Présenté en compétition au festival d’Annecy 2018 et distribué sous la bannière du distributeur Damned, Tito et les oiseaux, cette fable actuelle porte haut les couleurs de l’animation brésilienne malgré un genre et une tonalité qui cherchent leur public.
Des oiseaux de passage
Cela fait quelques années que l’animation brésilienne nous intrigue et nous dévoile quelques perles, à l’instar des Cristal du long-métrage 2013 et 2014, Le Garçon et le monde (Alê Abreu, 2013) et Rio 2096 : Une histoire d’amour et de furie (Luiz Bolognesi, 2016). Des films empreints de fantastique, de science-fiction et de regards innocents pour en porter un non moins acéré sur la société brésilienne actuelle. Tito et les oiseaux (Gabriel Bitar, Gustavo Steinberg et André Catoto Dias, 2019) ne déroge pas à cette règle. Mais ici, l’ambition semble avant tout formelle, au détriment d’une narration déséquilibrée. L’histoire est celle de Tito, un petit garçon de dix ans, qui vit seul avec sa mère depuis le départ de son père, inventeur ayant échoué à faire fonctionner une machine qui traduirait le langage des oiseaux. Mais lorsqu’une étrange épidémie se propage dans la ville, transformant les gens qui ont peur en pierres, Tito comprend que la solution est liée aux recherches de son père sur les oiseaux. Accompagné par ses amis, il se lance dans ce monde effrayant pour tenter de le sauver.
Le style graphique du long-métrage est tout à fait étonnant et offre une approche peu commune à l’animation pour enfants. En s’inspirant de l’expressionnisme pictural du début du XXe siècle, le film utilise une technique hybride entre la peinture à l’huile et des animations numériques. Il s’agit en effet de projeter sur les décors de São Paulo les déformations stylisées et angoissantes afin d’inspirer au spectateur la terreur qui règne dans cette ville. Le graphisme évolue en même temps que l’épidémie et certains plans sont saisissants d’effroi. Par exemple, les lignes brisées et les couleurs froides dans des tonalités bleues-verdâtres évoquent avec onirisme l’ambiance morbide d’un hôpital, dont la déformation tripartite fait penser à la vision d’une dérangeante focale fish-eye. Derrière cette louable recherche graphique se cache cependant un récit tiraillé entre une dystopie digne de 1984 (George Orwell, 1949) et une trame initiatique parfois mièvre mais surtout sans envergure. De l’horreur aux bon sentiments, il manque un maillon. Il n’y avait qu’à entendre les cris et les pleurs des enfants dans la salle pour se convaincre de l’atmosphère intimidante que dégageait l’objet, quand bien même aucune forme de violence n’est explicitement montrée.
Tout part pourtant d’une intéressante idée que soutiennent les réalisateurs : « Le rêve d’une société démocratique est en train de s’effondrer, non pas à cause de dangers réels qui peuvent être combattus, mais à cause de dangers imaginaires ». Une occasion rare d’aborder la question du populisme, de la manipulation médiatique et de la responsabilité de chacun face aux politiques dites « sécuritaires ». Mais à vouloir y mêler le thème de l’affirmation de soi d’un petit garçon marqué par l’échec de son père inventeur, le film ne peut éviter de tomber dans une trajectoire simpliste qui ne dépasse pas les symboles qu’elle convoque. Petits et grands ont alors chacun de quoi être déçus… Tito et les oiseaux est donc une oeuvre perturbante et grave, au sens d’important : le message final d’espoir ne parvient pas à gommer les évènements angoissants, qui relèvent à peine de l’anticipation, tant ils font écho à l’actualité brûlante, du Brésil bien sûr, mais aussi de nos pays occidentaux. Et cela mérite quand même bien d’être salué.