Tous les dieux du ciel


La première française de Tous les dieux du ciel était sans doute l’une des projections les plus attendues de cette huitième édition du PIFFF. Il s’agit du premier long-métrage du français Quarxx qui oscille entre drame familial, thriller campagnard, fantastique perché, SF schizophrénique et humour malsain. Pour le meilleur, et surtout le pire.

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Ploucs et envahisseurs

Si le nom de Quarxx courait sur les lèvres des festivaliers coutumiers du genre, c’est grâce à l’édition 2017 de l’Étrange Festival qui avait vu la version court-métrage du long dont il est question aujourd’hui, couronnée du Prix du public. Et c’était mérité. Un Ciel bleu presque parfait, de son nom de court, intriguait, osait, brisait les codes à la rencontre de plusieurs genres pour un rendu à la fois malaisant et poétique. En parallèle de ses sélections dans de nombreux festivals internationaux (dont Sundance), Quarxx a pu lancer la production de la version longue, Tous les dieux du ciel. Le résultat n’est malheureusement pas à la hauteur des attentes, pour un film chaotique au possible et aux trop multiples identités.

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C’est ainsi que le recit aurait dû débuter : un frère et une sœur s’amusant au jeu de la roulette russe avec le pistolet de leur père. La petite Estelle prend la charge et finit handicapée/défigurée, laissée pendant vingt ans à la charge de son frère Simon, obsédé par l’arrivée prochaine d’extra-terrestres. Gravitant autour de cette fratrie pour le moins insolite et convaincante, le film multiplie les sous-intrigues et personnages inutiles pour ressembler à une succession de sketchs grotesques aux faux-airs de Bruno Dumont, le pseudo-spiritualisme en plus. On croisera entre autres une gamine hyper-sexualisée voyant des fantômes, des ploucs, un gigolo de passage, des ploucs, des ouvriers en galère, encore et toujours des ploucs. Après une importante première partie décousue teintée d’un humour noir mal géré, Quarxx se concentre davantage sur le cœur de son long-métrage : la relation entre Estelle et Simon. Mais qu’il est difficile de se concentrer sur ce qui aurait pu être poignant, tant on s’interroge sur les différents fils rouges parsemés le long de ce récit hasardeux, dont beaucoup seront laissés pour compte ou sans réelle réponse.

Pourtant, la tension fraternelle que met en scène Quarxx est des plus efficaces, magnifiée par sa mise en scène. L’univers rural apparait glauque au possible, on assiste presque à une sorte de retour en arrière grâce au choix des décors et des accessoires qui confèrent une atmosphère étouffante et maîtrisée. Le tout malheureusement entrecoupé de scénettes spatiales oniriques qui n’ont pas vraiment leur place, et ont provoqué bien des haussements de sourcils dans la salle comble. Le réalisateur aurait bien plus gagné à concentrer sa narration autour de son duo insolite qui avait tout pour séduire. Force est de reconnaître la véritable étoile de ce long-métrage, déjà présente dans sa version courte : la mannequin Mélanie Gaydos, connue pour son physique particulier des suites d’une maladie génétique. L’actrice s’abandonne à la caméra pour une performance forte et symbolique, accompagnée par un Jean-Luc Couchard bien trop âgé pour le rôle mais à l’entrain convaincant. S’ajoute un casting très inégal, du correct au sur-jeu (mention spéciale à l’une des nonnes de la fin qui a fait rire la salle, mais pas pour les bonnes raisons), dont on retiendra que très peu tant les rôles secondaires sont anecdotiques et trop nombreux.

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Lorsque le réalisateur aborde son bébé lors de sa présentation, il évoque l’envie d’explorer un cinéma unique, en se concentrant davantage sur l’histoire que le style. Il n’apprécie pas la catégorisation du « genre », au prétexte de jouer avec les codes de plusieurs univers, de plusieurs tons. En ça réside le second problème de Tous les dieux du ciel, qui reste le cul entre deux chaises sur son ton, ses attentions et son dénouement. Une bonne partie du film doit être interprétée par le spectateur qui, perdu entre la flopée d’informations reçues, aura bien du mal à faire la part des choses. L’objet repose en grande partie sur la schizophrénie de Simon quant aux envahisseurs, et nous vend une intrigue à la « que croire, que voir » qui a l’effet d’un pétard mouillé, en particulier une fois le climax achevé. La fin du récit soulève de nouvelles questions qui ne trouveront pas de réponses, avec une étrange sensation d’élongation non nécessaire à sa narration. À force de vouloir donner dans tous les registres, Quarxx finit par perdre de vue son véritable sujet, et le spectateur par la même. Alors qu’on s’entende, on ne déconseillera pas Tous les dieux du ciel, car il reste une expérience intéressante sur bien des points. Et si le premier long de Quarxx n’a pour l’heure pas encore trouvé de distributeur, et que sa prochaine sortie en salle reste incertaine,  on ne  peut s’empêcher de penser que le réalisateur aurait dû s’en tenir à son excellent court métrage, ô combien plus efficace et réussi que son successeur qui traine en longueur et peine à convaincre.


A propos de Jade Vincent

Jeune sorcière attendant toujours sa lettre de Poudlard, Jade se contente pour le moment de la magie du cinéma. Fan absolue de Jurassic Park, Robin Williams et Sono Sion, elle espère pouvoir un jour apporter sa pierre à l'édifice du septième art en tant que scénariste. Les rumeurs prétendent qu'elle voue un culte non assumé aux found-footages, mais chut... Ses spécialités sont le cinéma japonais et asiatique en général.

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