Sorti en 1963 au Japon, L’Héritage des 500.000, l’unique film de l’acteur Toshiro Mifune, est distribué pour la première fois en France en 2019 par Carlotta Films. L’occasion de revenir sur cette étonnante oeuvre de l’acteur fétiche d’Akira Kurosawa, qui a bien retenu les leçons du maître.
Les Aventuriers de la jungle
La Nuit du chasseur (Charles Laughton, 1955), La Vengeance aux deux visages (Marlon Brando, 1961), L’Île des braves (Frank Sinatra, 1965), Charlie Bubbles (Albert Finney, 1967)… À la longue liste des réalisations uniques d’acteurs l’on peut ajouter L’Héritage des 500.000 (Toshiro Mifune, 1963). Ce film d’aventures dans tout ce qu’il y a de plus classique narre le périple d’un ancien soldat de l’armée impériale, forcé d’embarquer dans une expédition pour les Philippines afin de déterrer un trésor de guerre qu’il aurait dissimulé. Dans cette île où ont péri cinq cents mille soldats japonais, voilà que la cupidité humaine fait resurgir le souvenir traumatisant d’une guerre encore bien présente dans les esprits.
Une majorité de l’équipe récurrente d’Akira Kurosawa se retrouve sur ce projet : son scénariste, Ryuzo Kikushima, son directeur de la photographie, Takao Saito, son compositeur, Masaru Sato… Akira Kurosawa aurait même participé au montage du long-métrage, peu satisfait du résultat de son ami ! L’ombre du « Sensei » plane en effet sur cette odyssée militaire aux dilemmes moraux. Les compositions de cadre à plusieurs personnages rappellent de toute évidence celles des Sept samouraïs (Akira Kurosawa, 1954) quand les archétypes dépeints à travers les cinq compagnons de circonstances font penser aux soldats du Château de l’araignée (Akira Kurosawa, 1957). Mais plus que tout, L’Héritage des 500.000 s’inscrit dans la lignée des films d’aventures, américains et européens, où le voyage physique sera l’occasion de signifier les changements profonds des personnages, qui sombreront dans la folie ou vivront une épiphanie. La fièvre de l’or, la convoitise, le patriotisme et la camaraderie seront convoqués pendant l’expédition, où chaque heure qui s’écoule est un tribut de plus en plus important à payer pour retrouver le trésor. Car le fameux héritage n’est pas seulement pécuniaire, il est aussi mémorial : le sacrifice nippon ne doit pas être oublié et doit être accepté, afin de pouvoir en tirer toutes les leçons.
Le récit ne tombe cependant pas dans la veine antimilitariste, mais flirte parfois avec un chauvinisme désuet. Désuets, la mise en scène et le montage le sont aussi, les transitions en balayage d’un kitsch peu convaincant et la théâtralité des situations desservant la tension instillée par la trame scénaristique. Mais on comprend aisément le succès national qui a accompagné la sortie de ce bon divertissement pour l’époque, pour un film qui reprend avec classicisme – et avec un certain succès – tous les codes du genre.