A l’occasion de son ajout récent dans le catalogue de notre partenaire Outbuster, et de sa sélection en compétition officielle à Gerardmer, on vous parle du film de bon goût, Puppet Master : The Littlest Reich (Tommy Wiklund et Sonny Laguna, 2017).
Das Püppet qui fait nein
Je ne me fatiguerai jamais de vous parler de nazis. Peut-être même que je ne suis revenu que pour ça, allez savoir. Sauf que forcément, un sujet pareil n’appelle pas nécessairement l’enthousiasme de prime abord. Coup de bol, le Nazi étant devenu un monstre à part entière au cinéma, on a toute une palanquée de films plus ou moins drôles, plus ou moins sérieux, plus ou moins divertissants, plus ou moins graves, plus ou moins historiques, plus ou moins engagés pour en parler. Si, à l’instar de Frankenstein, Dracula, la Momie et la Créature du Marais les Nazis ne faisaient plus l’actualité on pourrait même s’en donner à cœur joie et réfléchir après (l’occasion de vous renvoyer vers mon article sur la question). Conséquence, toute utilisation des Nazis dans le cinéma, et la pop-culture en général, attire donc l’attention et les producteurs/scénaristes l’ont toujours su. Les auteurs de ce reboot de la saga Puppet Master inclus.
Comme tout bon récit sur les Nazis, notre histoire commence au Texas par une nuit quelconque de l’année 1989, lorsqu’un homme tout de noir vêtu, sous son chapeau, entre dans un bar. Ni une ni deux, vas-y que j’embrouille la serveuse et sa meuf avant de montrer mes cicatrices comme tout allemand bien élevé, que je balance deux trois phrases énigmatiques avant de prendre congé en ayant bien pété l’ambiance. Lors du retour, nos deux premières victimes termineront sur le bas côté, l’une la tête dans la boîte à gant, l’autre, loin de ses épaules, nettement sectionnée par (vous l’aurez deviné) une poupée. Puppet Master. Et si c’était lui. Mystère. Commence alors le générique de début, nettement moins classique et convenu que l’introduction du film puisqu’il plante en une succession de très jolies animations le personnage du Puppet Master, sa vie, son œuvre, ses offices au sein du IIIème Reich, son activité de sculpteur de poupées chelou-es, sa fuite outre-Atlantique lors de la Gröss Débandäd de 45, le drame du suicide de sa femme, le sous-drame des poupées qui saignent tout l’équipage du bateau, autrement dit : le récit parfait pour la vie de la personne typique dont il faut se méfier quand elle se présente à vous dans un bar d’autoroute.
Manque de bol, après ce très joli générique, le récit reprend en nous introduisant des personnages à peu près aussi intéressants que des poupées inertes, enfin baste, on en a vu d’autres et puis ce ne sera pas le premier objet du genre à nous faire le coup. Loser Mc Dude vit chez ses parents, vend des comics dans la boutique tenue par son ami et patron (ne faites pas ça chez vous) célibataire endurci et caractérisé par le fait qu’il soit juif, et rencontre un beau jour Love-Interest#263 avec qui il pratique le sesque (le film tient à nous le rappeler). Tout va bien jusqu’au jour où en rangeant le bordel laissé dans la chambre de son défunt frère il trouve une marionnette à l’apparence lugubre qui lui entaille le poignet avec une lame cachée à la suite d’une fausse manip. Un cas d’école de narration : après avoir planté le décor, les héros, puis la menace, on replante à nouveau le héros. Bref, après avoir trouvé un formidable prétexte pour se rendre dans un lieu où se trouveront des dizaines de marionnettes tueuses, nos protagonistes se retrouvent piégés dans un musée dédié au fameux Puppet Master, gisant dans un petit mausolée dans un coin de jardin. Le musée étant rempli de quinze milliards de bibelots/bouquins/sculptures/drapeaux ornés de croix gammées, je vous laisse imaginer le malaise de l’ami du héros. L’action se met alors extrêmement vite en route sans vraiment avoir besoin d’un élément déclencheur. En temps ordinaire j’aurais dit pourquoi pas, mais là on sent vraiment que les scénaristes voulaient juste en venir au vif du sujet et s’impatientaient tout ce temps de transformer le film en un déluge de sang. Chaque résident de l’hôtel finit à son tour brûlé, sectionné, amputé, découpé, tronçonné dans une succession de séquences montrant chaque marionnette, jusqu’à ce qu’une poignée de survivants se réunissent dans le hall, décident d’établir une stratégie pour éliminer la menace avant de s’enfuir, mettent plus ou moins leur plan à exécution et parviennent plus ou moins vivants jusqu’à la fin du long-métrage en nombre réduit. Classique, vous connaissez la chanson, ne nous attardons pas d’avantage.
