Fais Pas Genre a extirpé de la nouvelle salve western de Sidonis Calysta Les forbans du désert, quasi-inconnu en France édité en DVD par la firme.
Touche pas au grisbi
Il y a de ces cinéastes dont on connaît à peine les noms (ou pas du tout, en l’occurrence) mais qui ont quand même marqué l’histoire du cinéma, plus par les a-cotés que par la qualité intrinsèque de leurs créations. Je ne parle pas d’Ed Wood (si vous le citez, c’est que vous le connaissez et du coup je peux pas le prendre en exemple) mais par exemple, de Fred F. Sears, dont Sidonis Calysta édite Les forbans du désert (1953) en DVD. Cet ancien professeur, devenu dialog-director (en gros script-doctor de dialogues) chez Columbia Pictures puis réalisateur, a une carrière très inégale, dont la très grande majorité des titres en France sont passés à la trappe de la postérité. Deux de ses longs-métrages font toutefois partie de l’histoire du septième art : Rock around the clock (1956) film phare de la jeunesse rock’n’roll des 50’s, et Les soucoupes volantes attaquent (1956) œuvre particulièrement digne de mémoire puisqu’elle est une des premières expériences sérieuses d’un certain Ray Harryhausen. C’est cool, mais c’est vrai que c’est pas très lié aux éventuels talents de Monsieur Sears…Le DVD des Forbans du désert est donc une occasion de ne juger son auteur que par lui-même.
Comme le dit très justement François Guérif dans les bonii sur lesquels nous reviendrons évidemment, ainsi que comme beaucoup de westerns sortis durant l’âge d’or du film noir, le pitch des Forbans… pourrait tout à fait servir de base à une intrigue criminelle/policière. Nous y suivons simplement un groupe de sortis de prisons déterminés à retrouver un butin qu’un de leurs camarades a caché avant qu’ils se fassent choper par les forces de l’ordre. Cette quête les mène à une ville littéralement fantôme, désertée comme l’était souvent certaines villes ayant poussé durant la ruée vers l’or, où ils savent que la thune est cachée. Mais évidemment ils ne savent pas où, et ce n’est pas facilité par l’atmosphère belliqueuse du conflit contre les Apaches défendant leurs terres, ou par le seul vieillard hirsute qui reste à vivre à ville dans la commune fantôme, ou l’Amérindienne que les bandits retiennent en otage, ignorant qu’elle n’est pas Apache mais Navajo et donc qu’elle ne va leur servir à que dalle niveau transaction financière…Si être concis est un avantage certain, Ambush at Tomahawk Gap (titre original encore une fois bien meilleur que notre traduction) fait quand même un peu dans l’excès de zèle, livrant sur une durée réduite (1h13) un scénario un peu trop sec et allant un peu trop droit au but, dont on aimerait voir les personnages un peu plus développés et complexifiés.
Cela dit, le film dispose d’éléments assez étonnants, comme les séquences de démontage de la ville, littéralement (le groupe désosse carrément les habitations désertes), celle entre la Navajo et un des bandits qui sent le souffre avec une tension sexuelle animale mais qui ne tombe ni dans le viol ni dans un quelconque acte sexuel. C’est surtout les dernières métrages du long-métrage qui éclairent Les Forbans du désert dans son intégralité et compense la relative sécheresse regrettée plus haut : par divers sacrifices et combats avec l’énergie du désespoir face aux Apaches les attaquant dans un assaut final, la troupe de malfrats apparaît comme un ancêtre de celle de La Horde sauvage (Sam Peckinpah, 1969), vivant sur des méfaits et trouvant en fin de parcours une raison, violente et sacrificielle, de mourir. L’ultime plan ironique, cousin des conclusions du Trésor de la Sierra Madre ou encore de L’ultime Razzia concoure à laisser le spectateur plus agréablement surpris des derniers instants du film.
Bertrand Tavernier absent cette fois-ci, ce sont les autres habitués François Guérif et Patrick Brion qui présentent le film de Fred F. Sears, tous deux en s’attardant à juste titre sur la carrière du cinéaste, avec anecdotes et retours subjectifs mais toujours interessants pour ces deux bonshommes. La galerie photo est le troisième bonus d’une édition à la qualité techniquement irréprochable pour un si « petit » film, comme toujours chez Sidonis.