Peaky Blinders – Saison 5


Presque deux ans après sa quatrième saison, Peaky Blinders revient cet automne sur la chaîne télévisée britannique BBC One, après de bons et loyaux services sur la BBC Two. La série gagne donc en échelon avec les années, le nombre de fans ayant amplifié grâce aux diffusions à l’internationale assurées par Netflix. Anthony Byrne, nouveau venu dans l’univers de la série, réalise l’intégralité des six épisodes, tandis que Steven Knight, créateur du show, officie toujours au poste de scénariste. Tout est mis en œuvre pour que le spectateur se replonge pleinement dans l’antre de Birmingham, aux côtés de nos Peaky « fucking » Blinders.

Manifestation dans la série Peaky Blinders (critique)

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Jeux de pouvoir

Cillian Murphy sur un cheval dans peaky Blinders (critique)

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Lorsque l’on quittait nos gangsters préférés à la fin de la quatrième saison, Thomas Shelby était élu à la chambre des communes en tant que député tandis que la famille pleurait encore la disparition de John, petit frère de ce dernier. Si, jusqu’à présent, Peaky Blinders ne s’étendait pas aux confins du Royaume-Unis et du monde, cette cinquième salve d’épisodes ouvre pour de bon les portes de la ville de Birmingham. Tout en permettant à nos personnages d’accéder aux intrigues politiques et d’ordres nationales, la série arpente ainsi de nouveaux territoires et alliances. Alors que chacune de ses consœurs s’essoufflent, saison après saison, Peaky Blinders est de celle qui se renouvellent sans cesse, sans jamais perdre ce qui nous a tant fait aimer la série par le passé. Après avoir affronté, à peu près, tous les gangsters londoniens, nos Peaky Blinders se frottent aux politiciens, et notamment à un nouveau parti dans le paysage politique britannique, celui des fascistes. Prenant place en 1929, en plein krach boursier – également traité par le biais de Michael Gray, parti s’occuper des affaires de la famille sur Wall Street – le show britannique se rapproche de plus en plus de la Seconde Guerre Mondiale. Et cette saison est intéressante également pour cet aspect de rapprocher les personnages vers une nouvelle guerre alors qu’ils ne le savent pas et qu’ils ne sont toujours pas remis de la précédente. Peaky Blinders, bien qu’elle existe par ses histoires secondes et arc narratifs différents à chaque saison, est une série qui se regarde comme une entité dressant le portrait de toute une génération d’anglais marquée au fer rouge par la guerre des tranchées et cristallisée dans le regard confus, perdu et apeuré que Thomas Shelby arbore lorsque personne d’autre ne le regarde. Notre personnage principal, toujours interprété avec une force de silence incroyable par Cillian Murphy, n’aura jamais été aussi puissant et désarmé à la fois, oscillant entre dominant et dominé dans ses relations professionnelles et privées. Il est intéressant également de pouvoir constater la volonté du personnage à devenir fondamentalement bon, tout en rejetant le qualificatif de « héros ». Ainsi, il va mener une bataille acharnée contre la montée du fascisme en Angleterre, pas tant parce que cela va nuire à ses affaires mais davantage parce que c’est la bonne chose à faire. Du statut de voyou à celui d’homme politique influant, il n’y a qu’un pas – et en l’occurrence à peine cinq saisons.

Leader du parti fasciste dans la série Peaky Blinders (critique)

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Avec les années, Peaky Blinders affirme sa direction artistique très nuancée et ses choix chromatiques, proches d’un brouillard. Cette cinquième saison respecte scrupuleusement le cahier des charges dressé par ses ainés, tout en offrant de savoureuses séquences qui sortent du lot. Ici, c’est davantage par les moments de discours que la série brille de mille feux, et trouve une justesse de montage assez folle oscillant entre les grands mouvements de caméra dans la foule, des gros plans marquants sur l’orateur, un sens du rythme millimétré. Cette saison est assurément celle de la parole, la mise en scène venant accentuer perpétuellement cette impression, aidée d’une bande originale toujours aussi remarquable. Avec la parole comme nouvelle arme, plutôt que la traditionnelle lame de rasoir, nos Peaky Blinders ont conscience d’avoir besoin du soutien du peuple pour continuer à exister. Le banditisme passe à un autre niveau, celui où il ne cherche plus à nier ses agissements, mais à essayer de faire croire qu’il est nécessaire et bénéfique aux habitants. Finalement, est-ce qu’un politique ne serait pas simplement un gangster qui aurait été choisi par le peuple ? C’est la question que pose cette nouvelle saison, tout en évitant de devoir y répondre, préférant laisser ses personnages expérimenter plusieurs possibilités. Peaky Blinders évite tous les écueils du manichéisme, qui pourrait, pourtant, aisément pointer le bout de son nez. Les personnages trouvent une beauté plus envoûtante dans cet entre-deux, la volonté d’être un héros et cette passion romanesque pour les hors-la-loi créent un charisme électrisant – et qui arrivent à sauver un personnage comme celui de Linda pourtant en fin de course. De manière plus générale, le show aurait pu arriver à court d’idées avec cette cinquième saison mais que nenni, elle rebondit et arpente des chemins que l’on n’aurait jamais pus imaginer. C’est également l’un des bienfaits d’avoir seulement six épisodes par saisons, il n’y a ainsi nulle place pour les histoires tertiaires, celles qui existent uniquement pour combler des trous de narration et occuper le spectateur. Peaky Blinders est de ces séries qui ont encore de belles années devant elles, et qui n’oublieront jamais de conclure leur histoire au bon moment, plutôt que de chercher à gagner quelques saisons de trop. Il n’y a qu’à constater l’utilisation des cliffhangers, qui n’existent pas, même lors d’un rebondissement assez important comme c’est le cas dans la fin de saison : la série n’use pas des habituels codes et l’amène, non pas par le sensationnel, mais par la manière la plus juste pour la narration. En réalité, Peaky Blinders, c’est la classe incarnée, aussi bien dans la forme que dans le fond. La classe à l’anglaise, donc.


A propos de William Tessier

Si vous demandez à William ce qu'il préfère dans le cinéma, il ne saura répondre qu'avec une seule et simple réponse. Le cinéma qu'il aime est celui qu'il n'a pas encore vu, celui qui ne l'a pas encore touché, ému, fait rire. Le teen-movie est son éternel compagnon, le film de genre son nouvel ami. Et dans ses rêves les plus fous, il dine avec Gégé.

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