Aujourd’hui on passe au crible un thriller de science-fiction qui cache en réalité un mélodrame poussif : Rememory (Mark Palansky, 2017) qui sort en vidéo chez Program Store.
La valse des souvenirs
Les fans de Game of Thrones (2011-2019) seront inévitablement attirés par la présence de Peter Dinklage (le fameux Tyrion Lannister), ici personnage principal de Rememory catégorisé comme science-fiction. Deuxième collaboration entre l’acteur et le réalisateur Mark Palansky après son premier long-métrage fantastique Penelope (2006), ce second film introduit en effet une idée futuriste : Gordon Dunn (Martin Donovan) a mis au point un prototype de machine qui permet de récupérer les souvenirs que le temps altère petit à petit. À l’aide d’un simple casque connecté (un peu facile quand même), les souvenirs apparaissent à l’écran et sont enregistrés, une idée soi-disant brillante pour guérir Alzheimer, pour aider la justice ou tout simplement pour que les gens conservent leurs souvenirs les plus précieux – Dunn ayant inventé ce prototype après le décès de sa fille. Lorsque ce dernier est retrouvé mort dans son bureau, les regards se tournent immédiatement vers certains participants de son étude avec qui il était en désaccord. Il fallait se douter que ressasser le passé, y compris certains souvenirs refoulés, pouvait créer des effets secondaires comme des hallucinations ou des traumatismes… L’un de ces participants n’est d’ailleurs autre que le regretté Anton Yelchin (Green Room, Star Trek Beyond) mort en 2016. Mais où est donc Peter Dinklage dans tout ça ? Il joue le rôle de Sam Bloom, un maquettiste a priori très éloigné du monde scientifique qui décide de dérober la machine (oui, il n’y en a qu’une et elle tient dans une mallette) et d’élucider la mort de son créateur en visionnant tous les souvenirs des participants afin de trouver des indices sur le coupable. Si le vrai lien entre les deux hommes sera révélé à la fin du récit, le fait que Sam ait perdu son frère dans un accident de voiture n’est pas anodin ; rongé par la culpabilité, il espère aussi utiliser la machine à des fins personnelles.
Sur le papier, ce concept de récupération de la mémoire est au centre de l’histoire, en réalité, il en est tout autre. Lorgnant quelque peu sur le genre policier en raison de l’enquête qui remonte progressivement le fil de cette fameuse nuit où Dunn est mort, Rememory se perd surtout dans des dialogues longs et poussifs sur le deuil, les souvenirs et la culpabilité qui sonnent atrocement faux. On croirait écouter un mauvais podcast… Même Peter Dinklage dont le talent est indéniable parait complètement éteint. C’est déjà compliqué d’accrocher à un concept de SF aussi mal ficelé et peu crédible, mais quand en plus le tout vire au mélodrame, ça en deviendrait presque aussi mauvais que Transcendence (Wally Pfister, 2014) avec Johnny Depp. Ajoutez-y les images d’archives tout droit sorties de chez Microsoft qui sont censées faire office de souvenirs, un fond sonore de violons, et des personnages auxquels il est impossible de s’attacher tant ils restent tous froids, et vous obtenez un film de presque deux heures bourré de lenteurs. Inutile de parler du plot twist final complètement extrapolé qui vient enfoncer le clou d’un scénario déjà tiré par les cheveux. Inclure une base de science-fiction dans un film d’un autre genre n’est pas sans danger ; il faut s’assurer d’avoir une histoire solide, des personnages convaincants et créer une ambiance qui puisse capter l’attention des spectateurs. Une référence en la matière, c’est par exemple Eternal Sunshine of the Spotless Mind (Michel Gondry, 2004), qui traite lui aussi de la mémoire mais dans le sens inverse : les personnages ont le choix de pouvoir effacer quelqu’un. Le concept est tout aussi alambiqué que dans Rememory, sauf que Gondry parvient à plonger ses spectateurs dans un sublime délire avec une Kate Winslet et un Jim Carrey au top de leur forme, une bande-son entêtante et une mise en scène inégalée. On ne peut pas comparer l’incomparable. En tout cas, on ne ressentira pas le besoin de se souvenir de Rememory.
Sur le plan éditorial, Program Store pour Rememory joue l’on ne peut plus simple : un DVD, une VO, une VF, une interface à l’esthétisme relatif et au rang des bonus, qu’une unique bande annonce. Pas de quoi nous faire apprécier le film davantage…