I’m Your Man


Sortie DVD chez Blaq Out d’une fable relativement légère et loufoque sur la possibilité de relation de couple entre humain.es et androïdes qui nous amène à réfléchir sur notre propre rapport à l’amour et à la solitude : critique de I’m Your Man (Maria Schrader, 2021).

Les deux protagonistes principaux du film I'm Your Man sont allongés dans un champ, sur l'herbe ; Dan Stevens a le visage tourné vers Maren Eggert, qui elle a les yeux fermés.

© Tous Droits Réservés

I, Robot, am your man

Maren Eggert sur le pont d'un bateau, contre la rembarde, cheveux au vent, dans le film I'm Your Man.

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Le cinéma allemand possède une histoire riche, et regorge de réalisateurs et réalisatrices talentueux.ses dans les pas desquel.les Maria Schrader est en train de marcher. Ce nom n’évoque peut-être rien à l’oreille de certain.es, mais la réalisatrice originaire de Hanovre est loin d’être une totale inconnue – en tout cas pas en Allemagne. En effet, elle a débuté sa carrière en tant qu’actrice et s’est vue récompensée de plusieurs prix, dont un Ours d’Argent au Festival International du Film de Berlin en 1999 ; mais si on la connaît surtout aujourd’hui dans le reste du monde c’est pour avoir réalisé la mini-série Unorthodox (2020), qui a beaucoup fait parler d’elle, et, par la même occasion, a permis à Schrader de remporter un Emmy Award en tant que réalisatrice. Cependant, avec I’m Your Man (2021), on s’éloigne totalement de l’atmosphère pesante de Unorthodox, pour se plonger dans une ambiance beaucoup plus légère de comédie romantique, bien que tout ne soit pas rose non plus dans cette rom com SF…

Le fait est que l’histoire d’amour à laquelle ce film nous fait assister est celle d’une femme et d’une intelligence artificielle qui prend les traits d’un simili prince charmant programmé pour répondre à ses moindres désirs – pas du tout creepy si vous voulez mon avis… Si le trope de la relation amoureuse entre humain.es et machines a déjà été abordé à de nombreuses reprises au cinéma et à la télévision – comment ne pas citer Her (Spike Jonze, 2013) ou le déconcertant épisode de Black Mirror intitulé Be Right Back (Owen Harris, 2013) ? – depuis ses prémices dans Metropolis (Fritz Lang, 1927) – un autre film allemand – il s’avère que l’originalité de I’m Your Man tient dans le fait que notre protagoniste, Alma, ne cherche absolument pas à avoir de relation de couple, que ce soit avec un autre être humain ou avec un androïde. Elle porte encore le souvenir de sa dernière rupture, et en plus, elle est absorbée par son travail. Elle n’en a donc pas grand-chose à faire quand Tom, notre prince charmant robotisé, fait irruption dans sa vie. D’autant plus qu’elle ne l’a pas choisi, son employeur l’oblige à le tester – c’est-à-dire vivre avec lui pendant trois semaines – pour qu’elle puisse aider l’entreprise qui l’a fabriqué à améliorer ses services. Le récit nous entraîne alors dans une dynamique de “suis-moi je te fuis”, puisque Tom n’a été programmé que pour l’aimer, elle – he’s HER man. On assiste donc à tout un tas DVD du film I'm your man édité par Blaq Out.de situations cocasses dans lesquelles Alma repousse son prétendant, qui se sert de ses échecs afin de peaufiner son algorithme. Sauf que ce recalibrage constant des paramètres finit par faire en sorte que Tom s’adapte tellement à Alma qu’il n’essaie plus de constamment la séduire, et c’est précisément là que ça devient intéressant ! La dynamique se transforme alors en “fuis-moi je te suis”, tandis qu’Alma s’attache progressivement à Tom. Un premier retournement de situation se produit lorsqu’elle exige d’avoir un rapport sexuel avec lui après une soirée bien arrosée, et que ce dernier refuse. Après cet événement, Alma finit par comprendre que Tom n’est pas qu’une simple machine, comme elle le croyait. En tant que spectateur.ice, on commence même à se demander lequel des deux est finalement le plus humain…

I’m Your Man nous expose donc à nos propres limites, en nous amenant à nous poser des questions lourdes telles que “Serais-je capable de développer des sentiments pour une machine qui ne ressent a priori rien ?”, “L’IA sera-t-elle capable un jour de ressentir des choses ?”, “Vaut-il mieux vivre seul.e ou accompagné d’un robot ?” ou “Que faire si le désir de concevoir un enfant se présente ?”, le tout avec un ton relativement léger, qui fait qu’on évite la déprime une fois le long-métrage terminé. Il faut dire aussi que les personnages sont plutôt attachants, surtout Tom – interprété par l’acteur britannique Dan Stevens, très convaincant dans son imitation d’un androïde qui imite un humain – qui provoque le rire assez souvent grâce à son décalage par rapport à celles et ceux qui l’entourent. Quant à notre protagoniste principale, Alma – interprétée par une Maren Eggert tout aussi convaincante dans son rôle – elle incarne une version évoluée et atypique de l’archétype de l’héroïne de rom com, qui ne se laisse pas faire mais finit quand même par en pincer pour son prince charmant. On l’a compris, Maria Schrader suit bel et bien le schéma d’une comédie romantique, rien de révolutionnaire à ce niveau-là. Rien de révolutionnaire non plus dans la mise en scène, pas de visuels impressionnants comme dans Her, pas d’utilisation de procédés filmiques novateurs. Bref, pas de quoi marquer de manière permanente l’histoire du cinéma. Toutefois, cela n’empêche pas de passer un agréable moment et de s’évader l’espace d’une heure quarante, bercé.es par la bande son qui se calque bien sur les émotions que I’m Your Man veut nous transmettre. On regrette par contre que l’édition DVD ne puisse rien nous proposer pour prolonger l’expérience – pas de bonus, pas de making of, rien – et on est aussi assez déçu.es de ne pas pouvoir regarder le film en VOSTFR, quoique la très bonne VF nous fait vite oublier ce détail.


A propos de Andie

Pur produit de la génération Z, Andie a du mal à passer plus d'une journée sans regarder un écran. Ses préférés sont ceux du cinéma et de la télévision, sur lesquels elle a pu visionner toutes sortes d'œuvres plus étranges et insolites les unes que les autres. En effet, elle est invariablement attirée par le bizarre, le kitsch, l'absurde, et le surréaliste (cela dit, pas étonnant lorsque l'on vient du plat pays...). Elle apprécie particulièrement les univers cinématographiques de Michel Gondry, Jaco Van Dormael, et Guillermo Del Toro. Ses spécialités sont le cinéma fantastique et les documentaires. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/riobs

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