Deuxième réalisation de Jason Lei Howden, Guns Akimbo sortait le 23 mars dernier sur la plateforme PrimeVideo. Dans le rôle principal, Daniel Radcliffe continue sa mutation post-Harry Potter vers un cinéma étrange, bizarre et terriblement atypique, à des kilomètres des canons hollywoodiens. Il est bien loin le temps des baguettes et autres sortilèges magiques… Ici, ça tire à balles réelles.
Hardcore Harry
Harry Potter – Daniel Radcliffe, donc – en robe de chambre et chaussons en formes de pattes de tigres, avec deux flingues cloués aux mains : tel est l’argument de vente de ce Guns Akimbo, sorti tout droit en VOD sur la plateforme du géant Amazon. On a presque envie de signer tout de suite, tant la promesse est alléchante, mais nombreux sont les exemples de production au pitch « révolutionnaire » mais qui ne font jamais rien de leur postulat de base. En soi, ce nouveau long-métrage est assis le cul entre deux chaises, tant il est divisé en deux parties bien distinctes. La première partie, la plus réussie, possède l’argument majeur de contextualiser l’intrigue. On découvre un Daniel Radcliffe, sous les traits d’un personnage nommé Miles, travaillant dans une société de jeu vidéo et dont le passe-temps favori est de troller les commentaires sur les réseaux sociaux. C’est par ce biais qu’il va devenir la cible d’un site internet, Skizm, qui organise et diffuse en direct des combats à morts entre des criminels. En ce sens, Guns Akimbo se rapproche énormément de Nerve (Henry Joost et Ariel Schulman, 2016), où il était déjà question de regarder des jeunes s’essayer à des défis improbables et en payer les conséquences. Pour être certains que Daniel Radcliffe joue le jeu, les méchants de Skizm lui clouent dans chacune des mains un pistolet chargé avec cinquante balles. C’est alors que démarre une course-poursuite assez réjouissante entre Daniel Radcliffe et son opposante dans le duel à mort : Nix. La majorité des bonnes idées, et l’aspect réjouissant de voir l’acteur d’Harry Potter courir dans les rues dans un tel look et avec deux guns cloués aux mains, sont cristallisées dans cette première moitié. La réalisation de Jason Lei Howden essaye des choses également, à défaut d’être réellement significative. Elle joue beaucoup sur l’identité visuelle des jeux vidéos, mais également sur celles d’autres productions déjà existantes, comme la trilogie John Wick (Chad Stahelski, 2014-2019) ou Atomic Blonde (David Leitch, 2017). Rien de bien nouveau sous le soleil donc, mais cela reste suffisamment efficace pour esquisser un semblant de divertissement.
Dans la seconde partie, après une mise en contexte et l’arrivée de plusieurs personnages secondaires, une simple et bête histoire de vengeance prend le dessus sur le fun et l’absurde, pour que le divertissement, jusqu’alors un brin fou, ne devienne conventionnel jusqu’à la moelle. On se retrouve avec la désagréable impression d’avoir déjà vu tout cela – que ce soit les scènes d’actions, les rebondissements et les quelques gags encore présents. Guns Akimbo rejoint la trop longue liste des films à concept originaux mais au résultat ordinaire au possible. La production possède le mérite d’abréger les souffrances du spectateur en moins d’une heure et quarante minutes, et de garantir un minimum d’actions pour les deux du fond qui se sentiront encore concernés par ce qu’ils regardent. Mais ne nous mentons pas, le seul véritable intérêt de Guns Akimbo ne se trouve ni dans son concept, ni dans ses intentions ou encore mois dans ses résultats finaux, mais dans le fait d’être un nouveau long-métrage barré dans la carrière de l’interprète du plus célèbre des sorciers de Poudlard. Après Horns (Alexandre Aja, 2014), Docteur Frankenstein (Paul McGuigan, 2015), Insaisissables 2 (Jon Chu, 2016) – si, si – ou encore Swiss Army Man (Dan Kwan et Daniel Scheinert) et la série Miracle Workers (Simon Rich, 2019-en production), Guns Akimbo est une nouvelle preuve, s’il en faut, du virage qu’entreprend la carrière de Daniel Radcliffe dans des longs-métrages où il donne l’impression d’être sous cocaïne la moitié du temps. L’ancien élève de l’école de sorcellerie est en pleine crise d’adolescence, à 30 ans, se cherchant dans des projets tous aussi barrés que variés – et où sa fibre comique (déjà prouvé dans la franchise qui l’a fait connaître) se révèle telle un coquelicot en pleine éclosion au mois de mai. Guns Akimbo n’est qu’un nouveau maillon dans la réflexion de Daniel Radcliffe sur sa propre fonction d’acteur. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de voir dans les rôles qu’il interprète davantage de Daniel Radcliffe que des personnages de fictions, tels celui de Milles comme ceux des longs-métrages cités plus haut… Alors que depuis des années, on ne voyait que Harry Potter au détriment de l’acteur, on peut aujourd’hui affirmer que l’élu n’est plus : Daniel Radcliffe peut enfin apparaître et exister aux yeux de tous.