Les pirates du métro


Film de braquage en huis clos, les éditions Rimini nous proposent de redécouvrir Les pirates du métro (Joseph Sargent,1974), dans une somptueuse édition qui rend justice à cette œuvre tombée dans l’oubli.

Dans une rame de métro plusieurs passagers assis et inquiets sont surveillés par un homme portant des lunettes de soleil noires, un long manteau, et une mitraillette ; scène du film Les pirates du métro (1974).

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Ca déraille

Première adaptation du roman de John Goodey (le livre aura droit à une seconde adaptation en 2009 par Tony Scott), Les Pirates du métro est passé par plusieurs metteurs en scène avant d’atterrir dans les mains de Joseph Sargent. Celui-ci, réalisateur de télévision, a saisi l’opportunité de démontrer qu’il était bien plus qu’un simple yes-man, mais un véritable artisan du cinéma. En effet, il fait preuve d’une véritable maîtrise dans la mise en scène, notamment dans les séquences de tensions et s’inscrit, au même titre qu’un French Connection (William Friedkin, 1971), dans ce renouveau du cinéma policier propre aux années 1970.

Plan rapproché-épaule sur le visage de Robert Shaw, concentré, portant un chapeau, une moustache et des lunettes ; à l'arrière-plan l'horloge d'une station de métro ; plan du film Les pirates du métro.

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Si l’idée de départ – quatre hommes qui prennent en otage un métro new-yorkais et exige une rançon de un million de dollars pour la libération – est assez classique, Les Pirates du métro se démarque par sa direction artistique et le développement des personnages. Conscient des contraintes que peuvent représenter un tournage dans un métro, Joseph Sargent utilise le décor à son avantage en multipliant les plans serrés et les jeux de lumières. Le film laisse ainsi très peu de place à la lumière lors des scènes d’intérieurs, ce qui accroît le suspense. En plus de cela, le réalisateur en profite pour mettre en scène les tensions qui peuvent subsister dans une Amérique à peine sortie de la ségrégation : le métro représente un macrocosme dans le microcosme, il est l’endroit où des gens de différentes classes sociales et ethnies se rencontrent. Même si on échappe pas aux clichés habituels, il est ainsi normal qu’on retrouve des personnages aussi diversifiés qui représentent cette Amérique encore engluée dans ses préjugés – le mot en N, par exemple, est souvent employé pour décrire les personnes noires, les femmes ont droit à des réflexions misogynes et les Italiens sont traités de Goombah – terme péjoratif pou désigner les personnes d’origines italiennes.

Alors qu’une telle idée aurait pu s’essouffler au bout de quelques minutes, le film maintient son suspense en utilisant les interactions entre les personnages, Les pirates du métro n’a aucun temps mort. Dès le début, on est plongé dans l’action et celle-ci ne redescendra pas jusqu’au dernier quart d’heure. De plus, tout le récit repose sur des dialogues qui donnent un aspect très second degré. On peut citer, la scène de visite par les représentants du métro japonais ou la première rencontre entre l’inspecteur Daniels et le lieutenant Garber, le dernier étant surpris que le premier soit noir… Des touches d’humour qui créent un décalage avec la violence des preneurs d’otages. Le véritable héros du film toutefois, au-delà des acteurs, c’est bel et bien la ville de New-York elle-même. À l’instar de French Connection (William Friedkin, 1971) et Taxi Driver (Martin Scorsese, 1976), Joseph Sargent filme un New-York disparu, le New-York crasseux de l’ère Pré-Giuliani. Une ville qui était alors fortement rongée par l’insécurité et la corruption. Le réalisateur en profite pour railler une police incompétente et corrompue (le film est sorti trois ans après la commission Knopp qui enquêtait sur la corruption dans ville). Par ailleurs, le maire de ce New-York de cinéma, qui apparaît comme un lâche, est une référence à peine déguisée à Abraham Beame qui était maire de la ville au moment du tournage. Enfin, afin de rendre justice à ce film, il convient de parler de l’excellent score de David Shire. Sa composition, fortement inspirée par Quincy Jones, est une fusion jazz-funk qui utilise la technique du dodécaphonisme, émancipant la musique de la tonalité et donnant un aspect particulièrement dissonant et puissant au thème principal.

Pour les bonus, Rimini Editions nous régalent en convoquant plusieurs spécialistes du cinéma pour disserter sur cette oeuvre. On retrouve, Jean Baptiste Thoret qui intervient deux fois : d’abord dans une interview d’une quarantaine de minutes dans laquelle il nous parle principalement de la ville de New-York à l’époque du tournage, puis pendant une vingtaine d’autres minutes pour évoquer les films policiers qui ont été tournées dans la Big Apple. Nous trouvons ensuite une interview de Franck Brissard, rédacteur en chef chez Homepopcorn.com, qui revient, pendant trente minutes, sur le film et son impact dans la culture populaire américaine. Enfin, nous avons le droit à des interviews d’une dizaine de minutes de l’un des acteurs principaux et des membres de l’équipe technique, dont le monteur du long-métrage. Cela rend d’autant plus précieux la redécouverte de ce film, que son édition permet d’en creuser la postérité. 


A propos de Freddy Fiack

Passionné d’histoire et de série B Freddy aime bien passer ses samedis à mater l’intégrale des films de Max Pécas. En plus, de ces activités sur le site, il adore écrire des nouvelles horrifiques. Grand admirateur des œuvres de Lloyd Kauffman, il considère le cinéma d’exploitation des années 1970 et 1980 comme l’âge d’or du cinéma. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/rZYkQ

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