Tandis que Scooby ! (Tony Cervone, 2020) remplissait les salles début juillet, d’autres chiens bien plus rafraichissants avaient occupé les salles obscures quelques temps auparavant… Le confinement sera-t-il donc l’occasion de le (re)regarder avec son animal de compagnie préféré ? Grâce à The Jokers, le film d’animation coréen de l’année est disponible en DVD et VOD.
L’Appel de la forêt
« Le chien est le meilleur ami de l’homme » mais l’homme le lui rend-il aussi bien ? Pas à Mong-chi en tout cas. Ce jeune chien affectueux et plein d’entrain, héros de Nous, les chiens (Oh Seong-yoon & Lee Choon-baek, 2020) a de quoi avoir de la rancœur envers l’espèce humaine, se retrouvant lâchement abandonné par un maître un peu honteux dès le début du récit. Recueilli par une bande de chiens errants, il va apprendre à se débrouiller seul, puis se mettre à rêver de grands espaces et de liberté… Le ton est donné, le film ne sera ni mièvre, ni innocent : il a même été écrit à la suite d’un reportage sur les violences faites aux animaux.
Ce qui est frappant avec Nous, les chiens, c’est la manière dont les réalisateurs ne ménagent pas le spectateur : sur une base scénaristique a priori classique (un récit d’apprentissage avec un périple rocambolesque pour un héros canin qui prend goût à l’aventure), les évènements tragiques de la vie, les passions tristes des individus ou encore la lâcheté des humains viendront se dresser sur la route du protagoniste, rappelant au passage que la vie n’est pas aussi lisse et de guimauve que la grande majorité des films d’animation pour enfants qu’on peut habituellement nous servir. Car si le protagoniste canin animé a déjà eu ses lettres de noblesse dans le cinéma d’animation – La Belle et le Clochard (Clyde Geronimi, Wilfred Jackson & Hamilton Luske, 1955), Rox et Rouky (Ted Berman, Richard Rich & Art Stevens, 1981) ou Balto (Simon Wells, 1995) – la très grande majorité de ces films exaltaient les capacités physiques de leurs héros ou se permettaient de délivrer une fable anthropomorphique, n’exploitant pas totalement la relation animal-homme pour mieux critiquer ce dernier. S’il faut s’efforcer de lui trouver un jumeau ou tout au plus un cousin, Nous, les chiens est davantage à mettre dans le même panier – sans mauvais jeu de mots, quoi que – que Lîle aux chiens (Wes Anderson, 2018) qui travaillait peu ou prou les mêmes thématiques.
Dans un savant mélange de moments de comédie et de drame familial dont seuls les Sud-Coréens savent doser les ingrédients, le long-métrage offre néanmoins des respirations bienvenues dans un contexte chargé en thématiques a priori plombantes. Mais le mélange ne s’arrête pas là puisqu’il s’incarne aussi esthétiquement. Il faut, à ce titre, saluer l’audacieuse alliance entre des décors peints à la main et ces personnages-canins créés en 3D. Un parti pris fort tant le contraste entre les deux techniques apparaît saisissant, voire même un peu perturbant de prime abord. On se demande parfois ce qui relève d’une direction artistique assumée ou d’une intégration 3D mal dégrossie par manque de budget. Quoiqu’il en soit, l’animation en relief à le mérite de libérer la mise en scène, qui peut ainsi se permettre mouvements et perspectives marqués, en empruntant notamment au cinéma d’action ainsi qu’au western et ses jeux d’ombres. Les réalisateurs parviennent par ailleurs à installer tension et dynamisme, le plus souvent incarnées dans de rapides séquences de courses-poursuites entre quadrupèdes.
Quête d’un paradis perdu, évocations écologiques, fable sur les caractères humains… Nous, les chiens ratisse large mais sait frapper juste : sans tomber dans un pathos manipulateur, le film rend ses héros attachants et – c’est certainement la principale leçon à retirer – profondément humains. Mais il ne renie pas pour autant la comédie et la légèreté, en se permettant une fin extravagante au beau milieu de la zone démilitarisée entre la Corée du Sud et la Corée du Nord, clin d’œil à la vanité humaine qui a beaucoup à apprendre de la simplicité et du grand cœur des chiens. Du côté de l’édition vidéo chez The Jokers on regrettera fortement l’absence d’une sortie Blu-Ray tant le DVD ne rend pas totalement grâce à l’ambition esthétique du long-métrage. Cette édition a minima – pas de suppléments à nous mettre sous la dent – témoigne surtout d’une stratégie de vente axée sur la VOD, puisqu’il s’agit du seul moyen de voir ou revoir ce film en haute-définition.