The Circle


Paraitrait qu’il ne faut pas mettre toute sa vie sur Internet. Au risque de devenir transparent quoi. Mais vraiment transparent de chez transparent, au point qu’un milliard de followers vous regardent vous brosser les dents, commentant le moindre de vos faits et gestes. Les propos de The Circle ont un air de déjà-vu, éventuellement parce que oui, on sait qu’il faut faire gaffe avec Internet, et plus particulièrement les réseaux sociaux. Critique d’une coquille vide où l’on soulève beaucoup de problèmes 2.0 sans jamais rien en faire.

Le Black Mirror du pauvre

Il est avant tout important de noter pour justifier (en quelque sorte) les TRES nombreux défauts scénaristiques de ce film et qu’il s’agit de l’adaptation du roman éponyme écrit par Dave Eggers, paru en 2013, pas vraiment encensé par la critique. Le roman The Circle prend donc le pari de dépeindre un futur « immédiat » (comprenez que ça pourrait se passer de nos jours) dans lequel une entreprise répondant au doux nom du Cercle tente d’imposer une dictature de la transparence. L’objectif ? Mettre en place une communauté internationale connectée H24, au nom du bien commun. Tout comme dans le roman, on suit le parcours de Mae, campée par une Emma Watson fade et inexpressive, qui intègre le campus de la firme. Là vient le premier problème du long-métrage, le personnage de Mae n’est pas développé, au point qu’on ne sait pas vraiment quelle profession elle exerce, ni quelles sont ses qualifications. On comprend qu’elle travaille dans un équivalent des relations clients, où son rôle est de convaincre les gens de mettre une évaluation maximale aux services rendus par la firme. Un problème d’autant plus dérangeant lorsqu’on suit l’histoire à travers le vécu et la vision de la jeune femme, dont le développement est tout simplement incompréhensible. Mae évolue au sein du Cercle, et se heurte à des collègues très insistants, qui feront tout pour l’intégrer pleinement à la firme, jusqu’à connaître le moindre de ses déplacements. En parallèle, le fondateur du Cercle, Eamon Bailey (Tom Hanks en pseudo Steve Jobs) présente sa toute dernière invention, SeeChange, une caméra pas plus grosse qu’une bille, pouvant être dissimulée n’importe où. On en arrive bien vite à l’enjeu principal du film : la fameuse question de la transparence, qui est posée à travers le prisme de la sécurité et de la politique.

The Circle se pose en thriller, sans jamais en emprunter les codes, le rythme ou le ton. Tout, du scénario aux personnages, est construit de manière plate, sans jamais que l’on ait le sentiment d’une quelconque situation dangereuse pour Mae. Celle-ci réalise rapidement que la firme est bien trop intrusive dans la vie privée de ses employés et tente d’ignorer les collègues lui répétant à tue-tête de s’intégrer pleinement à la communauté. On comprend que quelque chose ne va pas, que cette intrusion est bien trop forte, quoi que limitée à l’entreprise, et que Mae est dérangée par son fonctionnement. Elle fait la rencontre de Ty, interprété par un John Boyega insipide (la Force n’est décidément pas avec lui), le créateur d’un réseau social lancé par le Cercle, dont le concept a été volé et dénaturé. Il met Mae en garde contre le Cercle, sans jamais que cette intrigue ou que le personnage ne soient développés. Mae oublie très rapidement Ty, et se prête au jeu du Cercle en acceptant de devenir totalement transparente en portant une SeeChange H24. Un retournement de situation que l’on pourrait prendre comme une infiltration, une manière de mieux cerner le Cercle pour le détruire de l’intérieur, mais il n’en est rien. Mae passe en un éclair de conseillère client à gourou du Cercle, sans que l’on comprenne pourquoi ou même comment. De très nombreuses situations sont exposées tout au long du récit en bons fusils de Tchekhov, sans que le film n’ose tirer la moindre cartouche.

Parlons d’ailleurs de cet aspect sectaire, particulièrement développé. Outre son nom déjà très douteux, le Cercle s’impose comme un univers clôt, fait de béton et de bureaux. Un immense ilot isolé du reste du monde, physiquement en tout cas. Chacun semble à sa place dans un équilibre reposant sur la communauté et l’interaction 2.0, afin de dire ce que chacun fait et aime tout au long de sa journée. Lorsque Mae se montre hésitante à l’idée de s’intégrer à un tel système, le film offre un dialogue des plus gênants où deux pseudo témoins de Jéhovah se prêtent à la convaincre de manière insistante et obsédée. Le film souffre d’un autre problème : le spectateur comprend dès l’arrivée de Mae que le Cercle est malsain, reposant sur la parole sacrée d’un gourou technophile, mais le récit s’évertue à toujours accentuer cet aspect sectaire dans un crescendo totalement prévisible. Un semblant de subtilité aurait été appréciable. Le Cercle est galvanisé par les fréquents discours du PDG, où se mêleraient presque les Amen de fidèles qui sont bien trop à fond dans leur rôle. On a connu mieux comme image de la secte au cinéma.

Qu’en est-il du 2.0 ? Est-il pertinent de réaliser un film avec de tels propos à notre époque ? The Circle a malheureusement l’effet d’un pétard mouillé, bien que soulevant de nombreuses questions auxquelles il ne répond finalement pas. Le long-métrage s’évertue pourtant à mettre en avant les réseaux sociaux dans sa thématique et surtout sa mise en scène, signée James Ponsoldt où smartphones, tablettes, drones et ordinateurs sont omniprésents. On retiendra les nombreux effets hologrammes qui occupent l’écran tandis que Mae devient transparente, pour nous envahir durant presque la moitié du film de commentaires illisibles. Si la thématique du film n’est pas inintéressante, et pourrait nourrir un très bon thriller ou même une dystopie à la Black Mirror, The Circle est à côté de la plaque sur chacun de ses enjeux, et ne parvient pas à être le lanceur d’alerte qu’il devrait être. Ainsi, le film ne se pose pas en moralisateur, une prise de parti bien trop casse-gueule pour un sujet comme la transparence 2.0 qui aurait mérité une critique plus engagée d’un système qui n’est plus si inconnu puisque nous, spectateurs, en connaissons déjà les dangers et les enjeux.


A propos de Jade Vincent

Jeune sorcière attendant toujours sa lettre de Poudlard, Jade se contente pour le moment de la magie du cinéma. Fan absolue de Jurassic Park, Robin Williams et Sono Sion, elle espère pouvoir un jour apporter sa pierre à l'édifice du septième art en tant que scénariste. Les rumeurs prétendent qu'elle voue un culte non assumé aux found-footages, mais chut... Ses spécialités sont le cinéma japonais et asiatique en général.

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