novembre 2001, une année de mastodontes durant laquelle sont apparus les écrasants Harry Potter à l’école des sorciers (Chris Columbus), Le Seigneur des Anneaux : la Communauté de l’Anneau (Peter Jackson) ou encore Le Fabuleux Destin d’Amélie poulain (Jean-Pierre Jeunet). Respectivement, ces productions avoisinèrent les 9 millions d’entrées (8 pour le film adapté de l’œuvre de Tolkien). Battle Royale avec ses 113 000 billets vendus est très loin dans le classement national – à titre de comparaison, Fast and Furious premier du nom (Rob Cohen) se classe cette même année au 48ème rang des sorties avec..1 million d’entrées dans l’Hexagone. Ce n’est donc pas à la faveur d’un surprenant raz de marée en salles que le film de Kinji Fukasaku s’est taillé sa réputation. Ce n’est pas par la critique non plus, très divisée, qui oscille entre un film “toc” et “fumeux” – Olivier Le bris pour l’Obs – et le “chef-d’œuvre d’humour noir” – Samuel Blumlenfeld dans Le Monde.

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Alors, c’est quoi Battle Royale, dans l’intrinsèque ? Initialement, un roman rédigé en 1999 par Kōshun Takami qui connaîtra un succès tel qu’il sera adapté dans la foulée en manga, avant de l’être au cinéma par la Toei. C’est une idée de génie, surtout : dans un futur proche, pour contrer une jeunesse trop virulente, les adultes votent une loi Battle Royale stipulant qu’une fois par an, une classe d’élèves de troisième tirée au sort soit isolée et contrainte de jouer à un jeu du dernier survivant cruel : tous les élèves doivent s’entretuer, il ne peut en rester qu’un, considérant qu’il est bien entendu impossible de déserter, sous peine de mort. Le récit du film de Fukasaku suit le déroulé du jeu de massacre, de la surprise initiale des élèves à l’issue du programme, et prend un plaisir tout mélodramatique à une notation scrupuleuse de la violence, où le nom et le numéro de chaque défunt apparaît sur l’écran après sa mise à mort – un outil déjà utilisé par le cinéaste dans Combat sans code d’honneur (1973) – ainsi que le nombre de survivants. Variation nippone d’une peinture de l’enfant-adolescent livré à lui-même et de ce fait à la barbarie potentielle de la liberté, Battle Royale décrypte les différentes postures que l’on peut observer – révolte, résignation, cynisme, pusillanimité – sur un plan presque anthropologique dans une posture proche de l’extraordinaire roman Sa majesté des mouches de William S. Golding. On a pu lire, au-delà de cette portée d’étude du genre humain, une allégorie de la manière dont la société japonaise réprime sa jeunesse, par tradition autant que par autoritarisme.