The Good Place – Saison 4


Après trois saisons de bons et loyaux services, la soul squad de The Good Place rend les armes dans une quatrième et ultime saison, toujours diffusée sur NBC et simultanément dans le monde grâce à Netflix. L’occasion de côtoyer une dernière fois Eleanor, Chidi, Michael, Janet, Tahani et Jason, nos héros intrépides menant un combat contre le système de l’univers… Rien que ça.

La Soul Squad, les cinq personnages principaux de la série The Good Place, posent dans ce qui semble être un couloir d'entreprise, tapis au sol, grande porte style art déco au fond.

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21 Grammes

Depuis quelques années, Michael Schur fait les belles heures des sitcoms américaines et spécialement celles de NBC, sur laquelle il officie. Révélé grâce à ses talents d’écritures au Saturday Night Live, il écrira plusieurs épisodes marquants de The Office (Ricky Gervais et Stephen Merchant, 2005-2013), avant de créer Parks and Recreation (Greg Daniels et Michael Schur, 2009-2015), Brooklyn Nine-Nine (Dan Goor et Michael Schur, 2013-en production) et The Good Place en 2016. Ces quatre séries, à elles seules, témoignent de l’originalité et de la fraîcheur que le format a connues ces dernières années – on ajoutera Community (Dan Harmon, 2009-2015), toujours sur NBC d’ailleurs, pour compléter le tableau des scores. Comme Seinfeld (Larry David et Jerry Seinfeld, 1989-1998) en son temps qui générera une multitude de rejetons, on peut aisément dire qu’il en est de même pour The Office et que Michael Schur canalise cette énergie dans son travail. Néanmoins, la grosse différence entre les sitcoms d’antan et les séries comiques d’aujourd’hui se trouve dans la faculté à ne pas se reposer seulement sur le charisme des personnages, mais en proposant quelque chose de nouveau et inattendu, aussi bien dans le fond que la forme – en plus de se débarrasser des effets vieillots liés au genre (rires enregistrés, décor unique, enregistrement en présence d’un public, etc). C’est d’ailleurs pour cela que The Office et Parks and Recreation fonctionnent aussi bien : elles utilisant le principe du mockumentary, genre bâtard qui insuffle une forme documentaire dans un récit fictionnel (voir notre article consacré à ce genre), et qui rendrait le tout bien moins novateur s’il n’était pas utilisé. Dans cette vague folle, la chaîne de télévision FX participe également au renouveau du format avec des séries comme Wilfred (Jason Gann, Adam Zwar et Tony Rogers, 2011-2014) ou encore Man Seeking Woman (Simon Roch, 2015-2017). La particularité de ces séries comiques étant leur penchant surnaturel assumé et un parti-pris qui les emmène souvent plus vers le drame, où la comédie ne sert qu’à ponctuer les séquences dramatiques. Après toutes ces séries, The Good Place arrive en 2016, avec la faculté de mélanger les héritages de ces deux chaînes télévisées : en étant une pure production de l’esprit de Michael Schur, tout en allant vers un surnaturel encore inédit chez l’auteur et en oubliant pour la première fois la forme du mockumentary. The Good Place donc, c’est l’histoire de quatre mortels, décédés sur Terre et amenés dans ce qu’ils pensent être le paradis, avant de découvrir qu’il s’agit de l’enfer. On vous passe les détails et les rebondissements, toujours intelligents et rarement dans la surenchère pour combler un vide scénaristique. La soul squad comme ils aimeront à s’appeler entre eux va mener une bataille acharnée avec le système, qui se révèle faussé et pas du tout en accord avec son temps. Au fond, c’est une bataille contre le système mais également, et surtout, une bataille pour soi-même qui révélerait à nos protagonistes s’ils méritent réellement la damnation éternelle plutôt que le repos.

Janet et Chidi discutent face à face dans la forêt, scène de la série The Good Place.