Il ressort de tout cela que Puppet Master : The Littlest Reich ne s’intéresse qu’à deux choses, au mépris du reste. Ses scènes d’exécution et donc sa partie gore, puis son délire de Nazis sur le retour selon son personnage juif. Deux aspects qui pourraient suffire si les efforts avaient été répartis sur tous les aspects du film, mais là non. Je m’explique : pour la partie la plus attendue, le massacre de victimes, l’inventivité avec laquelle des meurtres sont écrits (l’une des grosses particularité du genre slasher) et mis en scène, le long-métrage s’y attelle tel un défilé sur les Champs. Tout commence très subitement et très fort, sans crescendo dans la mise en scène, ou alors si, mais il est si grotesque qu’en fait les idées semblent venir d’un petit chapeau ou les scénaristes auraient tiré au hasard « alors là, la poupée avec le lance-flamme brûle le couple juif » et sinon, « l’hélico robot il s’envole dans la salle de bain et il coupe la tête du mec qui pisse, et la tête tombe dans la cuvette et du coup il pisse sur sa tête », « ouais alors y a une femme enceinte dans son lit, vue subjective, le pantin rentre dans sa foufoune et il y découpe le foetus et il ressort par le bide en montrant sa prise à la mère horrifiée ». Comme c’est très explicite, frontal, très envieux de montrer ses litres de faux sang, on assiste juste à une succession d’idées trash qui s’enfilent les unes après les autres.
Ce qu’il faut en retenir, c’est quand même le chouette travail sur les marionnettes et leurs animations qui assume clairement le manque de budget, pour des animatronics fiables, on les aurait préférées dans un bon film du coup. L’autre aspect, c’est celui sur lequel les scénaristes tiennent à nous montrer que si les points Godwin étaient une crypto-monnaie ils pourraient racheter la dette de l’UE avec. Le sidekick juif tient ici la fonction de « vengeur« , il fait de nombreuses références à ses ancêtres, aux horreurs commises par les Nazis, il analyse la situation en disant que cette fois-ci ils ne recommenceraient pas en s’impliquant doublement dans l’action. Scène amusante, lorsque le groupe capture la marionnette « Hitler », il prend un malin plaisir à la calciner au four. Ce sont justement les rares instants où l’espèce de roue-libre ou de mauvais goût des scénaristes se transforme en quelque chose d’assez galvanisant et amusant à suivre. Paradoxalement, ce côté revenge movie dans les productions où les Nazis font office de « méchants de base » est rarement représenté, donc cela attire forcément l’attention ici. Redonner aux Nazis la place horrifique qu’ils ont eue dans notre histoire, en particulier dans celles d’une catégorie de la population, est une chose importante et qui mérite d’être valorisée davantage que les nombreuses fois où ils servent de « monstres rigolos ».
Pour un reboot, Puppet Master : The Littlest Reich (en successeur d’une longue lignée) n’impressionne pas vraiment, ne relève aucun niveau et se complaît dans des standards que même le slasher d’exploitation moyen a su dépasser (en reconnaissant que la série Pupper Master ne s’inscrive pas précisément dans ce genre, mais en représente néanmoins un dérivé). Dommage de se contenter de si peu aujourd’hui.