Dolemite is my Name


Échaudé par ses récents échecs au box-office, Eddie Murphy a choisi Netflix pour revenir devant la caméra avec Dolemite is my name (Craig Brewer, 2019) film biographique sur la vie de l’acteur Rudy Ray Moore alias Dolemite. Le métrage est un véritable témoignage d’amour à la Blaxploitation et sans doute l’une des meilleurs performances d’Eddy Murphy depuis ces dix dernières années.

Eddy Murphy dans le biopic de Dolemite (critique)

                                                     © Netflix

Black is beautiful

Assistons-nous à un retour de la Blaxploitation ? C’est la question que l’on pourrait se poser au vue des productions récentes. Que ce soit à la télévision avec des séries comme Luke Cage qui reprenait les codes de la Blaxploitation ou au cinéma avec l’émergence de réalisateurs afro-américains et des films mettant un scène un casting en majorité noir, tout cela nous donne à penser à un retour de ce “genre” qui avait fait la gloire des salles de cinéma d’exploitation des années 1970. Toutefois, bien que ces productions partagent des points communs avec ceux réalisés à l’époque, ils visent un public plus large et sont, pour la plupart, soutenu par des grands studios (voir notre article “Vers une nouvelle Blaxploitation ?”) là où la Blaxploitation était un cinéma de “niche”.. 

Eddie Murphy est Rudy Ray Moore dans le biopic Netflix Dolemite is my name (critique)

                                           © Netflix

Avant d’évoquer le film, il convient de rappeler ce qu’était la Blaxploitation. On situe les débuts de ce genre en 1971 avec Sweet Sweetback badass song de Melvin Van Peebles. Rejeté par les producteurs et classé X à cause de sa violence gratuite et ses scènes de sexe explicites, le réalisateur assura la promotion avec l’accroche « Classé X, par un jury entièrement composé de blancs ». Le film deviendra l’un des plus gros succès de l’année et prouvera aux producteurs et aux aspirants réalisateurs qu’un produit avec un casting 100 % noir pouvait être un succès. Ainsi, durant la décennie 1970, on a vu une centaine de longs-métrages visant exclusivement – mais pas que – la communauté noire. Que ce soit l’horreur avec Abby (William Gilder, 1974) relecture afro du film d’exorcisme et Blacula, le vampire noir (William Crain, 1972) ou le films de gangsters avec Le Parrain noir de Harlem (John Evans, 1974), la Blaxploitation a touché à presque tous les genres, tout en gardant toujours les mêmes codes : une musique funk, un héros qui est un exemple pour sa communauté et surtout, l’utilisation de l’argot des noirs du ghetto. Ces productions trouvèrent rapidement un écho au sein de la communauté afro-américaine les préférant aux personnages trop lisses incarnés par Sidney Poitier et Harry Belafonte. Parmi les films les plus remarquables de cette décennie, on citera Shaft (Gordon Parks, 1971), Coffy, la Panthère noire de Harlem (Jack Hill, 1973) et Foxy Brown (Jack Hill, 1974). A la fin des années 1970, la lassitude du public et l’émergence des blockbusters auront raison d’un courant qui peinait à se renouveler.

Peu connu dans nos contrées, Dolemite est un personnage phare de la culture afro-américaine. Incarné par Rudy Ray Moore, celui-ci a séduit le public par son humour décapant et son langage grossier. Ces textes ciselés ont par ailleurs grandement influencé les rappeurs de la première vague US et des humoristes comme Eddy Murphy et Martin Lawrence. Il était donc normal que tôt ou tard, il y allait avoir un biopic sur ce personnage fantasque. Là où le film de Craig Brewer se démarque des biopics récents, c’est dans sa passion pour le sujet qu’il aborde. En effet, il choisit de parler de Rudy Ray Moore par le prisme d’un homme passionné par son art sans apporter un regard critique et condescendant sur ses œuvres. Le récit n’évoque pas la qualité des films du réalisateur, mais plutôt son influence au sein de la communauté noire. Cette approche n’est pas sans rappeler Ed Wood (Tim Burton, 1994) qui constituait une véritable lettre d’amour à l’œuvre d’un cinéaste qu’on qualifiait pourtant de “pire réalisateur de l’histoire du cinéma”. Par ailleurs, la narration emprunte beaucoup à la Blaxploitation, que ce soit par la musique funk de Scott Bomar qui imite celle des années 1970, sa mise en avant des styles vestimentaires propres à la culture afro-américaine de cette époque et le personnage principal qui devient un exemple pour sa communauté : on sent l’amour du réalisateur pour le genre et sa volonté de reproduire à l’identique les codes en vogue à l’époque.

Rudy Ray Moore prêt à se battre (critique du film Netflix)

                                                     © Netflix

La meilleure surprise reste l’interprétation d’Eddy Murphy, incroyable dans le costume de Dolemite. Grand fan de Rudy Ray Moore, c’est lui qui a porté le projet (il est d’ailleurs crédité comme producteur) et on sent qu’il s’est amusé comme un fou à reproduire les mimiques propres à l’acteur et à rejouer les séquences du film original. La qualité de son interprétation nous rappelle au souvenir le Eddie Murphy de la grande époque (les années 1980) et on espère que ce projet permettra au comédien de redynamiser une carrière un peu en perte de souffle. On pourra aussi noter l’excellent travail du doubleur français Serge Failu qui remplace le regretté Med Hondo : si l’on pouvait avoir des appréhensions sur son travail, car dans l’inconscient collectif la voix de Med Hondo est irrémédiablement rattachée à celle d’Eddy Murphy, dès les premières minutes, on se rend compte que Serge Failu dont le timbre de voix est assez similaire à celui de son prédécesseur fait particulièrement bien le job. En plus d’Eddy Murphy, Dolemite is my name s’est doté d’un casting quatre étoiles. Outre quelques vieux briscards (Wesley Snipes, Chris Rock, Snoop Dogg) on y retrouve pléthore d’acteurs issues de la nouvelle scène afro-américaine récente –  la plupart sont des comiques venant de la télévision, dont la célèbre émission Saturday Night Live ou l’excellent Keegan Michael Key du duo Key & Peele qu’il forme avec Jordan Peele. A l’image de la rencontre, à la fin du film, entre Rudy Ray Moore et un jeune fan souhaitant devenir comique (on l’imagine être Eddie Murphy jeune) on ne peut qu’être émus de voir cette passation de pouvoirs entre les comiques de “l’ancienne génération” – incarnée ici par Eddy Murphy et Chris Rock – et la “nouvelle génération” qu’ils ont influencé. 


A propos de Freddy Fiack

Passionné d’histoire et de série B Freddy aime bien passer ses samedis à mater l’intégrale des films de Max Pécas. En plus, de ces activités sur le site, il adore écrire des nouvelles horrifiques. Grand admirateur des œuvres de Lloyd Kauffman, il considère le cinéma d’exploitation des années 1970 et 1980 comme l’âge d’or du cinéma. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/rZYkQ

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