Artus Films continue son travail de réhabilitation du western européen avec Belle Starr Story, très librement inspiré de l’histoire de la célèbre hors-la-loi qui fit trembler le Far West.
Girl Power
Belle Starr Story est une véritable curiosité du western européen. Sorti en 1968, lorsque le genre est à son apogée – quelques mois après ce film sortent, quasiment coup sur coup, Saludos Hombre (Sergio Sollima), Les Quatre de l’Ave Maria (Giuseppe Colizzi), Le Grand Silence (Sergio Corbucci), et Il était une fois dans l’Ouest (Sergio Leone) –, Belle Starr Story reste néanmoins un film rare à l’histoire mouvementée. Tourné un an plus tôt en Yougoslavie, le film, écrit par un certain Piero Cristofani et Lina Wertmüller, qui était déjà une solide réalisatrice mais qui n’a alors pas encore le statut de grande réalisatrice engagée qu’elle obtiendra avec ses films suivants, est réalisé au départ par Cristofani qui est rapidement évincé de son poste de metteur en scène. Si les raisons de son éviction sont peu claires, tout comme le nom de la personne qui a pris son poste par la suite, on sait aujourd’hui que c’est bien Lina Wertmüller elle-même qui a réalisé Belle Starr Story, faisant ainsi du film l’un des rares westerns spaghetti dont le protagoniste est une femme et surtout le seul réalisé par une femme, qui se cache derrière deux pseudonymes, celui de Nathan Wich à la réalisation et de George Brown au scénario.
Le personnage complexe et curieux qu’était Belle Starr, légende de l’Ouest et proche amie des frères James, est presque totalement réinventé dans cette bizarrerie bis : on découvre la belle plante (qui en réalité n’était ni une plante, ni belle) dans la première séquence du film assise à une table de poker, occupée à plumer tous les malfrats crades et mal rasés. Quand Larry Blackie (George Eastman) se pointe à la table pour se mesurer à la terreur, Belle Starr (Elsa Martinelli) perd. C’est le début d’une tumultueuse et parfois violente histoire d’amour/haine que vont vivre les deux gangsters, alors qu’ils s’embarquent ensemble dans plusieurs braquages.
Belle Starr Story est sans aucun doute l’une des plus grandes – quoique très obscure – curiosités du western italien : tourné en Yougoslavie alors que la grande majorité de ces productions étaient réalisées en Italie et en Espagne, il est l’un des seuls films du genre à mettre en scène des collines verdoyantes, des prairies, des lacs et des rivières plutôt que des villages poussiéreux, des déserts et un soleil écrasant. Le film est, dans un sens, plus proche du western de série B américain des années 1940-1950, voire même de la bande dessinée périodique italienne, les fumetti. Son scénario cousu de fil blanc n’empêche pas le film de passer du (faux) biopic à la comédie romantique, au plus pur western, et ainsi de suite tout le long du film, résultant en un étrange produit qui ne sait plus quel spectacle offrir, qui ne sait plus où se positionner. Si Belle Starr Story est aussi foutraque, avec ses flashbacks omniprésents et ses différentes histoires enchevêtrées les unes sur les autres, c’est probablement en partie à cause d’une production houleuse du début à la fin, sans que cela ne desserve particulièrement le charme du film.
Lina Wertmüller, pourtant, parvient à imposer cette Belle Star sublimée en rousse magnifique pleine de candeur, de détermination et de taches de rousseur comme une figure féministe au milieu d’un monde où la femme est inexistante et bafouée, en se faisant elle-même égale aux hommes. Malgré cela, le film peine à dépasser le stade de divertissement de série B, en grande partie à cause d’une réalisation trop maladroite et d’un traitement tout juste passable des personnages secondaires, celui de Larry Blackie en prime, qui n’arrache pas le moindre geste de sympathie de la part du spectateur du début à la fin. On se régalera toutefois de l’interprétation de Luigi Montefiori, pilier du western spaghetti qui a abandonné son nom pour le pseudonyme de George Eastman, sous lequel il est plus connu, et, bien sûr, de celle d’Elsa Martinelli, dont la grâce presque masculine, la beauté et l’impertinence portent à elles seules tout le film.
Disponible depuis le 5 avril 2016 chez Artus Films, Belle Starr Story vient embellir la collection Western Européen, déjà bien fournie en petits chefs-d’œuvre oubliés. L’image et ses superbes couleurs ainsi que le son sont impeccables, et le film est disponible dans sa version italienne et française. Côté bonus, on retrouve les habituelles bandes-annonces de la collection Western Européen, les photos et affiches, et, bien sûr, un passionnant retour sur la genèse et la production du film par Alain Petit, dans une interview de trente minutes intitulée Mon corps pour un poker, traduction littérale du titre original italien.