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Au commencement de cette nouvelle saison, les démons de l’enfer ont accepté de passer un marché avec la joyeuse bande de mortels, afin de prouver que le système de notation – qui décide si vous allez au Good Place ou au Bad Place – est complètement faussée depuis des millénaires. Quatre nouveaux mortels sont amenés dans le quartier imaginé par nos compères pour tester cet algorithme et vérifier que les humains valent la peine de tout reconstruire… The Good Place, derrière ses allures décomplexées de sitcom peu onéreuse, offre une réflexion sur la mort, mais essentiellement la vie, comme rarement une série – ou même une œuvre cinématographique – ne l’avait encore mis en scène et intellectualisé. Si les précédentes saisons possédaient quelques ventres mous, ici et là, afin d’étirer la narration pour convenir au bon nombre d’épisodes requis, cette ultime salve a le mérite d’avoir une seule et ultime ligne droite à entreprendre. C’est donc avec une rapidité bienvenue que s’enchaînent les nombreux rebondissements de cette affaire céleste, multipliant les gags et les personnages secondaires marquants – Maya Rudolph trouve sûrement l’un de ses rôles les plus drôles. Car c’est bien d’une finalité dont il est question durant les douze épisodes, et d’une double manière, autant d’un point de vue de narration (la fin de vie de nos personnages), que d’un point de vue de production (la fin de la série). Si The Good Place est si forte dans sa structure, la raison à cela se trouve dans sa formidable capacité à évoquer les relations humaines, de manière assez simple et frontale, par le biais de l’absurde et du fantastique. L’au-delà, qu’il soit dans le Good Place ou le Bad Place, use de sa magie pour confronter nos personnages à leurs désirs et peurs. Maintenant que les peurs sont vaincues – nos amis étant devenus de meilleures personnes depuis leur mort sur Terre – il est temps d’affronter leurs rêves les plus fous. En effet, une fois le système de notation rectifié et approuvé par les anges et les démons, nos comparses découvrent un Good Place zombiesque où chacun est fatigué de vivre aussi facilement leurs moindres souhaits et désirs, et ce depuis une éternité. La récompense pour nos protagonistes possède un goût amer, où la seule chose pour laquelle ils se sont battus depuis le début n’était en fait qu’un cadeau empoisonné. Dans son épilogue, coupé en deux épisodes, la série aborde ce qui est sûrement la question la plus importante qu’elle ne se soit posée jusqu’à présent : est-ce réellement viable de vivre dans un endroit, où chacun de nos vœux seraient exaucés ? La série offre une réponse, en accord avec ses choix scénaristiques et ce fabuleux charisme qu’elle arbore depuis quatre ans, entre satire acerbe et douce poésie.

La comédienne d'Arcy Carden et l'acteur Ted Danson dans une scène de la série The Good Place, il joue du synthétiseur et elle chante près de lui, en plein air.

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Au fond, The Good Place prend une place importante dans le tournant qu’entreprend le format de la sitcom, dont la plupart n’en sont déjà plus par rapport à la définition stricte du terme, seule la durée de vingt-deux minutes perdure, en réalité. C’est simple, la sitcom comme elle a existé grâce à Seinfeld, Friends (Marta Kauffman et David Crane, 1994-2004), How I Met Your Mother (Carter Bays et Craig Thomas, 2005-2014) ou encore The Big Bang Theory (Chuck Lorre et Bill Prady, 2007-2019) n’est tout simplement plus. Les quelques restes ici et là tirent leur révérence, les unes après les autres, au profit d’histoires plus déjantés et moins réelles. Il ne faut pas non plus minimiser l’importance des séries animées telles que BoJack Horseman (Raphael Bob-Waksberg, 2014-2020) et Rick et Morty (Dan Harmon et Justin Roiland, 2013-2020) dans ce virage de ton, tant l’animation permet un passage au(x) genre(s) plus facile pour ces narrations novatrices et drôlement folles dans leur manière d’appréhender l’héritage des cinémas de genres. Doucement, mais sûrement, le format se dirige vers une douce folie, où les règles n’existent plus et ne cherchent plus à coller une certaine représentation du quotidien. En réalité, ce n’est pas dans un virage grandiloquent et assuré que les séries comiques se tournent vers le genre, mais davantage par de petites hésitations et tentatives, toujours saluées par le public et les professionnels. The Good Place en est sûrement l’une des plus belles et inspirantes. On ne peut s’empêcher de penser que la relève est assurée pour les années à venir, en matière de drôlerie surréaliste et atypique, tant ils ont été nombreuses à montrer la voie à prendre – on pense notamment chez nous à Platane (Eric Judor et Hafid F. Benamar, 2011-2020) qui a elle aussi fait cette mue, de la sitcom façon mockumentary de ses débuts vers un format plus long, fantastique et absurde dans sa dernière livraison. Désormais, au pays des séries comiques, un message écrit aux paillettes verte brille : Welcome. Everything is fine.


A propos de William Tessier

Si vous demandez à William ce qu'il préfère dans le cinéma, il ne saura répondre qu'avec une seule et simple réponse. Le cinéma qu'il aime est celui qu'il n'a pas encore vu, celui qui ne l'a pas encore touché, ému, fait rire. Le teen-movie est son éternel compagnon, le film de genre son nouvel ami. Et dans ses rêves les plus fous, il dine avec Gégé.

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