Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire – Saison 1


Look away, look away… C’est sur ces funestes paroles que s’ouvrent Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire, nouveau poulain de l’écurie Netflix, première nouveauté de cette année 2017. Dans une époque pas si éloignée de la nôtre, Violette, Klaus et Prunille perdent leurs parents dans un incendie dévastateur qui ne leur laisse rien, hormis un patrimoine bancaire attisant bien des convoitises. Ils se retrouveront confrontés au Comte Olaf – non, pas celui de cette chieuse de Reine des neiges – acteur véreux obsédé par ledit héritage, et au mystère de la disparition de leurs parents lié à une association secrète : VDC.

Don’t look away !

Pour certains, Les Orphelins Baudelaire est un film ni bon, ni mauvais de Brad Silberling (2004), mais pour d’autres – et je fais partie de cette catégorie – les aventures malheureuses de Violette, Klaus et Prunille face au Comte Olaf sont une référence même en matière de littérature jeunesse. Humour noir, ambiance gothique entre deux âges, personnages et univers incroyables, références littéraires multiples, le tout sublimé par l’illustrateur Brett Helquist : la saga des orphelins est mon incontournable que je ne me lasserai jamais de lire. Autant vous dire que j’ai sorti la fourche et la torche en apprenant sa première adaptation sur le grand écran, à raison. Si l’ambiance générale était plutôt bien respectée, l’histoire se voyait relayée au second plan par Jim Carrey et son interprétation plutôt excessive du Comte Olaf, ne laissant pas auxdits héros la place qu’ils méritaient. En même temps, condenser trois livres en 1h30, c’est compliqué, beaucoup d’éléments scénaristiques s’en voient écartés, d’autres ajoutés pour un foutoir final pas possible. Le film n’aura finalement jamais eu de suite, et c’est pas plus mal. Début 2016, la nouvelle tombe : Netflix produit une nouvelle adaptation sérielle des Orphelins Baudelaire. Et cette série vaut à elle toute seule un Oscar de la meilleure adaptation.

Le cinéma pullule d’adaptations de chefs-d’œuvre (ou pas) littéraires. Il ne passe pas un mois sans que l’intitulé « d’après le super-géant-trop-bien bestseller de Machin » n’envahisse les affiches d’une quelconque production. Le monde de la série n’échappe pas à la frénésie des adaptations, entre polars, chick-lit et comics. La question reste pourtant entière : qu’est-ce qui fait une bonne adaptation ? On entend souvent « oh je préfère les livres », alors pourquoi se tuer à dépenser des millions pour un produit final qui n’égalera sans doute pas l’œuvre initiale ? Certains prennent le pari de se concentrer sur les principaux axes d’une saga trop longue – les Harry Potter en sont bien la preuve – d’autres s’inspireront de l’univers d’un bouquin de manière médiocre – le nullissime Septième fils de Sergueï Bodrov (2015) – et quelques artistes bien plus fous tenteront de restituer au poil de cul près l’ambiance, les personnages et l’histoire comme l’a fait Peter Jackson avec la trilogie Le Seigneur des anneaux (2001-2003). Le format série s’adapte bien davantage à l’adaptation d’une saga, ayant comme principal atout la décomposition temporelle de l’histoire en plusieurs épisodes, plusieurs saisons. Un atout qui se révèle finalement à double–tranchant, pouvant rendre une histoire bien trop longue et sans grand intérêt : celui qui dit qu’il ne s’est jamais emmerdé devant The Walking Dead est un menteur. Les Orphelins Baudelaire ont cette particularité d’être découpés en 13 volumes bien souvent répétitifs – mais non moins jouissifs – qui incluent un univers très graphique, un ton noir mais pas trop, des événements violents et des personnages hauts en couleur, le tout pour un public jeunesse. Un pari très audacieux qu’ont relevé à la perfection Barry Sonnenfeld, à qui le septième art doit beaucoup, et Mark Hudis, inconnu au bataillon mais réalisateur de quelques épisodes de True Blood.

