Alors que le premier volet de la saga débutée en 2012 n’est encore disponible qu’en vidéo à la demande et que le second souffre encore de son invisibilité dans notre pays, et ce malgré des succès flagrants dans les festivals où ils sont passés (Gérardmer, le PIFFF, L’étrange Festival…), voilà que le troisième opus a débarqué il y a quelques jours sur les services de VOD anglo-saxons. Et celui-ci est viral.
Filmer tue
Après avoir fustigé à maintes et maintes reprises le cinéma en found footage depuis nos cinq ans d’existence, je confesse que je l’aime bien, moi, cette saga V/H/S. En fait (et par extension), j’aime beaucoup toutes ces anthologies du court métrage horrifique que l’on a pu voir ces dernières années, de ABCs of Death (2012) à The Theatre Bizarre (2011) : elles sont certes souvent inégales, mais on y trouve toujours son compte. Mais après V/H/S 2, qui a été une vraie claque (en grande partie grâce au segment réalisé par mon chouchou Gareth Evans), il semblait difficile de faire mieux. Et vous ne croyez pas si bien lire…
Le schéma est toujours le même : plusieurs histoires (trois ici) entrecoupées d’une quatrième qui sert de fil rouge. Le fil rouge, c’est Vicious Circles, réalisé par Marcel Sarmiento : Iris (Emilia Zoryan) sort avec Kevin, qui aime plus que tout filmer sa conjointe. Un soir, ils découvrent au JT qu’une course poursuite s’engage dans leur quartier entre la police et un camion de marchand de glaces. Kevin pense pouvoir filmer l’événement mais Iris se fait kidnapper par le conducteur du camion. Kevin se lance alors à la poursuite de celui-ci, cherchant à tout prix à libérer sa petite amie.
Marcel Sarmiento, c’est le réalisateur de l’excellent Deadgirl (2008), et on pouvait s’attendre à quelque chose d’un peu plus barré ou d’un peu plus glauque concernant Vicious Circles. Malheureusement, ce segment qui sert de fil rouge est aussi le plus raté. Sarmiento a déjà prouvé par le passé qu’il était capable de raconter des histoires pour le moins improbables et nous emmener, au fil du scénario, dans des directions suffisamment peu envisageables pour nous surprendre. Le postulat de départ, ici, est assez simple, et il y aurait eu matière à développer tellement d’idées que l’on pouvait faire confiance à l’imagination de l’auteur, mais Sarmiento se révèle être un bien piètre réalisateur et scénariste quant à cet exercice, très difficilement maîtrisé. Pour commencer, la fonction de l’épisode fil rouge est de connecter entre eux les différents segments du long métrage : dans le premier et le second volet, c’est la facilité qui prime (des gens regardent des VHS – d’où le titre – qui contiennent des vidéos horribles qui sont, vous l’aurez compris, les autres segments du film). Ici, l’histoire prend un tout autre départ, et les connexions, qui sont alors peu évidentes, sont clairement laissées pour compte. On ne comprend en fait rien, qui est qui, qui fait quoi, tout est brouillon jusqu’à un dénouement qui ne surprend pas, puisque rien n’a fonctionné auparavant. En plus de la part de responsabilité du réalisateur, ce segment a également dû subir un manque de chance, puisqu’à la dernière minute, le court métrage Gorgeous Vortex, réalisé par Todd Lincoln, a été retiré du film pour garder une durée inférieure à 90 minutes. Vicious Circles doit alors fonctionner sans le lien avec une quatrième histoire, et c’est là aussi l’une des raisons qui peuvent expliquer la faiblesse de cette histoire-fil rouge. Peut-être que dans une prochaine version intégrale incluant Gorgeous Vortex, le film de Sarmiento fonctionnera mieux, mais permettez-moi d’en douter…
On bouge tout de suite vers la première histoire, Dante the Great, réalisée par Gregg Bishop, à qui l’on doit la sympathique comédie gore Dance of the Dead (2008). Dante (Justin Welborn), magicien raté, trouve un jour une cape qui aurait appartenu à Houdini. La cape est dotée de puissants pouvoirs magiques, si bien qu’avec son aide, il peut réaliser des tours incroyables. Mais pour garder son pouvoir, la cape doit se nourrir… de chair humaine. Dante va rapidement prouver que de magicien à serial killer, il n’y a qu’un pas.
