Depuis quelques années, il en devient une mode de faire dévier l’horreur et l’épouvante vers le tortur porn de bas étage, si Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato en était les prémices, aujourd’hui, plus d’un film gore sur deux fait partie de cette nouvelle catégorie, de Hostel à la saga Saw, en passant récemment par des électrochocs planétaires comme le français Martyrs ou le serbe A Serbian Film. Alors, qu’est ce que ce petit film venu de Hollande, The Human Centipede, a de plus que les autres ? Quid d’une déviance du gore moderne, où le spectateur devient voyeur et complice.
L’Ere du Torture Porn
Je sais, j’ai un peu de retard. J’étais complètement passé à côté de ce phénomène de foire, The Human Centipede, qui défraie la chronique depuis son passage au Marché du Film 2010 de Cannes, malgré que le “succès” de l’électrochoc A Serbian Film lui avait fait un peu d’ombre. En fait, c’est l’excellent épisode de South Park, pamphlet anti Apple, bien nommé The HumancentIpad – que je vous conseille de voir – qui m’a amené à finalement jeter un œil à cette étrange légende qui entoure ce petit film hollandais. Le réalisateur, Tom Six – qui s’est déjà fait un petit nom dans le cinéma underground et crade de l’autre côté du Rhin – voulait avec The Human Centipede s’intéresser aux expériences menées sur l’humain par l’humain, et de fait, aux déviances de la science, s’inspirant des expériences des “médecins de la mort” nazis durant la seconde guerre mondiale. Aussi, il n’est pas étonnant d’avoir comme personnage principale, un archétype du médecin allemand démoniaque, avec une bonne tête de nazi à la retraite, comme un cousin européen du vétérinaire de Braindead de Peter Jackson. Interprété par Dieter Laser, un acteur très employé en Allemagne – pour sa “gueule” particulière, qui le fait ressembler au petit frère de Howard Vernon ou au petit neveu de Michael Berryman – le personnage du méchant docteur Nazi, le Dr. Heiter, a un sombre projet. Alors qu’il est reconnu par la profession comme le premier scientifique a avoir réussi à séparer des siamois, il souhaite désormais faire l’inverse, créer un être à plusieurs êtres, en appliquant le projet fou de relier trois personnes par le colon. Besoin d’un schéma ? Prenez l’anus d’une première personne, collez le à la bouche de la seconde – après lui avoir ôter mâchoire et dents – cette même seconde personne à aussi le rectum collé à la bouche d’une tierce personne, qui sert de “queue”. Le colon est démultiplié, les tissus collés les uns avec les autres, et vous avez un beau mille patte humain.
L’histoire commence avec deux jeunes américaines en vacances en Europe, classique. Encore plus classique, elles tombent en panne de voiture en pleine forêt. Classique d’avantage, elles n’ont plus de batterie et de réseau à leurs téléphones. Et encore plus classique (encore plus) il se met à pleuvoir. Et comme les américaines, c’est connu, ça craint l’eau – c’est sûrement des Californiennes – elles courent en pleurant pour se réfugier dans la première maison du coin. Manque de bol, c’est celle de notre cher Dr. Heiter, qui est content, parce qu’il cherchait justement deux petites meufs pour faire un mille patte humain. A partir de là, on assiste à des scènes de tortur porn tout ce qu’il y’a de plus : classique. Les victimes enchaînées, face à leur bourreau, et nous devant ce spectacle, devons nous délecter, se réjouir, de voir deux pauvres filles se faire relier au trou du cul d’un japonais.
Les codes sont appliqués à la lettre, le réalisateur s’amuse à nous faire prendre partie des victimes, pour finalement nous montrer des essais d’héroïsme ratés, que le bourreau punis de la plus terrible des manières : “Tu seras au milieu”. La malice est là, le réalisateur s’amuse avec les codes du tortur porn et force ses spectateurs à s’apparenter au bourreau, tout du moins, en les plaçant dans un rôle de voyeur, parfois dérangeant tant les situations montrées sont déroutantes et parfois dégueulasses. Dégueulasses dans l’idée, mais pas plus choquantes qu’une grosse cuillerée de merde qui descend dans un gosier dans le Salò de Pasolini. Un pétard mouillé. Voilà ce qu’est finalement The Human Centipede, dont l’histoire inspirée des versants les plus horribles de la science mais aussi de l’histoire de l’humanité, utilise cette inspiration à peine assumée, pour livrer un énième film de torture dont le spectateur devrait, apparemment, se délecter. Si les ambiances, glaçantes et malsaines, sont plutôt convaincantes, c’est la manière dont les choses sont montrées et la manière dont le metteur en scène place son spectateur dans l’échiquier, qui me dérange : “Complices, réjouissez vous de voir trois êtres humains sous les scalpels d’un malade qui espère peut être devenir ce Dieu qui pourrait recréer la vie. Réjouissez vous de voir une merde transiter du cul d’un japonais à la bouche d’une pauvre demoiselle… seins nus, la demoiselle, s’il vous plait !”
Alors qu’en penser ? The Human Centipede est-il un film vraiment choc, ou un pétard mouillé dont les intentions du réalisateur de flirter avec le tortur porn sont vaines ? On imaginerait bien ce synopsis réalisé par un metteur en scène doué, David Cronenberg en aurait probablement tiré un chef d’œuvre. Nous ne sommes pas loin de Frankenstein, et pourtant le film n’aborde rien d’autre que la torture faite aux êtres, sous prétexte d’une pseudo intrigue s’intéressant aux délires créationnistes du scientifique. Au final, Human Centipede est peut être plus proche des films de nazisploitation, comme un lointain cousin contemporain de Ilsa la Louve des SS de Don Edmonds, mais ne vous affolez pas, il n’y a rien dans le film de Tom Six qui pourrait faire de lui, le film choc dont tout le monde parle. Verdict. Un pétard mouillé.
Pingback: On croyait les reconnaître à l'uniforme | Fais pas genre !
Pingback: On croyait les reconnaître à l'uniforme | Fais pas genre ! : Webzine sur le Cinéma de Genre
Pingback: Hi8 Resurrectio | Fais pas genre ! : Webzine sur le Cinéma de Genre