Oui, perfection. Certain trouveront ce terme exagéré pour désigner la série, mais rarement on aura vu une adaptation aussi réussie. Le pilote s’ouvre sur un générique chanté, nous résumant la triste histoire des orphelins sur fond de complot secret. La série révèle au bout de quelques minutes l’un de ses principaux atouts : Lemony Snicket. Pour ceux qui ne le connaissent pas déjà, il s’agit de l’auteur des livres ayant la lourde tâche de nous rapporter les événements, personnages fictif imaginé par l’écrivain Daniel Handler. Interprété par un Patrick Warburton tout en élégance et finesse, Snicket nous conte durant 10 épisodes la tragique épopée des orphelins dans le moindre détail, plus ou moins macabre. Alors que le film se contentait d’un intro/outro avec un Jude Law noyé dans le brouillard et la fumée de cigarette, la série franchit un cap en faisant de l’auteur même de l’histoire un personnage à part entière, mort ou non, la réponse ne nous est pas donnée. Second point gagnant (et pas des moindres) : Neil Patrick Harris en Comte Olaf, hilarant dans toutes ses métamorphoses. Il était impensable que la série puisse se planter sur le choix de l’acteur, au risque de voir toute son histoire s’écrouler lamentablement. Le principe même des Orphelins Baudelaire repose sur le schéma suivant : les enfants sont accueillis par un tuteur qui finit tué par le Comte Olaf déguisé mais démasqué à la fin du segment. Un schéma donc répétitif dynamité par la prestation d’Harris, qui s’éclate à nous faire découvrir les versions tordues de ses identités délirantes : mention spéciale à l’hilarant Stephano du segment Le Laboratoire aux serpents (S01EP03/S01EP04) Le reste du casting est brillant, des enfants Baudelaire adorables et intelligents aux tuteurs farfelus, sans oublier les acteurs singuliers qui constituent la troupe du Comte ou encore les seconds rôles menés avec brio, en particulier K. Todd Freeman dans le rôle du banquier Arthur Poe. La série ajoute une corde à son arc en s’appropriant l’univers si noir et gothique de la saga littéraire, d’ailleurs déjà bien retranscrit dans l’adaptation de 2004. Dans cette version, pas question de se contenter de la grisaille, la pluie et l’obscurité pourtant si propre aux livres. On préférera jouer avec des tableaux et maquettes colorées, qu’on penserait tout droit sortis d’un film de Wes Anderson, pour un rendu multicolore riche et rétro.

Et là vous me direz sans doute « ok les persos sont respectés, les acteurs sont bons et c’est joli à voir, mais pourquoi LA perfection ? » Parce que la série respecte impeccablement le matériel de base en l’APPROFONDISSANT. J’insiste sur ce terme, car pour moi il est plus qu’important. Je ne fais pas partie de ces gens qui regardent un film/série juste pour voir les personnages qu’ils adorent prendre vie et les décors s’animer sous leurs yeux ébahis. Non, une adaptation doit offrir quelque chose en plus, sinon autant lire le bouquin et en rester là. La plus-value apportée par la série est extraordinaire, et offre de véritables éléments de réponses là où les livres ne laissaient que des trainées d’indices qui n’ont jamais fait suite, en particulier sur le mystère VDC. De nouveaux axes narratifs sont créés pour des situations et twists jouissifs, tout est écrit pour que le simple spectateur ou lecteur assidu ne s’ennuie pas devant le schéma répétitif de la saga. La série est d’ailleurs bien découpée, offrant 2 épisodes à chaque livre, pour un total de 4 livres en une saison. L’adaptation frappe fort en diversifiant son casting, là où le film de Silberling n’offrait que des acteurs bankables et blancs, et va même jusqu’à mettre des visages à des personnages que les livres ne faisaient qu’évoquer. Enfin, la musique apporte humour et émotion à cette saga se clôturant sur une chanson des plus réussies, très touchante et cruelle, qui ne peut que nous faire regretter d’avoir à attendre une année pour découvrir la suite. En bref, une adaptation brillante, parfaitement scénarisée et jouée, un univers à la fois noir et coloré, des chansons chouettes, et un narrateur qui déchire. Sérieusement, il vous faut quoi de plus pour vous ruer sur cette petite pépite ? Promis, vous n’en ressortirez pas déprimé, à condition que vous n’éteignez pas votre télé/ordinateur !


A propos de Jade Vincent

Jeune sorcière attendant toujours sa lettre de Poudlard, Jade se contente pour le moment de la magie du cinéma. Fan absolue de Jurassic Park, Robin Williams et Sono Sion, elle espère pouvoir un jour apporter sa pierre à l'édifice du septième art en tant que scénariste. Les rumeurs prétendent qu'elle voue un culte non assumé aux found-footages, mais chut... Ses spécialités sont le cinéma japonais et asiatique en général.

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