Le Poids de l’Eau


Au tournant du millénaire et de sa filmographie, Kathryn Bigelow propose un thriller historique mêlant les événements d’un double meurtre au XIXe sièce avec l’enquête effectuée par une photographe à notre époque. Edité en Blu-Ray par Studio Canal, retour sur Le Poids de l’Eau (2000).

Près d'une maison au bord de la mer, une femme vêtue comme un paysanne d'un ancien temps porte sur ses épaules deux seaux dans le film Le Poids de l'Eau.

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L’Informe de l’Eau

Kathryn Bigelow dans les années 90, avant son Oscar pour Démineurs (2009), avant les chocs Zero Dark Thirty (2012) et Detroit (2017), est déjà au top de sa forme. Inutile de revenir sur le cultissime Point Break (1991) et son surfeur cambrioleur Patrick Swayze, qui marque encore aujourd’hui la culture populaire ne serait-ce qu’avec les références appuyées des, eux aussi cultissimes, Hot Fuzz (Edgar Wright, 2007) et Brice de Nice (James Huth, 2005). Mais Bigelow dans les 90’s c’est aussi Strange Days (1997). Si ce dernier est nettement moins célèbre, il gagnerait à être bien plus connu. Anticipation sobre et sombre, Strange Days est plus visionnaire qu’il n’y parait sur bon nombre de tendances sociétales des années 2000. Après quelques incursions à la réalisation de séries TV, il faut ensuite attendre l’an 2000 pour retrouver la réalisatrice au cinéma. Ce retour ce sera Le Poids de l’Eau, réédité ce mois en Blu-ray par Studio Canal.

Au premier plan, Sean Penn pensif, en rapproché-épaule, vu de profil ; au second plan, flou, une jeune femme le regarde ; plan du film Le Poids de l'Eau.

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Le Poids de l’Eau c’est deux histoires pour le prix d’une. C’est, par ordre chronologique, d’abord un fait divers policier sur les côtes de la Nouvelle Angleterre au XIXe siècle, double homicide brutal dans une communauté récemment émigrée aux Etats-Unis, et pour lequel un homme a été condamné à mort et pendu. C’est aussi, dans le même temps le récit d’une photo-reporter, Jean, qui avec son mari embarque sur le bateau de son beau-frère et de sa nouvelle compagne pour aller enquêter et photographier les lieux près d’un siècle et demi plus tard. Allant et venant entre passé et présent, le film essaye pendant près de deux heures de tisser des liens, des ponts, esthétiques ou thématiques, entre ces deux timelines. C’est aussi l’occasion pour Bigelow de manier en un long-métrage différents genres, entre film d’époque d’un côté et thriller psycho-érotique de l’autre.

Malheureusement, si tout cela dénote définitivement d’une grande ambition de Kathryn Bigelow, on ne peut pas cacher une certaine déception à la vision du film aujourd’hui. Les deux intrigues racontées par alternance semblent ainsi l’une comme l’autre trop souvent bancales. C’est notamment le cas pour les mésaventures de Jean et de son petit groupe d’amis partis enquêter sur leur voilier… Empruntant souvent aux codes du thriller érotique, genre florissant des années 90 qui viennent alors de s’achever – et qui a accouché d’œuvres cultes comme Basic Instinct (Paul Verhoeven, 1992), mais également de gigantesques flops tel Jade (William Friedkin, 1995) – cette sous-intrigue peine à révéler un quelconque intérêt tant, malgré les regards cachés « pleins de sens » et l’éveil de nouveaux désirs dans ce club des quatre en pleine enquête Cold Case, se révèle, avant les toutes dernières minutes, Blu-Ray du film Le Poids de l'Eau édité par Studio Canal.assez vide. Si l’intrigue historique s’en sort un peu mieux, elle est toutefois constamment parasitée par les aller-retours avec l’intrigue contemporaine. Les moments de transition, censés tisser un lien entre les deux timelines interrompent bien plus souvent abruptement l’un ou l’autre récit, sans réellement parvenir à les harmoniser ou à créer des échos. Reste alors une série de personnage, d’un coté comme de l’autre de la frise chronologique, qui peinent au bout du compte à exister et à émouvoir. Personne ne ressort grandi de cette double intrigue. Le couple Catherine McCormack/Sean Penn n’est pas exempt de ce phénomène tant le semblant de tension censé s’installer entre eux relève en vérité plus de légers soubresauts passif-agressifs plutôt que d’un réel déchirement amoureux… Difficile, somme toute de s’intéresser aux sorts de ces personnages si peu intéressants ou attachants, quand bien même incarnées par des acteurs cultes. Les regards en biais, les désirs inavoués, le poids du secret liant l’ensemble du long métrage, ne suffisent pas. Reste au Poids de l’Eau une certaine beauté froide – avec une photographie assez typique de la fin 90 début 2000 – à laquelle cette nouvelle copie Blu-Ray rend justice. On regrettera cependant dans ce même disque l’absence de suppléments ou de making-of. Il demeure, qu’à moins d’être un fan inconditionnel de Kathryn Bigelow, on conseillera plus volontiers ses travaux récédents, comme les suivants d’ailleurs.


A propos de Martin Courgeon

Un beau jour de projection de "The Room", après avoir reçu une petite cuillère en plastique de plein fouet, Martin eu l'illumination et se décida enfin à écrire sur sa plus grande passion, le cinéma. Il est fan absolu des films "coming of age movies" des années 80, notamment ceux de son saint patron John Hughes, du cinéma japonais, et de Scooby Doo, le Film. Il rêve d'une résidence secondaire à Twin Peaks ou à Hill Valley, c'est au choix. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/riwIY

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