Alors que les plus célèbres jouets allemands sont sur tous les écrans de France et de Navarre à grands coups de campagne marketing agressive, retour sur ce qui aurait pu être une jolie réussite française façon La Grande aventure Lego (Phil Lord & Chris Miller, 2014). Mais qui se révèle être un navet bien fade.
En avant les histoires… bancales !
Quand un enfant de six ans pleure au bout de cinq minutes et ne décroche pas un sourire de tout le film (vaguement un rire nerveux lors d’une blague scatologique), on est en droit de penser que le truc qu’on vient de voir n’a pas atteint son objectif. C’est exactement ce qui s’est passé cet après-midi-là, deux rangs devant moi, lors de la projection à n’en plus finir des aventures de mes figurines d’enfance. Et pourtant, le concept avait su réveiller mon âme d’enfant, et après la bonne surprise que fut La Grande Aventure Lego (Phil Lord & Chris Miller, 2014), j’espérais retrouver cette ardeur et cette générosité avec ce premier long-métrage de Playmobil (Lino DiSalvo, 2019) – notons qu’on ne considérera pas ici le direct-to-video Playmobil : The Secret of Pirate Island (Alexander Sokoloff, 2009) et son animation 3D à vomir comme une réelle première adaptation, simplement parce qu’il vaut mieux l’oublier. Après la déferlante des briques danoises sur nos écrans, voici donc venu le temps des figurines allemandes. On imagine assez bien le casse-tête et la pression des créateurs du au moment d’envisager la conception de ce nouvel opus commercial censé générer millions de recettes et pourquoi pas une nouvelle franchise. La barre était relativement haute à franchir tant il est difficile de passer après le très réussi La Grande aventure Lego qui avait relevé l’exploit de s’extraire du marasme mercantile pour en faire une production plaisante, au dixième degré, se payant le luxe d’être corrosif et surtout de proposer une histoire délirante, sans queue ni tête mais incroyablement trépidante. Un film qui ne faisait vraiment pas genre tant dans sa narration décomplexée que dans ses références généreuses, au cinéma populaire comme « pointu ».
Le chemin, bien que sinueux et semé d’embûches, semblait déjà tracé pour les producteurs et le réalisateur Lino DiSalvo. Cet animateur venu de chez Disney semblait avoir un parcours suffisamment solide – Raiponce (Byron Howard & Nathan Greno, 2010), La Reine des neiges (Chris Buck & Jennifer Lee, 2013) – pour s’embarquer à la réalisation d’un premier machin aussi lourd (60 millions d’euros tout de même). Mais ça, c’était sur le papier. Premier choix à rebours : axer l’objet pour les moins de 8 ans. Pas forcément le plus judicieux quand on sait le nombre de générations qui ont grandi en inventant une infinité d’histoires de lutte entre cow-boys et indiens. Cette cible clairement appauvrit l’exigence (à tort) du récit et des trouvailles visuelles qui rythmeront les pénibles 110 minutes du métrage. De mémoire de gosse, je ne me souviens pas d’avoir entendu des chansons aussi niaises, aussi pauvres en texte totalement incompréhensibles au demeurant… vous pouvez toujours courir pour que les gamins les retiennent et les chantent dans leur bain. On peut toujours critiquer Disney et son tube Libérée, délivrée, au moins a-t-il le mérite d’une mélodie facilement mémorisable (avouez, je vous l’ai mise dans la tête…) et d’une clarté dans la diction comme dans ses paroles.
Deuxième choix déconcertant : un début de narration qui commence abruptement par la mort gratuite des deux parents de l’héroïne. Passé un générique chanté faisant l’éloge de l’aventure et du voyage, faisant fi des recommandations des adultes, voici qu’on apprend la mort des deux parents dans un accident de voiture. De manière explicite et verbalisée. Il n’en fallait pas plus pour déclencher les canaux lacrymaux du pauvre petit assis devant moi. Surtout que cette mort ne permettra pas aux enfants du récit de se construire par la suite. Mange-toi ça, et n’en tire aucun apprentissage sur toi-même. Sympa la leçon de vie. Une semaine après avoir vu le film, je ne comprends toujours pas ce choix dramaturgique, ni son impact concret sur l’histoire. À ce propos, quelle histoire proposer avec les personnages d’une franchise qui se vante de pouvoir raconter TOUTES les histoires (le slogan Playmobil) ? Tout comme La Grande aventure Lego qui avait pris le parti de traverser des dizaines années de figures populaires et de franchises pourtant imperméables, les scénaristes de Playmobil, le film font le choix de parcourir les époques, du jurassique au futur technologique, afin de faire défiler le plus grand nombre possible de figurines en tout genre, à l’image d’une imagination enfantine débordante. Si le concept est intéressant bien qu’en rien novateur, la pauvreté des idées d’écritures ou de mise en scène pour en faire un ensemble cohérent rend ce périple aussi factice que prévisible. Aucune réflexion n’est amorcée sur le besoin d’imagination et de liberté qu’éprouve un enfant, et le récit suit les balises bien identifiées du scénario façon script doctoring. Pour le reste, la réalisation est poussive tout comme les rares gags parsemés. Je l’avoue, la transformation d’Anya Taylor-Joy – tellement sirupeuse qu’on la croirait sortie de la série Hannah Montana – en Playmobil donne lieu à une chouette séquence d’apprentissage – elle doit apprendre à marcher avec ses jambes raides, une question que tout joueur s’est posé un jour ou l’autre devant sa figurine : mais comment faire la faire marcher avec une seule articulation au bassin ? – mais ce n’est cependant qu’une trouvaille bien maigre pour un produit à l’inventivité famélique. Laissez donc vos enfants filmer leurs Playmobil dans leur chambre, ils en feront, à coup sûr, un bien meilleur film que cela.
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