Voilà presque onze ans que l’on attendait une nouvelle aventure de notre démon préféré. Si le duo Del Toro/Perlman ne rempile pas, c’est à Neil Marshall et David Harbour que revient la tâche de (re)donner vie au héros créé par Mignola. Mais que vaut ce reboot ? Pour vous, Fais Pas Genre a fait un petit tour en enfer.
L’Enfer est pavé de bonnes intentions
Après Hellboy (2004) et sa suite Hellboy – Les légions d’or maudites (2008), Guillermo Del Toro est parvenu à nous offrir une des plus belles adaptations de comic book au cinéma, portée par une vision vraiment différente du tout-venant. Des œuvres intéressantes, attachantes et d’une incroyable richesse visuelle et thématique. Si ces deux longs-métrages nous ont enchantés, émus, faits rire, nous n’en connaîtrons jamais la fin. Tout espoir de voir Del Toro achever ce qui aurait pu être une des plus grandes trilogies cinématographiques de l’histoire a été réduit à néant il y a deux ans. Et c’est sur les cendres de ce projet qu’est né ce reboot. Autant être clair : je suis un très grand fan des deux adaptations du réalisateur de La Forme de l’eau (2017) ainsi que de son travail en général. Dans un sens, cette dernière phrase est un doux euphémisme pour être tout à fait honnête. Il s’avère que votre humble serviteur est également admirateur du travail de Mike Mignola de Hellboy à Witchfinder en passant par BPRD, Lord Baltimore et sa magnifique adaptation du Dracula de Coppola. Mais il ne sera pas question ici des deux premiers films de Del Toro mais uniquement de cette nouvelle mouture de l’enfant de l’enfer.
On nous propose de suivre Hellboy, un démon recueilli et élevé par des humains après avoir été invoqué sur Terre par Raspoutine pour le compte de Nazis qui veulent à tout prix gagner une guerre dont la victoire leur échappe. Devenu la première ligne de défense contre les forces infernales et autres monstres, notre démon aux cornes limées va croiser la route de Nimue, la Reine de sang, une puissante sorcière qui cherche à annihiler l’Humanité. Malgré son scénario un peu convenu, ce Hellboy version 2019 avait sur le papier de quoi attirer notre curiosité avec l’arrivée de Neil Marshall à la réalisation. De même, la première photo montrant le nouvel interprète du démon – David Harbour alias le sherif de Stranger Things (Matt et Ross Duffer – depuis 2016) – dans son costume avait de quoi mettre en appétit. Ajoutons à cela la promesse d’un récit plus sombre, lorgnant beaucoup plus du côté de l’horreur et du gore et nous voilà tout simplement excités…Avant de subir la douche froide.
Décousu et avec un rythme effréné, le long-métrage mélange lieux et temporalité, confondant rythme et précipitation. On saute d’un lieu à un autre, du présent au passé au moyen de flashbacks sans pouvoir nous poser et surtout comprendre ce qu’il se passe. Cela a pour effet principal de rendre les personnages relativement creux et les enjeux du scénario plus que confus. Il n’y a que peu de place et de temps pour s’attacher et/ou comprendre les relations entre les différents protagonistes comme le héros de l’histoire. Hellboy nous est dépeint comme une brute criarde qui ne semble être apte qu’à combattre et boire. On oublie alors que le démon est plus profond, tiraillé entre son humanité et sa nature démoniaque, porteur de questionnements sur la nature des choses, l’éducation, l’humanité et même la destinée. Mais le personnage titulaire n’est pas « le pire » traitement que l’on puisse observer. Malgré les talents du grand Ian McShane – absolument brillant dans la série American Gods (Bryan Fuller – depuis 2017) – le professeur Bruttenholm ressemble très peu à l’image que l’on pourrait se faire d’un père qui tente d’éduquer et d’aimer un enfant dont la destinée est de détruire le monde. Si d’autres personnages issus du comics en sont presque réduits à n’être que purement fonctionnels comme la sous-exploitée Alice Monaghan ou le fade Ben Daimio, le grand prix revient sans doute à Nimue. L’antagoniste est un personnage plus que confus, jamais menaçant et aux motivations peu convaincantes.
Hormis son scénario bancal, des personnages mal dégrossis que même de bons acteurs ne peuvent sauver, le film est assez inégal, inutilement gore – comme en témoigne une scène de massacre dans Londres tout à fait superflue – aux effets parfois criards et flirtant avec le mauvais goût (les scènes où nos protagonistes sont amenés à communiquer avec les esprits sont particulièrement difficiles à regarder…). En fait, cette nouvelle version de Hellboy peut être résumée en une scène : la rencontre avec Baba Yaga. Décors sublimes, maquillages impressionnants de Joel Harlow, ambiance malsaine et une mise en scène léchée font de ce moment l’une des seule réussite du film. Si elle justifie la classification R, elle représente aussi les limites du projet, comme un goût d’inachevé. Face à un tel résultat, on est en droit de se demander : mais où est ce que ça a bien pu merder ? Et même si l’on sait que tout n’allait pas comme dans le meilleur des mondes derrière la caméra, qui ou quoi est vraiment à blâmer ? Malgré un C.V assez intéressant aussi bien au cinéma – The Descent (2005) ou encore le sous-estimé Centurion (2010) – qu’à la télévision – Game of Thrones (David Benioff & D.B. Weiss, 2011-2019), Hannibal (Bryan Fuller, 2013-2015) et j’en passe – on sent que Neil Marshall est peu à l’aise dans l’exercice qui lui est proposé. Mais ce qui se ressent le plus reste la volonté de Mike Mignola de reprendre en main la saga. Sa volonté de faire entrer dans un seul long-métrage toute l’étendue de son univers tel qu’il existe dans le comics parasite totalement le film. Face à cette erreur industrielle, difficile de comprendre vraiment ce qui a bien pu se passer en coulisses pour qu’on en arrive à un tel résultat. Un rendez-vous raté que l’on ne peut que regretter, et ce malgré quelques bonnes intentions que l’on peut facilement deviner.