Birth of the Living Dead


Quarante-cinq ans après sa sortie, La nuit des morts vivants continue à faire couler beaucoup d’encre. En inventant presque de toutes pièces le mythe du zombie actuel, George Romero a donné naissance à un phénomène qui, ces dernières années surtout, ne cesse de s’intensifier et de se propager à travers le monde, exactement comme… une contamination ! Et puis cette année, comme il fallait bien que ça arrive, le documentariste Rob Kuhns se penche sur la question en se focalisant sur un film et son époque, dans un docu de 75 minutes qui relate tous les coulisses de l’un des plus grandes œuvres horrifiques de l’histoire.

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Zombieland

L’invasion zombie a touché le monde entier depuis quelques années, nous avons déjà mentionné ce phénomène au cours de précédents articles ; et si le succès de la série The Walking Dead y est pour beaucoup dans la cote de popularité de plus en plus croissante des créatures d’outre-tombe, il va sans dire que, sans Romero et sa saga, rien de tout cela n’aurait pu avoir lieu. Le vrai papa des zombies, c’est lui. En 1967, alors qu’il n’est encore âgé que de 27 ans, George A. Romero avait passé plusieurs années à réaliser principalement des publicités grâce à sa société de production, The Latent Image, qu’il fonda à 21 ans avec deux amis, John Russo et Russell Streiner. Il réalisa également, pour une télévision locale, deux épisodes pour la série Mister Rogers’ Neighborhood, dont l’un, Mister Rogers gets a tonsillectomy, que Romero lui-même qualifie de « film le plus flippant [que j’aie] jamais réalisé ». Leur but, avec The Latent Image, était de récolter assez d’argent pour pouvoir faire un long métrage, et c’est donc en 1967, avec cent-quatorze mille dollars et après avoir fondé la société de production Image Ten, que Romero et sa bande se lancent dans l’aventure Labirthofthedead2 nuit des morts vivants, qui sortira le 1er octobre de l’année suivante aux Etats-Unis.

Depuis un certain temps, le regain d’intérêt pour le cinéma de série B au point de vouloir produire des documentaires sur le sujet n’est pas négligeable : récemment, des films comme American Grindhouse (Elijah Drenner, 2010), Midnight Movies (Stuart Samuels, 2005) ou Corman’s World (Alex Stapleton, 2011) renouent avec une tradition du cinéma de genre à l’ancienne, dans laquelle on ne cherche pas nécessairement à magnifier ou glorifier les films ou les cinéastes en question, mais plutôt à tenter d’expliquer un succès inattendu et soudain pour des films qui n’avaient pas vocation à devenir des œuvres adulées partout à travers le monde trente, quarante ou cinquante ans après. Comme ses prédécesseurs, Birth of the Living Dead raconte le film du point de vue des coulisses et, de fait, est un véritable making of foisonnant d’informations et d’anecdotes intéressantes et amusantes. De film culte à œuvre sacrée, il n’y a qu’un pas, que le chef-d’œuvre de Romero a franchi depuis un petit bout de temps déjà, et il est on ne peut plus délectable d’entendre son histoire racontée par le principal intéressé ; le fait est que George Romero a un vrai don pour le storytelling, et il apparaît rayonnant, du haut de ses 70 ans passés – il en a 73 aujourd’hui, mais les prises de vue pour le documentaire ont été faites entre la fin des années 2000 et 2011 – en train de raconter telle ou telle anecdote sur un figurant zombie, sur l’une de ses productions antérieures à 1968 ou encore sur son expérience de réalisateur sur un premier long. Toujours le sourire aux lèvres, sa bonne humeur est communicative, surtout lorsqu’il rit aux éclats.

Kuhns fait également intervenir dans son film des critiques, des documentaristes et même la productrice Gale Anne Hurd (la sagabirthofthedead3 Terminator, Abyss, et, bien sûr, The Walking Dead) qui, en plus de parler de leur propre expérience face au film, n’hésitent pas à interpréter l’œuvre à leur façon. On ne trouve aucune trace des personnes que l’on pourrait s’attendre à voir dans un documentaire de ce genre, comme Tom Savini, Judith O’Dea, Russell Streiner, Ken Foree et autres figures romeroesques : c’est donc clairement un parti pris de la part du documentariste, qui semble bien avoir retenu la leçon du « si tu veux expliquer une œuvre, n’écoute pas ce que te disent ceux qui l’ont faite ». Et en effet, les interventions de Romero dans le film apparaissent à titre purement descriptif, alors que les autres participants entretiennent un discours explicatif et interprétatif, notamment sur le contexte politique et social, la ségrégation encore largement répandue dans le sud, la métaphore de la guerre du Vietnam, la répercussion du film sur les esprits (critiques et publics) de l’époque… Toutes ces interventions apportent un regard plutôt surprenant et loin d’être inintéressant sur cette œuvre. Indépendamment de la volonté du réalisateur, le documentaire manque cruellement d’images d’archives datant de la période de production du film, pour la bonne et simple raison qu’il n’en existe pas, ou alors très peu. Et pourtant, Rob Kuhns pallie cette absence de manière originale et intelligente en créant ses propres images d’archives à travers des séquences animées signées Gary Pullin, un amusant compromis.

Une heure et quart, c’est pas mal, mais en même temps un peu short pour parler d’un film si riche sous l’angle original abordé par le documentariste. Et le point faible du film, malheureusement, c’est sa fin : plus on en approche, plus on se réalise qu’il reste encore mille choses à raconter. La preuve, Birth of the Living Dead se termine sur l’énonciation d’une liste de films, plus ou moins birthofthedead4surprenants, postérieurs à La nuit des morts vivants et qui se rejoignent sur les thèmes principaux (en vrac, Mondwest, Le Parrain ou encore French Connection) : ce rapprochement, parfois évident, parfois moins, méritait un développement d’au moins cinq ou dix minutes, mais le sujet n’est que survolé. De même, on se limite à mentionner l’impact du film aujourd’hui, à travers une zombie class menée par un professeur du Bronx pour des enfants de moins de dix ans ainsi qu’à travers un extrait de The Walking Dead et une zombie walk post-générique, à laquelle assistait le tout premier zombie de la filmographie de Romero, celui qui mordait Jonny dans le cimetière. Aucun doute que d’autres documentaires se pencheront sur le sujet dans les années à venir, mais ce Birth of the Living Dead, tout en développant l’affection de l’auteur du film et des intervenants pour Romero, brosse un portrait original et, somme toute, assez rempli du film et de son Histoire. Avec un grand H.


A propos de Valentin Maniglia

Amoureux du bis qui tâche, du gore qui fâche, de James Bond et des comédies musicales et romantiques. Parle 8 langues mortes. A bu le sang du Christ dans la Coupe de Feu. Idoles : Nicolas Cage, Jason Statham et Michel Delpech. Ennemis jurés : Luc Besson, Christophe Honoré et Sofia Coppola.

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