The Grudge (2020)


Avait-on vraiment besoin d’un nouveau film The Grudge ? Bien sûr que non, mais la surenchère à la franchise américaine en aura décidé autrement. Presque 20 ans après l’original japonais, ce nouvel épisode réalisé par Nicolas Pesce peut-il encore nous faire trembler ?

Le fantôme aux longs cheveux noirs de The Grudge sort de la baignoire remplie d'eau croupie.

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On a échangé nos maisons

En préparation depuis déjà plusieurs années sous la forme d’un reboot, The Grudge (Nicolas Pesce, 2020) voit finalement le jour en tant que suite de la trilogie américaine. On retrouve Sam Raimi à la production – il avait également produit les précédents volets – et à la réalisation Nicolas Pesce, qui à son actif deux films d’horreur tout deux présentés à Sundance mais peu connus, Piercing (2018) et The Eyes of my Mother (2016). Ce nouveau projet rassemble plusieurs têtes connues du genre : Andrea Riseborough, la Mandy de Nicolas Cage (Panos Cosmatos, 2018) ; Demián Bichir, le prêtre de La Nonne (Corin Hardy, 2018) ; John Cho vu dans le thriller Searching (Aneesh Chaganty, 2018) et Lin Shaye, personnage récurrent de la saga Insidious (James Wan, 2011-2018). Que du beau monde donc. Petite piqûre de rappel sur la franchise, si vous le voulez bien. Cette dernière prend ses racines en 2002 avec Ju-On : The Grudge de Takashi Shimizu, où une jeune femme tuée par son mari hante une par une toutes les personnes qui pénètrent dans sa maison. Shimizu réalise plusieurs suites au Japon avant de se faire prendre dans les filets américains, qui par opportunisme, vont tenter de mettre main basse sur la culture de la J-Horror (pour Japan Horror). En 2004, Shimizu réalise lui-même le remake américain The Grudge avec l’actrice Sarah Michelle Gellar. Malgré une intrigue toujours située au Japon, la présence de personnages américains met l’accent sur les différences culturelles, quitte à ternir le propos original du film nippon. Il n’en reste pas moins que la version américaine est un franc succès qui donnera lieu à deux autres suites, toutefois largement moins prisées, en 2006 et 2009.

L'agent Cole, joué par Nancy Sorel, découvre un arbre mystérieusement installé à la place du siège passager d'une voiture abandonnée.

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Cette version 2020 explore la propagation de la malédiction aux Etats-Unis dans une petite ville de Pennsylvanie. Quand Fiona Landers rentre chez elle après avoir travaillé dans la maison hantée japonaise de Kayako Saeki, elle ramène avec elle son fantôme vengeur qui maudira tout individu pénétrant dans la maison des Landers. Et malheureusement il va y en avoir des visiteurs…. Nicolas Pesce ne s’embarrasse que d’une courte scène d’ouverture au Japon dont on aurait bien pu se passer. L’histoire originale japonaise n’est ensuite que brièvement mentionnée : on s’attend clairement à ce que le spectateur connaisse la malédiction. Ethnocentré sur la Pennsylvanie, le script ne veut pas répéter ce qui a déjà été longuement développé dans les opus précédents. D’accord, mais alors pourquoi en calquer la structure ? Plusieurs personnages subissent la malédiction mais les évènements ne sont pas présentés chronologiquement. Cette non-chronologie a certes pour but de renforcer l’idée que les fantômes n’ont pas d’attaches spatio-temporelles et ne s’accrochent pas à un lieu en particulier, mais un spectateur aguerri de la franchise l’aura déjà bien compris. Finalement, on n’obtient rien de nouveau, et pire encore, le rythme inégal qui commence très lentement puis s’accélère vers la fin à coups d’avalanches de jump-scares prévisibles, en veux-tu en voilà, risque de laisser sur le carreau un grand nombre de spectateurs.

Une main de fantome sort des cheveux d'un homme sous la douche.

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Entre tous les résidents de la maison qui se succèdent au fil des années, les inspecteurs de police qui enquêtent sur les morts suspectes et les autres visiteurs de la demeure hantée, le récit se perd dans une pluralité de personnages sans prendre le temps de nous les faire connaitre. Le résultat est malheureusement accablant : qui dit zéro développement et zéro caractérisation, dit zéro attachement et zéro intérêt. On n’en a tout simplement rien à faire de tous ces morts qui s’accumulent. Contrairement au film original japonais qui jonglait parfaitement entre horreur et sensibilité et dans lequel il était tout à fait possible de compatir avec le personnage de Kayako étant donné son passé dramatique, les vivants et les fantômes de cette nouvelle version sont tout simplement emmerdants à mourir. On en revient à l’éternel problème de ces productions d’horreur américaines, remakes ou pas, souvent produites à la chaine sans aucune originalité, sans rien à raconter, avec pour simple but de divertir les plus tolérants d’entre nous (Action ou Vérité, Countdown, et j’en passe). Quand on sait que la franchise The Grudge pourrait bientôt devenir une série Netflix, on se dit qu’on n’est pas au bout de nos peines.


A propos de Emma Ben Hadj

Étudiante de doctorat et enseignante à l’université de Pittsburgh, Emma commence actuellement l’écriture de sa thèse sur l’industrie des films d’horreur en France. Étrangement fascinée par les femmes cannibales au cinéma, elle n’a pourtant aucune intention de reproduire ces méfaits dans la vraie vie. Enfin, il ne faut jamais dire jamais.

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