Au cinéma, la magie et l’illusion sont des sujets passionnants, qui ne lassent pas et qui se renouvellent régulièrement, selon le cinéaste et selon la période, et l’on ne peut pas dire que Gregg Bishop ait été le meilleur choix de cette anthologie. Et pourtant, le pitch de départ est assez génial et a le privilège de s’adapter merveilleusement bien au format (on pense bien sûr à un épisode de La Quatrième Dimension). Là où ça bloque, c’est dans la réalisation : Bishop n’assume absolument pas le style found footage qui est pourtant l’essence même du projet V/H/S, et présente son segment comme un faux documentaire mêlant interviews, documents de police et images retrouvées. Dante the Great met au moins le doigt sur quelque chose : dans un film de found footage, les caméras fixes et/ou montées sur un pied sont plus insupportables que celles qui bougent dans tous les sens. Et ne parlons pas du scénario assez catastrophique, prévisible de bout en bout, et du jeu d’acteurs assez embarrassant. Un ratage total, qui vaut à la première demi-heure du film d’être assez pénible.
Après quelques minutes où on continue à ne rien comprendre avec la suite de Vicious Circles, arrive Parallel Monsters, réalisé par Nacho Vigalondo. L’Espagnol, déjà réalisateur de l’excellent Timecrimes (2007) et d’Open Windows (2014), dont on vous parlera très prochainement, met en scène une histoire absolument jouissive : Alfonso (Gustavo Salmeron), chercheur à ses heures perdues, réussit à mettre au point, dans sa cave, une machine permettant de communiquer avec un monde parallèle. De l’autre côté de la porte, il découvre la même chose : la même cave, un homme appelé Alfonso, lui aussi marié à Marta (Marian Alvarez) et inventeur de cette machine. Les deux Alfonso décident alors de vivre chacun, pendant quinze minutes, dans l’univers de l’autre…
Avec Parallel Monsters, V/H/S: Viral trouve son point culminant : de même que Gareth Evans dans V/H/S 2, Vigalondo réalise là le meilleur segment de tout le film, et sans doute l’un des meilleurs de la saga. En prenant comme point de départ une découverte scientifique surexcitante (et qu’il faut donc immortaliser à la caméra), Parallel Monsters bascule en un rien de l’anticipation à l’horreur la plus viscérale. La pire chose à faire serait de révéler plus d’éléments que ceux qui ont déjà été dits, car ce court mérite vraiment son visionnage (et d’autres visionnages successifs). Il a suffi d’un plan pour que ce segment soit consacré le meilleur du film ; un plan qui évoque à la fois le cinéma d’horreur japonais et la grande époque de Cronenberg. Et si tout ça ne vous donne toujours pas envie…
Avant de clore avec le dénouement de Vicious Circles qui apporte enfin une explication, aussi nulle soit-elle, à tout ce micmac incompréhensible, on passe faire du skateboard avec les mecs de Bonestorm, le segment réalisé par Justin Benson et Aaron Moorhead, dans lequel une bande de jeunes amateurs de planches à roulettes et d’herbe à fumette partent pratiquer leur principal hobby à Tijuana, juste après la frontière mexicaine. La chose à laquelle ils ne s’attendent pas, c’est de devenir les cibles d’un rite de mort sataniste…
Le duo Benson/Moorhead sauve la fin de V/H/S: Viral avec deux éléments qui manquaient cruellement au reste du film, mais qui contribuaient à la force des deux autres volets : l’humour et le fun. Les deux réalisateurs ne s’embarrassent pas avec un scénario à respecter : chez eux, les idées sont plus fortes que tout, et c’est la manière de les raconter et de les retransmettre à l’écran qui prime. Concrètement, Bonestorm n’offre pas beaucoup plus que des skateurs qui dégomment des squelettes, mais le segment semble tout droit tiré de l’héritage du jeu vidéo, en combinant une histoire qui proviendrait du plus basique des hack and slash et le look d’un Call of Duty ou de n’importe quel jeu de tir subjectif. Une recette extrêmement simple, qui fonctionne sur l’assaut constant de ces créatures de la mort, mais qui suffit à donner de la satisfaction au spectateur, jusqu’à une fin ouverte et plutôt jouissive (qui laisse quand même un peu sur sa faim).
De loin le plus faible film de la série (le plus inégal, si vous préférez), V/H/S: Viral n’est pas, néanmoins, une purge absolue, les deux derniers segments réussissant à sauver le long métrage de la poubelle. Toutefois, ce troisième opus marque l’absence de tout membre (ou affilié) du (sous-)mouvement mumblegore : alors que Joe Swanberg, Adam Wingard, Simon Barrett ou Ti West avaient marqué de leur empreinte les deux volets précédents, leur présence manque cruellement à ce film. Tant mieux pour eux, d’un autre côté, puisqu’ils s’emploient tous à des projets plus gros et avec des budgets plus importants, mais on peut d’ores et déjà considérer que le mumblegore est mort, et, de fait, si leur absence sur des projets comme celui critiqué aujourd’hui se prolonge, on ne donnerait plus longtemps à vivre à la saga V/H/S…