Les Anges de la Nuit 1


Deuxième long-métrage de Phil Joanou, Les Anges de la Nuit sortait en 1990 aux États-Unis et rassemblait toute une génération d’acteurs du cinéma américain : Sean Penn, Gary Oldman, Ed Harris, Robin Wright, John C. Reilly et John Turturro…Rien que ça ! Alors que sortait quelques jours seulement avant Les Affranchis de Martin Scorsese, peut-on affirmer que Les Anges de la Nuit possède autre chose qu’un joli casting à présenter aux spectateurs avides d’histoires de mafieux ?

Sean Penn dans le film Les Anges de la nuit (critique)

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Gangs of New-York

Lorsque l’on découvre Les Anges de la Nuit aujourd’hui, il est impossible de ne pas penser à James Gray, tant son cinéma et celui de Phil Joanou sont proches. Au petit jeu de la postérité, l’un a peut-être déjà gagné sur l’autre, me direz-vous et vous aurez sûrement raison. Néanmoins, le long-métrage de Phil Joanou possède le mérite d’avoir existé avant. Derrière une histoire, somme toute basique, d’un mauvais garçon au bon fond retournant dans son quartier après une longue absence, le réalisateur américain tisse des liens fraternels et amoureux, entre de jeunes gens en quête d’un futur plus glorieux que leur présent. C’est tout le propos du scénario, caché derrière un esprit de film de mafieux : faire le portrait d’une génération de jeunes perdus entre leurs rêves et leur réalité. Alors oui, c’est tout le propos, mais c’est également tout le problème. Si le long-métrage possède plusieurs qualités non négligeables, l’attention que porte le script sur ses personnages est bien trop puérile et manichéenne pour convaincre pleinement. Même lorsqu’un twist pointe le bout de son nez, le soufflet tombe à plat étant donné que les spectateurs auront deviné la chose bien en amont. Finalement, on sait où tout cela mène et sans prendre un grand plaisir à accompagner cette aventure humaine. La chose la plus intéressante reste cette volonté de revivre une vie et de restaurer des frustrations adolescentes : alors qu’il avait quitté son quartier et ses amis durant dix ans, Terry Noonan, personnage principal interprété par Sean Penn, essaye de réparer ce qu’il avait laissé en suspens, être présent pour ses amis et reconquérir son amour de jeunesse. Tout cela sous l’aura de la seconde chance et du charme incroyable de tous les acteurs et actrices… Qui se révèlent être les véritables anges gardiens de l’histoire, tant ils en sont les meilleurs ambassadeurs.

La bande de Sean Penn dans Les anges de la nuit (critique du film)

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Les Anges de la Nuit, c’est également une cartographie de la ville de New-York, et à l’image de ses prédécesseurs (Martin Scorsese, Francis Ford Coppola, William Friedkin, pour ne citer qu’eux) Phil Joanou construit l’environnement urbain comme un personnage. Bien plus qu’une simple histoire avec des protagonistes, cette production est également une histoire d’espace, et narre la manière de se l’approprier, de marcher dans la rue ou de façonner tout un quartier. L’appât du gain mis à part, c’est bien le contrôle du quartier, et donc de l’espace, que recherchent les différents gangs de Hell’s’Kitchen. Ainsi, la mise en scène de Phil Joanou vient perpétuellement construire les relations et les personnages à travers ces espaces. Lorsqu’il sort d’un bar et se retrouve dans la rue, le ou la comédienne sont cadrés de manière à ce que le trottoir, ou les croisements de deux rues, viennent construire et définir leurs propres mouvements. Cette méthode n’est pas sans rappeler le procédé de mise en scène des westerns, où les territoires étaient primordiaux dans la façon de penser la réalisation… Ici, comme pour appuyer la réflexion, c’est le célèbre, et non moins talentueux Ennio Morricone qui signe la composition originale. Si Les Anges de la Nuit peut avoir ses défauts, notamment dans la construction des personnages et de leurs émotions donc, sa qualité infaillible se trouve dans ce rapprochement entre la musique et la composition des espaces. Un western moderne mais, encore une fois, moins proche de Il était une fois en Amérique (Sergio Leone, 1984) que de La nuit nous appartient (James Gray, 2007), entre drame social et intimiste.

Blu-Ray Rimini Edition du film Les anges de la nuit (critique)Du côté de l’édition, Rimini propose une copie Blu-Ray de fière allure, où l’esthétique du format originel (la pellicule 35mm) est presque toujours présente à l’écran. On est très loin des restaurations trop lisses où les matières et les reliefs sont effacés au profit de la haute-définition. Les qualités de la modernité, avec l’esthétique et le charme de l’ancien, il faudrait être fou pour se priver d’une telle qualité à la maison ! Avec les bonus, Rimini poursuit la politique que les éditeurs – et surtout de cinéma de patrimoine – mettent en place depuis plusieurs années : proposer de réels bonus, très loin des bêtisiers et autres bandes-annonces inutiles, et qui poursuivront la réflexion du long-métrage après le visionnage. Ainsi, il est possible de découvrir une interview d’une vingtaine de minutes de Phil Joanou qui revient sur plusieurs thématiques et périodes de productions du long-métrage. En plus de ce contenu, un long entretien de quarante-cinq minutes avec Samuel Blumenfeld, journaliste pour Le Monde, permet de poursuivre la réflexion et de contextualiser l’ensemble dans une vision plus large. Pour tous les amoureux de films de gangsters, aux ambiances poisseuses et aux personnages tourmentés, Rimini propose un bel objet qui permet de sortir un peu de ces classiques pour s’aventurer sur des terrains encore inexploités. Le genre possède encore quelques beaux jours devant lui, et cela, même en ayant un regard dans le rétroviseur, avec ces œuvres que l’on redécouvre avec le temps.


A propos de William Tessier

Si vous demandez à William ce qu'il préfère dans le cinéma, il ne saura répondre qu'avec une seule et simple réponse. Le cinéma qu'il aime est celui qu'il n'a pas encore vu, celui qui ne l'a pas encore touché, ému, fait rire. Le teen-movie est son éternel compagnon, le film de genre son nouvel ami. Et dans ses rêves les plus fous, il dine avec Gégé.


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