Après son Oscar de meilleur acteur, on nous annonce Gary Oldman dans le rôle d’une IA dont le nom constitue le titre du film. Le principe est plutôt alléchant, mais Tau tient il sa promesse ou sombrera-t-il dans les méandres des produits oubliés de Netflix ?
La belle et le Hal Deckard
Netflix semble ces derniers temps, beaucoup miser sur la SF, en produisant des contenus à la qualité pas toujours constante, boostés par des castings de choix. Tau s’adapte parfaitement à cette optique, puisqu’il nous offre Gary Oldman – en voix off certes – associé à Ed Skrein (Game of Thrones, Deadpool), et à la jeune Maïka Monroe (It Follows, David Robert Mitchell, 2015). Cette dernière y incarne Julia, une femme survivant grâce à de menus larcins, se faisant kidnapper sans qu’on en sache la raison (spoiler : on ne la saura jamais) par Alex, jeune génie concepteur d’IA un peu psychopathe qui souhaite faire des expériences sur son cerveau pour améliorer son projet d’Intelligence Artificielle révolutionnaire. Elle sera enfermée et gardée par une ébauche d’IA nommée TAU.
Dans ses débuts, le long-métrage empreinte tous les codes du film d’horreur, avec une mise en scène au plus proche de l’héroïne, un jeu d’obscurité oppressant qui, avouons-le, fonctionne assez bien même s’il est très classique. Julia se retrouve emprisonnée avec deux co-détenus, tous affublés d’un dispositif inquiétant qui leur couvre la bouche, et qui vont essayer de s’échapper. Ils y arrivent presque jusqu’à ce qu’un robot assassine sauvagement tous les personnages à l’exception de l’héroïne, miraculeusement sauvée par l’intervention d’Alex, qui ordonnera au robot de se calmer. A partir de ce moment on arrive dans le cœur du récit, qui montre le quotidien de la jeune femme enfermée dans la maison du génie du mal, gardée par Tau, une IA domestique, équivalent au JARVIS de Iron Man, pendant que son ravisseur s’en va la journée pour aller travailler – car on peut être un génie du mal et être aux trente-cinq heures dans un bureau.
Le film repose donc sur ce fameux triangle Captive/Ravisseur/Geôlier. Le ravisseur attend de la captive qu’elle effectue des tâches mystérieuses pour lui pendant la journée, tandis qu’elle essaie de s’échapper et Tau, pris entre deux feux doit la faire obéir tout en étant l’un de ses seuls contacts. Elle comprendra alors qu’il lui faut déjouer la vigilance de l’IA pour s’échapper. Le concept aurait pu être intéressant mais cela nécessitait au moins un soin tout particulier apporté à l’écriture des trois personnages, tout autant qu’une prise de risque sur le sujet de l’IA tant la question a été maintes fois explorée dans le cinéma. Malheureusement pour lui, Tau n’a ni l’un, ni l’autre. Souffrant d’un scénario assez pataud – qui s’inspire beaucoup du conte La Belle et la Bête proposant une relation entre la jeune femme et son ravisseur se révélant pas si méchant que ça – et effleure des sujets on ne peut plus classiques : faire s’interroger l’IA sur le fait d’être une personne à part entière, la réalité du monde extérieur, tel Pinocchio, et sans jamais y apporter une réflexion ou un point de vue nouveau. On ne s’attache au final ni à Tau, à l’intonation toujours dépressive terriblement inspirée du HAL de 2001, L’Odyssée de l’Espace (Stanley Kubrick, 1968), et ses prises de conscience, ni à l’héroïne tellement leurs dialogues sont plats. L’antagoniste du film quant à lui, est également trop absent pour que l’on s’en préoccupe. Et quand on n’embrasse aucun des enjeux des personnages, faute à un manque d’ambition dans l’écriture, et des dialogues plats, l’inévitable arrive : on s’ennuie.
C’est donc un film bien raté que nous propose Federico D’Alessandro avec Tau, qui avait un matériel prometteur mais qui se sabote par manque d’ambition, préférant lorgner sur un 2001, L’Odyssée de l’Espace ou Blade Runner (Ridley Scott, 1982). Toutefois il convient de relativiser, dans la mesure où il s’agit de son tout premier film, et bien qu’il manque de saveur. En outre, il faut saluer Netflix sur le fait d’avoir donné sa chance à un jeune réalisateur et de lui avoir offert une visibilité, qu’il n’aurait peut-être pas eu dans le circuit de production conventionnel. C’est là l’un des bons côtés de cette plateforme.