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Premier film de son réalisateur Evan Glodell, cette petite production américaine indépendante a déchainé les festivaliers des quatre coins du globe, remportant un franc succès critique partout où il passait. De Sundance où il est né, à Sitges, en passant par la première édition du Paris International Fantastic Film où il est reparti avec le Prix du Jury, ce film que l’on proclame partout comme une bombe à retardement a fait naître en nous un engouement suffisant pour nous faire saliver d’impatience de le découvrir.

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L’Apocalypse n’aura pas lieu

Bellflower a absolument tout du film estampillé Sundance. Production indépendante fauchée – le film a été monté avec seulement 17000 dollars et pas mal de patience – au destin hors-norme – il a bien failli être abandonné en plein milieu de son tournage par manque de moyens – premier film d’un réalisateur touche à tout – Evan Glodell est ici scénariste, réalisateur, monteur, producteur et interprète – et surtout d’apparence novateur – entre film d’auteur et cinéphilie de références. Un vrai film indépendant donc. Le film raconte l’histoire de deux jeunes et de leur passage à l’âge adulte. Woodrow et Aiden, deux amis un peu perdus et qui ne croient plus en rien, concentrent leur énergie à la confection d’un lance-flammes et d’une voiture de guerre, qu’ils nomment « La Medusa ». Ils sont persuadés que l’apocalypse est proche, et s’arment pour réaliser leur fantasme de domination d’un monde en ruine. Jusqu’à ce que Woodrow rencontre une fille, Milly, qui est la sosie de Elodie Gossuin, en plus enrobée et plus salope: en plus américaine donc.

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De son synopsis à sa bande annonce, le « produit » Bellflower est confectionné pour être vendu comme un film qu’il n’est pas. Alors que son résumé nous présente plutôt un film enragé et engagé, et que son trailer et son affiche invitent immédiatement à penser à Mad Max (George Miller, 1979) la réalité de Bellflower est tout autre. Le film est davantage un portrait d’une génération en pleine implosion, un teen-movie violent aux relents de road-movie amoureux. Si Evan Glodell convoque en effet le spectre de Mad Max en faisant de ses héros des fans absolus du film, le film n’est pas pour autant sur le même registre. On comprend donc les évidents clin d’oeil aux voitures du célèbre film, et les héros se considèrent eux-mêmes comme des serviteurs du Seigneur Humungus de Mad Max 2: Le Défi (1981). Le pitch et la communication bien huilée – mais mensongère – autour du film prépare donc le spectateur à aller voir l’histoire de deux types qui décrochent conjointement de la réalité, se pensant en pleine apocalypse, et semant le chaos à coup de lance-flammes et de voitures de guerre. Il n’en est donc rien.

Si la fascination pour les lances-flammes et les bagnoles bricolées façon Mad Max est bien présente chez les personnages, elle s’apparente finalement plus à une fascination de grands enfants qui aiment s’inventer des histoires. « On dirait qu’on était le Seigneur Humungus ». Woodrow et Aiden sont deux gars bloqués dans l’adolescence, qui jouent le jeu dangereux de la vie: ils boivent jusqu’au coma, prennent des risques en voiture, ou font sauter des bouteilles de gaz à coup de lance-flammes artisanal. Le film s’intéresse donc plus précisément au passage délicat de ces deux mecs vers l’âge adulte, et qui se symbolise ici par leur rencontre avec deux gonzesses qui vont totalement les rendre fous. Elle est là, l’Apocalypse. Il est là, le no man’s land sur lequel ils espèrent régner avec leur bagnole des temps futurs. Le film raconte donc la traversée de ce pont d’entre deux mondes, si difficile à vivre pour tous, mais plus particulièrement encore chez ces deux là, vu qu’ils s’y sont finalement pris un peu tard, renfermés dans leurs délires de potes et dans leurs fascinations dangereuses.

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Le film n’est donc absolument pas un film de genre comme il se présente partout, mais il reste intéressant en divers points. D’abord, c’est un portrait non biaisé d’une certaine génération. Cette génération MTV, temple des Jackass. Celle de ces jeunes qui s’abreuvent de programmes montrant une jeunesse dépravée: orgies d’alcool et prises de risques en rafale. Une génération qui n’a plus peur de rien, pas même du Seigneur Humungus ou de bouffer des criquets pour cinquante dollars en chèques restaurant. Le film rend compte progressivement de l’apogée de cette violence, ancrée à même le corps et l’esprit de cette génération, jusqu’à son point de non retour. Ce point de non retour, justement, est le point d’orgue de toute ma désillusion autour du film, puisqu’il n’arrivera jamais. À mesure que l’on passe d’un idyllique road-movie amoureux à travers les Etats-Unis à une vie de couple perturbée et envenimée, on attend le moment ou les lances-flammes cracheront et où le moteur de leur sombre Buick Skylark peinturée d’un imposant « Medusa » racoleur, vrombira jusqu’à imploser en même temps que leur cervelet en ébullition. Ce moment arrivera bel et bien, mais s’essoufflera de lui-même en pleine explosion, d’un seul souffle, ne lâchant qu’une seule et unique déflagration qui ne faira ni bruit, ni dégâts. Le retour final à une réalité que l’on ne sait alternative ou non, laisse le film se terminer dans un no man’s land scénaristique, en roue libre dans une poésie faussement contemplative qui se perd au final dans un désert sans vie. Et le film entier avec lui.


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY


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