Petite séance de rattrapage sur Fais Pas Genre avec cet article sur Follow (Victoire d’Aboville, Sophie Dab & Florian Spitzer, 2023), mini-série sortie il y a tout juste un an, toujours disponible sur le replay de France Télévision. Un programme qui ne fait pas dans la dentelle, portant un regard parfois archaïque sur les technologies mais pas dénué de qualités…
Chacun cherche sa chatroom
Pour changer l’image un peu austère de la préfecture de Paris, Léna, une jeune alternante, est recrutée au service communication afin de gérer les réseaux sociaux de l’institution. Pendant ce temps, un serial killer agit dans les rues de Paris en droguant mortellement ses victimes et en leur sectionnant un pouce et en filant à l’anglaise avec les smartphones de celles-ci sous le bras. Le tueur en série prend soin de jouer avec la police et Léna, spécialiste ès communication, remarque quelques petits détails à propos des meurtres. Elle est donc conviée à l’enquête, mais l’assassin décide de s’amuser avec elle aussi… Un postulat de départ qui fait figure de belle promesse pour un petit spectacle sans prétention à binge-watcher. Un whodunnit comme on les aime et un jeu du chat et la souris dans les rues de Paris, ça ne se refuse pas ! Il faut reconnaître que la série rentre directement dans le bain avec un premier épisode rempli comme un œuf où une dizaine de personnages nous sont présentés. Et les épisodes s’enchaînent assez bien pour que l’on ait directement envie de lancer le suivant.
Cela suffit-il à faire de Follow une bonne série ? Non. Car elle multiplie les petites scories qui l’empêchent de jouer dans la cour des grands. En premier lieu une représentation de la police, à l’américaine qui jure parfaitement avec l’image que nous, citoyens français, avons de l’institution. Manteaux de cuir, répliques censées tuer on se croirait devant la subtilité d’Olivier Marchal tant l’authenticité a foutu le camp. Ce parti pris regrettable est décuplé par une interprétation pour le moins aléatoire où pour une Marie Colomb très convaincante dans le rôle de Léna, traversée par tout un éventail d’émotions, on doit se farcir une tripotée de comédien.nes en surjeu total. Surtout ce qui pose problème, c’est la représentation des réseaux sociaux. L’application Life de la série, admise comme une combinaison de Facebook, Instagram et AdopteUnMec.com, n’est pas réaliste pour un sou et on sent là le travail de scénaristes un poil dépassés sur le plan générationnel. Ainsi les réseaux sociaux sont représentés comme une synthèse de tout ce qui va mal dans le monde. Si ce n’est pas tout à fait faux, les raccourcis sont légion et les ficelles très épaisses pour faire la leçon aux spectateurs.
C’est d’autant plus regrettable que le mobile du tueur est explicitement lié à une dérive des réseaux sociaux. Les conditions sont donc nombreuses pour suspendre notre crédibilité assez haut et faire de Follow autre chose qu’un petit plaisir coupable. Pour peu que ça marche, le visionnage réserve quelques petites qualités. Ce qui saute aux yeux d’emblée, c’est la qualité de la réalisation de Louis Farge, à qui l’on doit celle de Culte (Matthieu Rumani & Nicolas Slomka, 2024), une autre série avec Marie Colomb – dans le rôle de Loana de Loft Story. Le réalisateur alterne les moments de suspens à ceux d’action en s’autorisant des moments de répit – souvent par le biais de l’humour, avec les collègues loosers du service communication – avec la même réussite. C’est sombre, racé, percutant et cela permet de passer sur les aspects moins glorieux de la série. De même, Marie Collomb, on le répète, emporte tout sur son passage. De toutes les scènes, de tous les plans, celle qui avait été révélée par As Bestas (Rodrigo Sorogoyen, 2022) incarne parfaitement les émotions diverses de Léna grâce à un jeu singulier.
En définitive, Follow se regarde avec un appétit certain. Comme pour un livre de Michael Connely ou d’Elizabeth George, on ne peut s’empêcher de tourner les pages d’un suspens au cordeau, bien aidé, dans le cas présent, par la mise en scène. On aurait aimé plus de subtilité et un regard moins boomer, pour le dire simplement, sur des technologies que les auteurs ne maîtrisent visiblement pas. Qu’importe, le plaisir – pas seulement coupable ! – prend le dessus et on se surprendrait même à souhaiter retrouver le personnage de Léna dans d’autres mésaventures mêlant réel et virtuel.